L’apprentissage, une formation insuffisamment au service des moins diplômés


« L’apprentissage au service de l’emploi », Les notes du conseil d’analyse économique, n°19, décembre 2014

En Allemagne, en Australie, en Autriche ou en Suisse, l’apprentissage joue un rôle clé pour insérer dans l’emploi les jeunes peu ou pas diplômés ; ce n’est pas le cas en France même si les effectifs d’apprentis ont crû de 211 000 en 1992 à 405 000 en 2013, une expansion qui a essentiellement bénéficié aux jeunes déjà diplômés, notamment du supérieur, tandis que la proportion des apprentis sans diplôme préalable a chuté de 60% à 35% entre 1992 et 2010.

 

La formation en alternance, comprenant l’apprentissage et les contrats de professionnalisation, se développe en France depuis une trentaine d’années ; les effectifs de l’alternance sont de fait passés de 440 000 à 540 000 entre 1990 et 2013, mais décroissent depuis 2011.

Plusieurs explications : la suppression en 2014 de l’indemnité compensatrice forfaitaire pour les entreprises de plus de dix salariés (rétablie pareillement ultérieurement), le développement des emplois d’avenir, la suppression du Brevet d’études professionnelles et son remplacement par le Bac professionnel qui impose une durée d’apprentissage de trois ans au lieu de deux préalablement, la chute de l’activité dans certains secteurs comme le bâtiment.

 

Le développement de l’apprentissage depuis dix ans résulte d’une importante contribution  financière de l’État, des régions et des entreprises (+51% de 2000 à 2012), alors que la dépense pour le contrat de professionnalisation a décru d’environ 600 millions, en € constants, entre 2000 et 2012.

 

Sur la période 2004-2010, la progression du nombre d’apprentis s’explique par l’essor de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur (+24%), tandis que le nombre d’entrées en apprentissage des élèves de niveau inférieur ou égal au CAP diminuait de 6% ; plus du quart des apprentis sont des étudiants du supérieur, alors que cette proportion est presque nulle en Allemagne. Toutefois les travaux existants montrent que l’apprentissage a un impact beaucoup plus décisif pour les jeunes sortis sans diplôme de l’enseignement général.

 

Le système français d’alternance a des défauts importants.

– Il est caractérisé par un grand nombre d’intervenants (l’éducation nationale, les régions, les consulaires, l’état, les organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage, les partenaires sociaux, les branches, les entreprises…)

– Les actions sont peu ou mal coordonnées

– Une part importante de la taxe d’apprentissage ne finance pas l’apprentissage : 38% de la taxe d’apprentissage étaient affectés à l’enseignement professionnel et technologique hors apprentissage, sans compter les affectations à l’enseignement supérieur ; le système du « hors quota » donne aux entreprises la liberté d’affecter une partie de la taxe d’apprentissage (la loi Sapin de mars 2014 réduit de 31 à 23% la part du hors quota)

 – Une gouvernance complexe, avec des frais de gestion importants, et une allocation des ressources peu efficace (la loi Sapin a abaissé de 140 à 40 le nombre d’organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage) ; le nombre d’intermédiaires demeure trop important, au détriment de la lisibilité du système, de son pilotage d’ensemble et du contrôle de sa qualité.

– Les actions des régions  sont insuffisamment coordonnées, non seulement entre elles, mais aussi avec celles des entreprises et des partenaires sociaux.

Une carte des formations peu flexible et de qualité difficile à contrôler ; la validation des formations  est du ressort de la région et du Rectorat et constitue un frein au développement de l’apprentissage, surtout pour les faibles niveaux de qualification.

– Autre difficulté, le poids des enseignements académiques généraux tels que le français ou les mathématiques, contribuant à un taux d’abandon très élevé dans l’enseignement professionnel (40% au niveau du CAP) ; l’éducation nationale, trop éloignée de l’entreprise, ne semble avoir ni les moyens ni les incitations pour offrir aux jeunes des formations professionnelles qui valorisent suffisamment des compétences pratiques, rapidement opérationnelles, combinées à des connaissances transférables d’un secteur à l’autre

. Dans les pays où l’apprentissage joue un rôle important, ce sont les entreprises, organisées au niveau du secteur ou de l’industrie, qui structurent l’essentiel du contenu des formations.

 

Le rapport formule ensuite 4 recommandations.