L’accés des jeunes à l’emploi


"L’ACCÈS DES JEUNES À L’EMPLOI Construire des parcours, adapter les aides", Cour des Comptes, septembre 2016

Méthodologie: l’enquête a porté sur les mesures prises pour aider les jeunes à s’insérer dans l’emploi au cours de 2010 à 2015 afin d’examiner l’adaptation de ces dispositifs au contexte de la crise de 2008 ; la tranche d’âge concernée est celle de 15 à 25 ans. Elle s’est notamment appuyée sur l’analyse de la mise en œuvre des aides publiques dans sept territoires, qui font l’objet de cahiers spécifiques.

 

Selon l’enquête Génération 2010 du CEREQ, publiée en 2014, les 3/4 des jeunes accèdent à leur premier emploi en moins de six mois, mais avec une précarité plus importante que celle qui touche les autres tranches d’âge; mais un jeune actif sur cinq est en recherche d’emploi trois ans après la fin de ses études (le plus haut niveau observé depuis le lancement de ce type d’enquête en 1998). 11% des jeunes connaissent un chômage persistant et récurrent. Sur un total de 2 266 000 demandeurs d’emploi de longue ou de très longue durée, les jeunes sont ainsi au nombre de 214 000.

 

Si 86% des salariés étaient en CDI, les nouveaux embauchés sont à 86% des CDD, dont les 2/3 avec une durée inférieure à un mois. Ces CDD sont concentrés sur les jeunes (les 2/3 des jeunes en emploi) , les femmes et les moins qualifiés et des activités saisonnières comme les HCR. 25% travaillent à temps partiel. Les difficultés d’accès à un emploi sont plus importantes pour les jeunes peu ou pas qualifiés : 37,3% pour ceux sans diplôme ou de niveau CEP, 30,1% pour les titulaires du seul brevet des collèges, 21,9% pour les titulaires d’un CAP ou d’un BEP, 10,8% pour les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur. À tous les niveaux de sortie de formation, les jeunes issus de l’immigration (13% de la génération) connaissent des débuts de vie active plus chaotiques que les autres.

 

Le taux de chômage des 15 à 24 ans (23,4%) est nettement supérieur en France à celui de nombreux pays, dont l’Allemagne (7,7%), les Pays-Bas (12,7%) ou le Royaume-Uni (16,9%). Selon [shortcode]l’OCDE[/shortcode], les pays où l’association des études et du travail est plus répandue (Allemagne, Suisse, Royaume Uni, Pays-Bas, Canada), connaissent des taux de chômage plus faibles et une transition moins heurtée de l’école à l’emploi.

 

En 2014, 80% des emplois des 25 à 49 ans sont des CDI, alors que ce taux n’est que de 46% pour les 15 à 24 ans; selon l’enquête emploi de l’Insee, 36% de ces derniers occupent un emploi en CDD ou en intérim. Par ailleurs plus d’1/3 des jeunes en CDI rompent le contrat avant la fin de la1ére année d’embauche.

 

Enfin, on évalue à 100 000 le nombre de stages qui devraient être en réalité des emplois; 32% des 900 000 étudiants inscrits en université ont suivi un stage; six stages sur dix durent au moins deux mois; 50% des stages seulement faisaient jusqu’en 2014 l’objet d’une gratification.

De ces faits, selon l’Insee, 18,6% des jeunes adultes de moins de 30 ans étaient pauvres en 2013 (1,6 million de personnes), contre 13% pour les 30 à 49 ans et 9,5% pour les 50 ans et plus.

 

Trois instruments principaux sont utilisés par les pouvoirs publics pour faciliter l’accès des jeunes à l’emploi :

*l’aide directe à l’emploi : en incluant les allégements généraux de charges jusqu’à 1,6 SMIC, ce sont 79% des 16-29 ans dont les salaires bénéficiaient d’une aide publique mensuelle; par ailleurs, plus d’un jeune actif sur quatre bénéficiait d’un contrat aidé ou d’un contrat en alternance (6% des jeunes actifs en contrat aidé). Fin 2014, plus de 160 000 jeunes bénéficiaient d’un contrat aidé, à hauteur de 80% dans les administrations, les collectivités territoriales, les associations et les structures d’insertion par l’activité économique, et à hauteur de 20% dans le secteur marchand, soit un coût pour l’État de 2,02 Md€ en 2015.

*Les dispositifs d’accompagnement : les principaux dispositifs sont le projet personnel d’accompagnement vers l’emploi (PPAE), le contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS), l’ANI Jeunes, la Garantie jeunes et l’accompagnement intensif jeunes (AIJ). Pôle Emploi assure un rôle central dans la mise en œuvre des dispositifs d’accompagnement : 800 000 jeunes bénéficiaient d’un accompagnement dit « guidé » ou d’un accompagnement dit « renforcé » dans le cadre du PPAE ; 67 000 avaient achevé un parcours en accompagnement intensif jeunes (AIJ). Par ailleurs, dans les missions locales, 276 000 jeunes suivaient un PPAE, 70 000 bénéficiaient d’un CIVIS et près de 17 000 la Garantie jeunes. Le coût global de l’accompagnement s’est élevé à 1,45 Md€.

*La formation : En 2014, 400 000 apprentis et 165 000 jeunes en contrat de professionnalisation suivaient une formation en alternance. Parmi eux, un jeune sur cinq était sans diplôme à l’entrée du cursus. L’effort public en faveur de l’apprentissage s’élevait en 2015 à 5,95 Md€, dont 2,24 Md€ de dépenses budgétaires et fiscales de l’État.

Des stages de formation professionnelle continue qualifiante ou pré-qualifiante ou de stages davantage centrés sur la préparation opérationnelle à l’emploi sont par ailleurs financés par les régions, Pôle emploi et les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA); la moitié des heures des formations régionales sont mobilisées pour les jeunes. En 2013, les régions ont consacré 900M€ à la formation des jeunes (hors apprentissage) et Pôle Emploi 110 M€.

Pour les jeunes ayant « décroché » du système scolaire, il existe enfin des dispositifs intégrés de formation ne relevant pas de l’Éducation nationale, notamment les écoles de la deuxième chance (E2C) et l’établissement public d’insertion de la défense (EPIDe); le coût complet des E2C s’élève à 85M€, dont 18,53M€ à la charge de l’État, pour près de 10 000 jeunes accueillis. L’EPIDe (80M€, dont 67M€ pour l’État) accueille en internat 3 400 jeunes.

 

L’effort public partagé entre l’État, les collectivités territoriales et les opérateurs en faveur de l’emploi des jeunes peut être évalué à près de 10,5 Md€, 57% destiné à l’apprentissage, 19% aux contrats aidés, 14% pour l’accompagnement et 10% pour la formation continue. Les couts unitaires annuels des dispositifs en 2015 varient de 26 700€ pour l’EPIDE, à 15 000€ pour l’apprentissage, à 4 000€ pour la formation professionnelle, 600€ pour le PPAE pôle emploi, 450€ pour le PPAE missions locales à 150€ pour le parrainage.

 

Les performances ne sont pas à la hauteur des moyens financiers engagés, mais les données pour évaluer sont nettement insuffisantes :

*L’accompagnement par Pôle Emploi : quels que soient le mode et la durée de l’accompagnement, un jeune sur 10 seulement accède chaque mois à un emploi d’une durée d’au moins un mois.

*L’accompagnement par les missions locales : plus le niveau de formation des jeunes est faible, plus le taux de sortie vers l’emploi l’est également : il n’est que de 36% pour les jeunes de niveau infra V, contre 52% pour les jeunes de niveau V et au-delà ; les taux de sortie par niveau de formation varient assez peu d’un dispositif à l’autre,

*La performance des dispositifs dits « intensifs » (AIJ, Garantie jeunes, écoles de la deuxième chance).: sur près de 68 000 jeunes qui ont terminé un accompagnement en AIJ, 48% ont connu une sortie positive vers l’emploi ou l’alternance, 50% pour l’accompagnement en Garantie jeunes ; en comparant la performance de cette dernière pour les jeunes de niveau infra V, avec celle en E2C, dont 87% des publics n’ont pas un niveau V de qualification, les taux de sortie en emploi sont sensiblement proches (respectivement 39 et 37%).

*L’accès à l’emploi après un contrat aidé : 66% sortants d’un contrat aidé dans le secteur marchand en 2013 étaient en emploi six mois après l’échéance de ce contrat, contre seulement 40% dans le secteur non marchand. Selon la DARES, l’aide de l’État est décisive pour 64% des recrutements sur contrats aidés dans le secteur non marchand et de 19% dans le  secteur marchand (25% pour les contrats d’avenir), en effet, dans le secteur marchand, 63% des recrutements en CUI-CIE et 47 % en emploi d’avenir auraient été opérés même sans aide de l’État.

 

3 critiques principales à l’encontre des dispositifs d’aide mis en œuvre : – la sélectivité des publics est insuffisante

– l’intensité de l’accompagnement des jeunes est insuffisante

– le contenu en formation est globalement limité Il en découle plusieurs changements souhaitables : accorder une moindre priorité aux contrats aidés en les considérant comme des phases transitoires, en particulier vers la formation et davantage recourir aux formes classiques d’alternance, mise en place d’un contrôle de l’assiduité pour tout dispositif comportant le versement d’une allocation.

 

En ce qui concerne les acteurs intervenant :

*mettre en place, au niveau du bassin d’emploi, une instance partenariale unique, chargée de statuer sur l’admission et le suivi des jeunes dans l’ensemble des dispositifs

* améliorer l’efficacité des missions locales en rationalisant et en professionnalisant leur gestion (mutualiser leurs fonctions administratives, financières et d’ingénierie des projets) et conclure pour chaque mission locale un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens associant tous les financeurs et contenant un référentiel d’évaluation de leur performance

* affecter les jeunes dans les dispositifs en fonction d’une grille de critères commune à l’ensemble des opérateurs

* assurer la traçabilité du parcours des jeunes et la mesure des résultats des dispositifs, grâce à un identifiant commun à la politique de l’emploi des jeunes

* réduire le nombre des dispositifs d’accompagnement et simplifier leur contenu

* donner aux opérateurs davantage de liberté dans l’utilisation de leurs moyens pour organiser le contenu de l’accompagnement, en contrepartie d’une rémunération à la performance