10% des emplois sont vulnérables et 50% susceptibles de transformation profonde


"Automatisation, numérisation et emploi, tome 2 : l’impact sur les compétences", Conseil d'orientation pour l'emploi, septembre 2017

Pour apprécier l’importance de la demande de ces différentes compétences ainsi que le niveau actuel de maîtrise de ces compétences par les actifs, le Conseil a adressé un questionnaire aux OPCA pour connaître l’état des besoins qu’expriment les branches professionnelles (compétences expertes, compétences techniques nouvelles, compétences transversales) et réalisé une étude, à partir des données de l’enquête PIAAC de l’OCDE (compétences transversales), demandant à LinkedIn de produire des données à partir de l’utilisation de son réseau (compétences expertes).

 

3 groupes de compétences devraient être bien plus mobilisées dans une économie numérisée :
des compétences expertes dans les nouvelles technologies, mais aussi dans tous les secteurs économiques utilisateurs de ces technologies 

des compétences techniques nouvelles en lien avec la recomposition à attendre d’environ 50% des emplois 

Pour tous les actifs, une augmentation du besoin de compétences dites « transversales », qui recouvrent des compétences numériques générales, des compétences cognitives (littératie, numératie) et des compétences sociales et situationnelles.

 

En 2014, la France comptait environ 900 000 emplois de professionnels des technologies numériques, en hausse de 4% par an, dix fois plus rapide que l’évolution de l’emploi total au cours des années récentes. D’après le groupe de travail « Prospective des métiers et des qualifications », 110 000 nouveaux emplois seraient créés dans les métiers des technologies de l’information entre 2012 et 2022.

 

Les compétences les plus demandées sont celles liées à la gestion et l’exploitation des données, celles liées à la programmation, et enfin, celles liées à la conception et la maintenance de logiciels. LinkedIn évalue à 1,25 millions les actifs inscrits qui déclarent détenir des compétences expertes dans les nouvelles technologies. 46% des utilisateurs qui ont des compétences « tech » sont concentrés en région parisienne. La moitié des utilisateurs se répartissent entre 4 secteurs : services informatiques (30%), industrie (14%), finance (8%), services aux entreprises (7%).

 

Compte tenu de l’importance des créations d’emplois attendues, l’offre de compétences en France, est insuffisante; d’après l’enquête Besoins en Main d’œuvre de Pôle Emploi de 2017, 58% des projets d’embauche dans les familles de métiers de l’informatique sont considérés comme « difficiles ». On pourrait ainsi s’attendre, d’après le rapport Empirica, à 80 000 emplois vacants d’ici 2020 en France et concerne les seuls domaines du numérique et de l’électronique : elle ne couvre donc pas les pénuries susceptibles d’être rencontrées dans l’ensemble des secteurs liées aux nouvelles technologies. Cette pénurie devrait toutefois être moindre que dans d’autres pays (elle est par exemple estimée à 161 000 au Royaume-Uni et 150 000 en Allemagne).

 

Les compétences numériques générales ne se résument pas à la maîtrise d’outils numériques. Elles comprennent aussi la capacité à évoluer dans un univers professionnel numérisé (capacité à manifester un esprit critique, créatif et à utiliser les technologies digitales de manière responsable, notamment en matière de protection de la confidentialité, de l’environnement ou de la santé). Elles constituent un attendu croissant des employeurs pour un nombre toujours plus important d’emplois.

 

Pourtant, d’après les statistiques de la Commission européenne, basées sur le référentiel européen DigComp, en France, 8% de la population active n’a aucune compétence numérique, 27% un niveau faible, tandis que 33% ont un niveau de base et 29% un niveau supérieur. Les plus jeunes et les plus qualifiés ont en moyenne des niveaux plus élevés. Si 82% des 16-24 ans ont des compétences numériques de base ou supérieures, ce chiffre passe à 53% pour les 45-54 ans. 31% des personnes peu qualifiées ont un niveau suffisant, contre 84% pour les personnes très qualifiées. En comparaison, le Royaume-Uni, a seulement 3% de sa population active qui n’a aucune compétence, 22% un niveau faible.

 

L’étude du COE démontre également qu’en France :
-13% des actifs en emploi (soit 3,3 millions de personnes) ont un niveau de maîtrise, à la fois en numératie et en littératie, qui est susceptible de les mettre en difficulté dans leur emploi actuel ou dans la recherche d’un nouvel emploi 
– que 30% (soit 7,6 millions de personnes) pourraient encore progresser en compétences pour disposer de meilleurs atouts au regard des attendus professionnels dans une économie plus numérisée.
-Le risque de maîtrise insuffisante des compétences en littératie et numératie n’est pas corrélé au niveau de qualification mais qu’il est variable selon l’âge : il est constaté pour des actifs de tous niveaux de qualification, et pas seulement chez les peu et moyennement qualifiés
-les seniors sont surreprésentés parmi les actifs qui devraient progresser pour disposer de meilleurs atouts, et plus encore plus parmi ceux susceptibles d’être « en difficulté ».

 

Les technologies seront aussi à l’origine d’une demande accrue généralisée pour des compétences sociales (travail en équipe, intelligence sociale), et situationnelles (autonomie, apprendre à apprendre); les tâches exigeant ces compétences sont difficilement automatisables. Ces technologies, en modifiant l’organisation du travail, renforcent la demande pour ces compétences alors qu’elles étaient auparavant plutôt des attendus pour les professions les plus qualifiées.

 

Dans le contexte de la révolution technologique, il faut non seulement continuer à améliorer le niveau de qualification, mais aussi agir sur les compétences.  Le renouvellement accéléré des compétences requises pour faire face à la rapidité des mutations technologiques en cours implique aussi de mettre un accent nouveau sur le contenu et les modalités d’évolution des diplômes et autres certifications.

 

Suivent une succession de recommandations.