Méthodologie : l’enquête Conditions de travail et Risques psychosociaux (CT-RPS 2016) s’articule avec l’enquête Conditions de travail (CT) : tous les trois ans, en alternance, a lieu l’une ou l’autre de ces enquêtes. L’interrogation se fait en panel. Chaque individu de l’échantillon est interrogé 3 fois de suite, soit sur une durée de 9 ans au maximum.
Le volet « Individus » a été collecté d’octobre 2015 à juin 2016, auprès de 27 000 personnes âgées de 15 ans ou plus, en face à face par les enquêteurs de l’Insee. Si l’enquête vise en premier lieu à interroger les actifs occupés, elle réinterroge tous les répondants de l’enquête CT 2013, y compris les personnes sorties de l’emploi depuis lors (les personnes au chômage ou inactives, retraitées, en arrêt maladie de plus d’un an).
Le champ géographique de l’enquête comprend la métropole et 4 départements d’outre-mer : Martinique, Guadeloupe, La Réunion, Guyane (500 questionnaires environ dans chacun de ces départements).
L’étude tente d’observer l’opinion des salariés dans leur travail face aux conflits de valeurs, en prenant en compte les moyens dont ils disposent.
Il est étrange que l’étude se concentre sur la valeur travail en soi (centrée sur le travail bien fait) sans prendre en compte la dimension économique de l’entreprise, et la participation ou non à la dynamique collective (salariés, dirigeants). De même, elle ne prend pas en compte les raisons ou non de l’implication du salarié.
⇒ Une différenciation entre les secteurs privés, publics et celui des indépendants
Noter que les caractéristiques femmes et hommes, tranches d’âge, alors que celles relatives au statut (secteur privé et public, indépendants), au type de contrat de travail ou encore au secteur d’activité manifestent davantage de différences.
Dans le privé, le travail est davantage perçu comme manquant de sens et inutile mais avec des moyens suffisants pour l’exercer, alors que dans le public l’inutilité s’efface devant la fierté du travail bien fait, mais avec une surexposition aux conflits de valeurs.
Pour les indépendants, les conflits de valeur sont moins présents dans un travail plutôt perçu comme ayant du sens.
Dans le secteur d’activité du tertiaire, le fierté du travail bien fait s’impose au contraire de l’industrie ; il est moins perçu comme inutile, contrairement à l’industrie.
Enfin pour les CDI (peu de différences entre les CDI stables, ayant des craintes pour leur emploi ou un CDI à temps partiel) ; les CDI se disent davantage surexposés au conflit de valeurs, dans un travail qui plus souvent manque de sens, que les CDD et intérimaires.
⇒ 6 profils différents spécifiés autour du travail en soi et des moyens pour l’exercer
2 profils sont peu exposés aux conflits de valeurs
♦ 40% sont peu ou pas exposés aux conflits de valeurs (51% des répondants)
Au regard de tous les items proposés pour décrire les conflits de valeur, les peu ou pas exposés confirment cette modeste exposition : ils font beaucoup moins des “choses qu’ils désapprouvent”, ou “des choses qui ne sont pas de leur ressort”, ou moins le fait de prendre des risques pour leur santé ou celle de leurs collègues et clients, et encore moins de de devoir faire des “choses dégradantes”. Peu estiment « ne pas pouvoir faire du bon travail, et devoir sacrifier la qualité ».
Ils sont un peu plus souvent en contrats précaires : 30% d’entre eux sont apprentis, stagiaires, en contrats aidés ou CDD (vs 24), ce qui les conduirait à accorder moins d’importance aux conditions de travail. Seuls 28% continuent à penser au travail en dehors du lieu de travail (vs 41). Cette situation touche un peu plus souvent les hommes, les plus de 50 ans et les travailleurs indépendants.
Ces personnes sont moins exposées aux pénibilités physiques, ainsi qu’aux autres facteurs de risques psychosociaux : seules 12% doivent travailler sous pression (vs 31). Elles sont également moins nombreuses à estimer être « plutôt mal payées compte tenu du travail réalisé » (26% vs 38).
♦ 11% ressentent leur travail comme inutile, mais disposent de moyens pour bien le faire
Une grande majorité perçoit leur travail comme inutile, et et n’éprouve pas de la fierté dans leur travail bien fait, alors qu’ils ont souvent les moyens pour le faire correctement. Ils se disent moins exposés aux conflits de valeurs.
Ce groupe compte un peu plus d’hommes, d’ouvriers et d’intérimaires. Ces personnes bénéficient souvent d’un soutien social élevé de la part de la hiérarchie ou des collègues (58% vs 50) et estiment être reconnues dans leur travail. Mais elles sont plus nombreuses à déclarer de faibles marges de manœuvre.
2 profils sont très exposés aux conflits de valeurs (29% des répondants)
Bien plus que les 4 autres profils, ils dénoncent le fait d’exécuter “des choses qu’ils désapprouvent”, de faire “des choses dégradantes”, qui ne sont pas de leur ressort, les conduisant aussi à mentir, à prendre des risques pour leur santé ou celle de leurs collègues et clients, et à exercer des contraintes sur des personnes.
Majoritairement, ils disent « ne pas pouvoir faire du bon travail, et devoir sacrifier la qualité ».
♦ 18% sont en conflits éthiques mais avec les moyens de travailler
Ils ont plus souvent les moyens de faire correctement leur travail, par exemple avec des logiciels et programmes informatiques bien adaptés, un matériel suffisant et adapté ou encore la possibilité de coopérer.
Ces situations de conflits éthiques s’accompagnent souvent de pénibilités physiques et de contraintes de rythme, d’un travail sous pression et d’une quantité de travail jugée excessive. Ils sont plus nombreux à s’estimer mal payés pour le travail effectué.
Ils travaillent un peu plus souvent au contact d’un public ; plus que d’autres, ils ont été victimes d’une agression verbale de la part du public.
Ce sont plus souvent des hommes, et des personnes dans la fonction publique hospitalière notamment (infirmiers et sagesfemmes), pompiers, militaires, policiers, agents de gardiennage et de sécurité, dirigeants d’entreprises, cadres de la banque et des assurance.
♦ 11% surexposés aux conflits de valeurs
Ils ressentent rarement un sentiment d’utilité de leur travail. Très majoritairement, ils doivent face à une quantité de travail excessive, travailler sous pression, voire vivre des pénibilités physiques.
Ils estiment être mal payés pour le travail effectué et déplorent un faible soutien de leur hiérarchie. Mais ils ont aussi « quelqu’un sur qui compter” dans leur vie privé.
Ce groupe compte davantage de femmes, de personnes de 31 à 50 ans, de profession intermédiaires de l’enseignement, de la santé, d’employés de la fonction publique, ainsi que de salariés en CDI ayant des craintes pour leur emploi.
2 autres profils sont moyennement exposés aux conflits de valeur (20% des répondants)
♦ 12% éprouvant la fierté d’un travail utile et bien fait, malgré l’insuffisance des moyens. Ils « doivent sacrifier la qualité » et faire des choses qui ne sont pas de leur ressort. Ils disposent de faibles marges de manœuvre et s’estiment souvent « plutôt mal » et « très mal payées » pour le travail effectué.
Ces personnes sont plus souvent des femmes, âgées de 41 à 50 ans, des salariés stables, des cadres ou professions intermédiaires, des agents de la fonction publique, notamment dans l’enseignement et la santé. Elles sont plus souvent que les autres en contact avec le public dans le cadre de leur travail.
♦ 8% occupent un travail manquant de sens et de qualité
Une grande majorité n’éprouve que parfois ou jamais la fierté du travail bien fait, et 75% le sentiment d’inutilité de leur travail ; ils déplorent également ne pas avoir les moyens de faire correctement leur travail (logiciels, temps, formations, matériel, collaborateurs…). Ils estiment réaliser un travail sous pression avec une quantité de travail excessive.
Ce sont un plus souvent des femmes, des personnes âgées de 31 à 40 ans, des cadres ou des employés administratifs d’entreprise, des agents de la fonction publique de l’État. Les familles professionnelles les plus présentes sont les cadres de la banque et des assurances, les secrétaires, les personnels d’études et de recherches, les techniciens et agents de maitrise de la maintenance, les ingénieurs informatique ou encore les cadres de la fonction publique.
Pour en savoir davantage : Conflits de valeurs au travail : qui est concerné et quels liens avec la santé ? | Dares (travail-emploi.gouv.fr)