Les enquêtes menées en 2013 par Recherches et Solidarités permettent de comprendre pourquoi le dispositif « Emplois d’avenir » a tardé à se déployer au démarrage En effet, au 30/09/2013, le nombre total de prescriptions d’emplois d’avenir s’élevait à 59 512 (34,7% en associations et 33,5% en collectivités territoriales), au regard d’un objectif gouvernemental plus ambitieux.
1. Enquêtes auprès des opérateurs (220 Missions locales et 68 agences Cap Emploi)
Les résultats sont différenciés selon les répondants, missions locales (ML) ou agences Cap Emploi (ACE), cela tient autant à leur rôle et place que dans leur public (ex : plus de jeunes diplômés accueillis en ACE).
Information, promotion et coordination:
– Globalement, les ML comme les ACE ne sont pas suffisamment informés du dispositif (30% et 24% mal informés), ni même des dispositions des Conseils Régionaux (seulement 54% et 47% le sont, ce qui n’est pas suffisant pour des opérateurs). ML et ACE estiment que seules 10% des associations et 24% des collectivités sont bien informées. Quant aux employeurs potentiels, le manque d’information qui vient en tête concerne la mise en place de la formation (respectivement 83% et 81%)
– La promotion du dispositif est essentiellement assurée par la cellule opérationnelle créée à cette effet (72% ML et 84% ACE) et dans le cadre des réunions officielles (76% ML et 82% ACE), les échanges à distance (téléphone et Internet) restant surtout le fait des ML, à 70%, contre 46% pour les ACE. De même, le suivi des dossiers d’emplois d’avenir est très largement assuré par la cellule opérationnelle (76% ML et 87% ACE).
– 46% de ML et 24% des ACE disent ne pas avoir été associé par les services de l’Etat et/ou la Région à l’identification des besoins et des secteurs potentiels concernés ; la coordination entre les différents services concernés a particulièrement mal fonctionné.
Identification des employeurs potentiels :
– Les moyens d’identification et d’évaluation des potentialités ne sont pas à la hauteur des enjeux, du fait d’un manque criant de coopération entre les divers intervenants.
– Pour ce qui est des associations, seules 15% d’entre elles ont des salariés, et 68% évoquent des difficultés d’ordre financier pour recruter, ce qui limite la cible, auxquelles s’ajoute le problème de la qualification des jeunes (59%)
– En revanche, les interlocuteurs en collectivités territoriales sont particulièrement ouverts (à plus de 70%), même si elles sont à 25% freinées par les coûts, par la pérennité de l’emploi à 40% et l’origine territoriale des jeunes à 57%.
Jeunes et emplois concernés:
– Les ML et les ACE s’appuient majoritairement sur les jeunes qu’elles accompagnent déjà (77% et 84%). Ces jeunes sont particulièrement réceptifs et intéressés par le dispositif lorsqu’ils sont accompagnés par les ML (69%), nettement moins par les ACE (38%), les ACE recevant surtout des jeunes diplômés, plus en demande d’emplois classiques. A noter que les jeunes jugent les contacts meilleurs avec les associations (70%) qu’avec les collectivités (62%)
– Les ML et les ACE ont dû adapter leurs méthodes à respectivement 53% et 56%, la coordination entre opérateurs étant le fait de la cellule opérationnelle à 42% pour les ML et à 60% pour les ACE
– Les postes qualifiés nécessitant des compétences précises ou de l’expérience sont les plus difficiles à pourvoir, notamment dans le domaine sportif (ex : animateur, éducateur), médico-social (ex : aides à domicile, petite enfance, aide soignant), dans le secteur du bâtiment, et pour tous les postes où sont nécessaires des compétences informatiques ou en langues étrangères (ex : secrétariat, comptabilité) : certains répondants ont ainsi avancé que les postes étaient « surdimensionnés » par rapport au dispositif
– Quant aux jeunes pour lesquels on ne trouve pas d’offre, un bon tiers des répondants ont avancé les causes suivantes : décrochage, manque de confiance, casier judiciaire, trop fort éloignement de l’emploi, comportement, façon d’être….
Formation, tutorat et accompagnement :
Compte tenu du profil des jeunes concernés, sans qualification ou de faible qualification, le plan de formation est essentiel. Or, là aussi le constat est mitigé.
– Beaucoup d’opérateurs manquent d’information et regrettent le décalage entre l’offre de formation et les besoins. Ainsi, les formations financées par les OPCA sont considérées comme incomplètes et partiellement adaptées ; le CNFPT quant à lui n’offre pas de formations qualifiantes et diplômantes. Se rajoutent les obstacles liés au statut du fonctionnaire, à l’accès par concours dans les collectivités locales et la difficulté à trouver des formations compatibles avec un emploi
– Les métiers pour lesquels il y a le plus de difficultés à trouver des formations adaptées sont les métiers de l’animation, de la petite enfance, du sport, de l’audiovisuel, aide soignant, accompagnement des personnes âgées ou handicapés, l’entretien des espaces verts. Autres freins : l’absence de permis de conduire tous véhicules…
– Concernant le tutorat, c’est le manque de disponibilité qui revient le plus souvent, à 48%
– Enfin, quant à l’accompagnement, 20% des ML et 24% des ACE font état de leur sentiment d’impuissance face aux situations économiques, sociales et psychologiques des jeunes, n’hésitant pas à parler de cas « désespérés », ce qui pose la question du traitement préalable en amont de la formulation de l’offre.
Difficultés rencontrées et suggestions :
Après une période de mise en œuvre du dispositif de 7 mois, les répondants estiment que les emplois proposés répondent aux attentes de nombreux jeunes, à 72% pour les ML, contrairement aux ACE qui reçoivent surtout des jeunes diplômés (34%). Néanmoins, ils ne sont adaptés au secteur associatif qu’à 36% pour les ML et à 18% pour les ACE. Ils estiment très majoritairement que la mise en œuvre a été trop rapide, ne permettant pas aux opérateurs de mettre en place une organisation adaptée et opérationnelle. Ils mettent en avant les difficultés liées à la formation et les complexités administratives.
Plus de 50% des répondants proposent un assouplissement des conditions d’éligibilité, notamment la suppression du zonage et l’ouverture aux employeurs du privé.
2. Enquêtes auprès des facilitateurs (46 structures porteuses DLA)
– Comme les opérateurs, les DLA estiment ne pas avoir été assez associées
– 60% d’entre elles maîtrisent l’information sur le dispositif, score proche de celui des opérateurs. En revanche, 66% ont une plus mauvaise connaissance des dispositifs des Régions que les opérateurs (51%)
– 43% estiment que les associations ne sont pas informées, bien plus que les opérateurs qui avancent un taux de 29%
– Elles mettent l’accent surtout sur le manque de qualification des jeunes et le tutorat, plutôt que sur la formation comme les opérateurs
– 35% indiquent ne pas avoir les moyens d’identifier les employeurs associatifs potentiels
Et surtout elles sont nettement moins convaincues que les opérateurs (7% contre 29%) que les emplois d’avenir sont adaptés aux besoins du secteur associatif ; 2/3 d’entre elles suggèrent un assouplissement sur le niveau de qualification et de formation, car « les associations ont besoin de personnes compétentes ».
De fait, les responsables des associations sont ouverts à de dispositif mais évoquent avant tout leurs difficultés financières (68%) et la qualification des jeunes en décalage avec leurs besoins ; les associations ont des moyens limités (difficultés liées à la pérennité de l’emploi, à embaucher des collaborateurs qualifiés), alors qu’elles se sont professionnalisés et ressemblent de plus en plus à des entreprises, dans leur modes de management et leurs besoins.
Associations et collectivités sont par ailleurs en net décalage, notamment du fait de leur statut.