Les salariés et le sens du travail affrontés à la crise sanitaire.


"COMMENT LA PANDÉMIE DE COVID-19 A-T-ELLE BOULEVERSÉ LE RAPPORT AU TRAVAIL ? ", CEET, CNAM, le 4 pages N°172, Juin 2021

MÉTHODOLOGIE :
Le dispositif Evrest, mis en place en France en 2007 à l’initiative de médecins du travail et de chercheurs dans l’objectif de récolter des informations concernant le travail et la santé, pour un échantillon de salariés du secteur public et privé.

Le recueil des données s’effectue via un questionnaire court, standardisé, administré, par les médecins ou les infirmiers volontaires lors des entretiens périodiques de santé au travail. Les résultats sont issus des questionnaires complétés entre le 1er octobre 2020 et le 30 avril 2021, soit 3029 salariés.
L’étude est complétée par une enquête sur le vécu du confinement des familles : enquête collective par entretiens, menée auprès de 18 familles, dès la première semaine du confinement en mars 2020 jusqu’à début juillet, à raison d’un entretien hebdomadaire (à distance). La population est constituée de couples hétérosexuels cohabitant avec des jeunes enfants à charge, interrogeant principalement les mères, principales responsables de la charge domestique et familiale. L’enquête s’appuie sur un corpus de 90 entretiens, dont 3 profils types.
« Du fait de la crise sanitaire, avez-vous le sentiment que votre travail perd [ou a perdu] de son sens ? » et du gain d’intérêt « Du fait de la crise sanitaire, avez-vous le sentiment que votre travail gagne [ou a gagné] en intérêt ? »

 

Paradoxalement, les plus investis dans le travail de par leurs responsabilités sont ceux qui s’interrogent le plus sur le sens de leur travail, alors que ceux qui y ont trouvé plus de sens sont ceux dont le positionnement était le plus fragile.

⇒ 1er type : 10% des salariés déclarent que leur travail a perdu de son sens.

Parmi ces 10%, les femmes cadres et professions intermédiaires de plus de 40 ans sont surreprésentées. Stables dans leur emploi, elles appartiennent majoritairement au secteur des services ou de l’administration, santé et action sociale.

 

Ces personnes connaissent au quotidien une intensité au travail relativement élevée : elles déclarent souvent dépasser leurs horaires, sauter des repas, traiter trop vite une opération ou encore abandonner fréquemment une tâche en cours.

 

Si leurs contraintes physiques au travail sont relativement faibles, leur autonomie au travail est relativement moins importante que d’autres salariés, d’où des difficultés d’entraide, de capacité à articuler les sphères de vie au quotidien et un manque de reconnaissance de la part de l’entourage professionnel.

 

Depuis octobre 2020, ces personnes sont plus nombreuses à effectuer du télétravail, ce qui accroit la perte de sens. L’intensification du travail à domicile s’ajoute à une charge de travail domestique et parentale importante. La difficile articulation des activités au sein d’un même lieu questionne le sens du travail professionnel.

⇒ 2éme type : 61% déclarent que leur rapport au travail n’a ni perdu de son sens, ni gagné en intérêt du fait de la crise sanitaire.

On y trouve plutôt des hommes contremaitres et ouvriers qualifiés, âgés entre 30 et 40 ans du secteur de l’industrie et du bâtiment.

 

Au quotidien, ils connaissent une intensité au travail modérée :  dépassant rarement leurs horaires, n’écourtant pas les repas, accomplissant leur tâche sans être interrompu ; mais ils connaissent des contraintes physiques importantes (postures contraignantes, port de charges lourdes). Ils connaissent un manque de reconnaissance et des contraintes dans leurs manières de procéder au travail.

 

Ils sont relativement souvent sur site.

 

Cette relative stabilité repose sur un certain rapport à l’avenir professionnel fondé sur le caractère pérenne de l’activité.

 

⇒ 3éme type : 29% déclarent que leur travail a gagné en intérêt

 

On y trouve plutôt les femmes employées, de moins de 30 ans, ayant plus souvent des conditions d’emploi précaires dans les secteurs dits « essentiels » comme ceux du commerce, de l’administration, de la santé et de l’action sociale.

 

Elles connaissent au travail une intensité variable (dépassement fréquent des horaires, repas sautés). Elles ont souvent des postures contraignantes et des gestes répétitifs, mais bénéficient d’une autonomie relativement importante.

 

Leur activité alterne travail sur site et télétravail.

 

Les secteurs et métiers concernés bénéficiant d’une relative reconnaissance sociale, contrairement aux situations précédentes où les conditions de travail étaient centrales.

 

“Ces résultats laissent entrevoir un rapport au travail inégalement modifié selon la classe sociale, mais avant tout selon le genre… les résultats questionnent l’importance de la reconnaissance symbolique, facteur essentiel du rapport au travail. “

 

 

Pour en savoir davantage : Comment la pandémie de Covid-19 a-t-elle bouleversé le rapport au travail ? | CEET | Cnam