Méthodologie :
-Le champ retenu : les entreprises de commerce, d’artisanat et de services employant moins de 10 salariés, exploitant une surface de vente inférieure à 400 m2 et répondant à des besoins quotidiens et de proximité de la population.
-L’enquête a porté sur trois axes : les réponses apportées par cette politique aux attentes des ménages, collectivités locales et commerçants ; la prise en compte des nouvelles pratiques d’achat et de vente, des enjeux de numérisation et de développement durable ; la mesure des actions menées et des moyens mis en œuvre par l’État.
-Elle s’est appuyée sur des entretiens et des analyses des données recueillies auprès des acteurs en charge de cette politique au niveau national. Des déplacements ont eu lieu dans 5 villes engagées dans le programme Action cœur de ville (Auxerre, Châteauroux, La Roche-sur-Yon, Rambouillet, Vesoul).
La Cour a aussi analysé les données fiscales des entreprises concernées et a exploité les données des comptes des collectivités locales de plus de 3 500 habitants pour estimer les aides directes versées aux commerces de proximité de 2018 à 2021.
Les actions publiques ont largement visé le commerce dans sa globalité, avec l’appui des collectivités locales et bien moins le financement de leur transformation individuelle.
⇒ Quelques données pour situer le commerce de proximité
Le commerce de proximité compte environ 700 000 entreprises et 1,1 million d’emplois (salariés et non-salariés). Il est composé de commerces de détail divers en boutique, tels habillement, équipement de la maison… (29% des commerces concernés) de commerces de services, tels pressing, agences immobilières, agences de voyage… (26%), de salons de coiffure et instituts de soins (18%), de commerces alimentaires dont d’artisanat commercial (18%), de commerce sur les marchés (10,5%).
68% n’ont aucun salarié et 12% plus de trois.
Leur chiffre d’affaires moyen s’élève à 223 000 €, avec de fortes disparités entre les secteurs.
Différents statuts coexistent : commerces « indépendants » (très présents dans l’artisanat, les commerces alimentaires ou les pharmacies), commerces franchisés et commerces intégrés (très présents dans l’habillement et la coiffure).
⇒ L’évolution depuis les années 90
♦ Par grand secteur
-Dans le domaine alimentaire, la part de marché du commerce de proximité a connu une nette baisse à partir des années 1990 au bénéfice de la grande distribution (22% en 1993, 17% en 2017), puis 20% en 2021.
-Les hypermarchés demeurent le lieu d’achat le plus utilisé par les Français même si leur fréquentation hebdomadaire a récemment diminué au profit des supermarchés, du hard-discount, des « supérettes » et des commerces indépendants. Les supérettes (d’une surface inférieure à 400 m2) connaissent une forte hausse de leurs ventes (+20,7% depuis 2011) et l’implantation de multiples points de vente liés aux réseaux de grande distribution.
-Les ventes en ligne (produits et services) représentent aujourd’hui 12,5% des ventes du commerce de détail (146,9 Md€ en 2022). Le volume de ventes en ligne des commerces physiques a progressé de 50%, accélérant la mutation du commerce vers une stratégie omnicanale, combinant ventes en ligne et ventes physiques.
Dans le secteur de l’habillement et des chaussures, les ventes sont en fort recul sur la dernière décennie (- 15,6%), notamment sous l’effet de la concurrence du e-commerce.
La part des personnes ayant fait un achat en ligne au cours des douze derniers mois a progressé de cinq points en 2021 par rapport à 2019. Plus élevée parmi les 30-44 ans (86,4 % ; + 5 points par rapport à 2019), elle a surtout progressé parmi les 45-59 ans (79,3 % ; + 10 points).
Les ventes en ligne (produits et services) représentent aujourd’hui 12,5% des ventes du commerce de détail (146,9 Md€ en 2022).
La fermeture des commerces et la restriction des déplacements en périodes de covid ont dopé les achats par internet. Le volume de ventes en ligne des commerces physiques a progressé de 50%. La crise a accéléré la mutation du commerce vers une stratégie omnicanale, combinant ventes en ligne et ventes physiques.
Après les fortes croissances des années 2020 et 2021, marquées par plusieurs confinements, la vente de produits en ligne a connu un recul substantiel au premier semestre 2022 (-16%) avant de se stabiliser au second : les ventes de produits en ligne ont diminué de 7%, la croissance du e-commerce (+13,8% en 2022) étant tirée par les services.
♦ Le taux de vacance commerciale (taux de locaux commerciaux inoccupés) a fortement progressé entre 2012 et 2020, en particulier dans les centres-villes, où il est passé de 7 à 12,3%. Le taux de vacance semble plutôt lié à l’évolution démographique du bassin de vie. Près de 40 villes connaissent en 2022 une vacance commerciale supérieure à 20% et 12 villes une vacance supérieure à 25%.
On constate une baisse de la vacance commerciale sur les 2 dernières années : baisse de la vacance commerciale dans les petites villes et villes moyennes, mais stabilisation dans les grandes villes et légère augmentation dans les métropoles.
♦ En 2022, l’activité a augmenté dans l’ensemble du commerce et retrouvé ses niveaux d’avant crise dans le commerce de détail, traduisant un retour à des habitudes de consommation d’avant crise : la hausse est modérée dans les magasins à dominante alimentaire et l’activité diminue dans l’alimentaire en magasin spécialisé après une année 2021 exceptionnelle. L’activité de service des artisans a progressé en 2022, portée par l’augmentation des prix de certains secteurs (transports). Les coiffeurs et les pressings ont enregistré une activité quasi-stable, tandis que les chiffres d’affaires des fleuristes et « autres services » ont continué à baisser.
En 2022, les défaillances des commerces de proximité, réduites de moitié en 2020-2021 grâce au soutien public, se sont rapprochées de leur niveau d’avant crise (8 861 contre plus de 11 000 avant 2019). Les créations d’entreprises ont en revanche été bien plus importantes sur la période 2020-2022 qu’avant la crise, notamment dans les domaines des salons de coiffure et soins de beauté, des agences immobilières et des commerces alimentaires.
⇒ La mise en place de programmes territorialisés fondés sur la redynamisation des centres-villes.
♦ Globalement la situation : entre 2009 et 2015, les pôles commerciaux de périphérie ont connu une relative dynamique en termes d’emploi (+2,4%), tandis que l’emploi stagnait dans les centres-villes (+0,2%), le décrochage étant plus marqué dans les centres des villes moyennes, de moins de 200 000 habitants. Dans 8 villes de taille intermédiaire sur 10, les effectifs salariés du commerce de proximité en centre-ville ont baissé entre 2009 et 2015.
♦ Les actions publiques successives : en 2014, avec l’adoption de la loi dite « loi ACTPE », qui a créé des contrats de revitalisation artisanale et commerciale, pour la « redynamisation des centres bourgs », puis en 2015, avec l’élargissement aux quartiers de la politique de la ville (QPV) aux centres-villes puis, en 2016, avec le programme expérimental de la Caisse des dépôts « Centre-ville de demain » et en 2018 du programme Action cœur de ville (ACV).
Ce dernier programme porte sur 234 villes, dont la majorité comprend entre 20 000 et 100 000 habitants ; il mobilise 3 partenaires financiers au niveau national (l’Anah, Action logement et la CDC, via la Banque des Territoires). Il prévoit également le fléchage de dotations de l’État (dotation de soutien à l’investissement local – DSIL et dotation d’équipement des territoires ruraux – DETR). Le soutien au commerce est plutôt conçu comme un soutien « indirect ».
La loi ELAN a conféré aux collectivités territoriales de nouveaux droits en matière d’urbanisme commercial, dans le but notamment d’accompagner la mise en place du programme ACV à travers les opérations de revitalisation de territoire (ORT). Celles-ci reposent sur une convention formalisant un projet d’intervention, conclue par la commune, l’EPCI et l’État dans le cadre d’un périmètre d’intervention validé par le préfet. En matière commerciale, elles dotent les collectivités locales et le préfet de département de pouvoirs renforcés sur ce périmètre, pour privilégier les implantations commerciales en centre-ville.
♦ Le programme Action Cœur de Ville ne s’accompagnait pas initialement de nouveaux moyens consacrés au commerce. Son lancement a, au contraire, été concomitant à la suppression du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (Fisac), qui constituait jusqu’alors le principal instrument de soutien de l’État en matière de commerce de proximité. Après une diminution progressive de ses crédits, passés de 80 M€ en 2007 à 16 M€ en 2018, la loi de finances pour 2019 a supprimé cet instrument.
Suite à l’épidémie de covid 19, l’État a présenté en juin 2020 un « plan de relance pour les commerçants, artisans et indépendants », qui a renforcé les moyens affectés au commerce dans le cadre du programme ACV. En avril 2021, ces dispositifs ont été étendus à l’ensemble des communes de 3 500 à 150 000 habitants, dans le cadre d’un mandat de gestion confié par la direction générale des entreprises (DGE) à la CDC.
⇒ “La politique de l’État en matière de soutien au commerce de proximité a changé de paradigme à partir de 2017.
Elle s’intègre depuis lors dans une politique globale de redynamisation des centres des villes petites et moyennes et offre aux élus locaux une boîte à outils au service de leur stratégie. Avec l’extinction du Fisac à partir de 2019, l’État a abandonné son levier d’intervention directe auprès des commerçants pour privilégier l’accompagnement des actions des communes et de leurs groupements.
Le bilan des dispositifs fiscaux spécifiques aux commerces de proximité mis en place depuis 2018 s’avère décevant. Les dispositifs d’exonération créés en 2020 en faveur du commerce de centre-ville sont peu utilisés : moins de 20 collectivités y avaient recours en 2022 pour les commerces en milieu rural et 10 collectivités pour les centres-villes. Leur impact est limité par rapport à d’autres mesures de soutien plus directes et ciblées. En tout état de cause, le levier fiscal apparaît comme un outil peu déterminant dans la décision d’implantation d’un commerce par rapport à la dynamique du territoire et d’autres modalités d’accompagnement.
La taxe sur les friches commerciales commence en revanche à être plus fréquemment utilisée, au service d’une politique de lutte contre la vacance commerciale.
⇒ Les actions conduites, action par action.
♦ Le manager de commerce, un dispositif plébiscité par les collectivités. Dans le cadre du plan de relance, un poste de « manager du commerce » pouvait être co-financé dans l’ensemble des communes ACV et PVD, pour une durée de deux ans et à hauteur de 20 000€ par an. Il recouvre 2 missions : l’établissement d’un diagnostic de la situation commerciale de la commune, et un rôle d’interface entre les différents acteurs locaux (services de la commune, associations de commerçants, riverains, professionnels de l’immobilier commercial, partenaires financiers, chambres consulaires).
118 communes ACV (sur les 234 bénéficiaires du programme), 734 collectivités PVD ( pour le financement de 301 postes de managers), et 16 collectivités hors ACV-PVD (dans le cadre du mandat de gestion confié par l’État) ont sollicité ce co-financement.
♦ Le programme « 100 Foncières » pour la réhabilitation de 6 000 commerces ou locaux d’activité à horizon 2024. La création de ces foncières à capitaux publics vise à répondre à un constat de carence de l’initiative privée pour contribuer à réactiver les linéaires commerciaux dans les villes et secteurs en déprise, notamment face à des locaux dégradés et nécessitant souvent une remise aux normes. L’objectif des foncières est donc de créer un véhicule d’investissement public, susceptible de porter le foncier commercial sur une durée plus longue que celle des investisseurs privés classiques (10 à 15 ans), afin de parvenir à équilibrer des opérations en dépit des coûts des travaux à réaliser. Les sociétés doivent également être porteuses de compétences techniques spécifiques aux locaux commerciaux (recherche et accompagnement de porteurs de projets, adaptation des locaux à leurs besoins, gestion des baux commerciaux, négociation…).
Au 31 décembre 2022, 63 foncières étaient en activité. 322 actifs commerciaux avaient été restructurés, dont seulement 118 correspondent à des créations nettes de commerces et locaux d’activité, et 204 à des locaux réhabilités. Fin 2022, le plan d’affaires comportait 2 232 actifs (dont 1 896 commerces et 336 locaux d’activité) sur les 6 000 envisagés.
L’utilisation du fonds de restructuration des locaux d’activité est insuffisamment ciblée : les opérations subventionnées se sont avérées nettement plus coûteuses que ce qui avait été envisagé, ne permettant la rénovation que de 691 locaux au lieu des 1 900 initialement programmés. Sur les 12 régions métropolitaines qui ont bénéficié du Fonds, 4 ont concentré plus de 60% de l’enveloppe : Île-de-France (20%), Occitanie (14%), Auvergne Rhône-Alpes (15%) et Nouvelle Aquitaine (11%).
♦ Le « chèque numérique » d’un montant forfaitaire de 500€, était destinée aux entreprises de 10 salariés au plus, réalisant moins de 2 M€ de chiffre d’affaires, et qui n’avaient pas pu accueillir de public lors du deuxième confinement en novembre 2020. Son objet était de couvrir tout ou partie des charges occasionnées par une démarche de numérisation ; 22% de l’objectif de 110 000 entreprises bénéficiaires a conduit à étendre le champ à l’ensemble des secteurs d’activité à partir de mai 2021.
Les diagnostics numériques des chambres consulaires : entre novembre 2020 et novembre 2022, 36 648 diagnostics individualisés ont été réalisés par les chambres consulaires.
15 308 l’ont été par les chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) : le diagnostic, proposé gratuitement aux entreprises, était subventionné par l’État à hauteur de 300€. L’enquête de CMA France, adressée aux bénéficiaires deux mois après l’obtention du plan d’action, a montré que 74% des entreprises avaient engagé ou réalisé au moins une action recommandée dans le plan d’action et que 94% des chefs d’entreprise étaient satisfaits ou très satisfaits de cet accompagnement gratuit.
5 000 diagnostics individualisés (subventionnés à hauteur de 300€ par l’État) avec plan d’action ont été réalisés par les CCI et 16 340 diagnostics ou accompagnements ont été réalisés. L’enquête réalisée par CCI France auprès de 5 000 bénéficiaires révèle que 88% d’entre eux considèrent cette initiative utile pour démarrer ou prolonger la transformation numérique de leur entreprise. 3 mois après, 60% des chefs d’entreprise indiquent avoir mené au moins une action de transformation numérique. Entre mars 2021 et mars 2022, ce sont 112 580 « chèques numériques » dont 18% ont bénéficié au commerce, 28% à des activités de services et 16% au secteur des HCR, mais seule 37 705 chèques numériques ont bénéficié aux commerces de proximité où plus de 80% des bénéficiaires ont moins de deux salariés dont 23% aucun ; 4 136 entreprises (12% des commerces de proximité) ont justifié une dépense inférieure à la valeur du chèque numérique (entre 450 et 499€). Le taux d’erreur ou de fraude varie de 4 à 8%.
98% ont perçu la simplicité de la démarche de demande ; 22% estiment que le chèque leur a permis de débuter la numérisation de leur activité et 47% d’aller plus loin dans cette démarche, mais 29% indiquent que ce sont des dépenses courantes qui ont été financées.
♦ Des plateformes numériques à disposition des commerces de proximité :
La numérisation des TPE/PME du commerce a progressé entre 2020 et 2022 : 43% étaient dotées d’un site internet et 17% d’une solution de vente en ligne en 2020 vs en 2022, 76% un site et 43% une solution de vente en ligne.
Le plan de relance de 2020 comportait un volet relatif au cofinancement de solutions numériques collectives, destinées à favoriser le développement de la vente en ligne au niveau local (subvention forfaitaire aux collectivités locales, à hauteur de 20 000€ ou de 80% du coût du projet si celui-ci était d’un montant inférieur à 24 000€), étendu à l’ensemble des collectivités de 3 500 habitants à 150 000 habitants. Le financement portait sur 3 grands types de solutions numériques : les plateformes locales de commerce en ligne, les solutions de fidélité ou de bons d’achat dématérialisés, et les vitrines numériques, visant à favoriser la visibilité de l’offre locale.
L’aide a été sollicitée par 487 collectivités dans le cadre des programmes ACV/PVD et par 117 collectivités hors programmes (1,6 M€). 80% des solutions financées ont été des places de marché locales, loin devant les vitrines numériques (10%) et les bons d’achat (10%).
La subvention a pu favoriser l’émergence d’acteurs peu structurés et la proposition d’offres peu matures, 86% des collectivités ont constaté une augmentation du nombre de démarcheurs et 84% une hausse de la fréquence du démarchage. Toutefois l’adhésion des commerçants a été difficile à recueillir : dans près de 9 communes « Action cœur de ville » sur 10, le taux d’adhésion a été inférieur à 50% et dans plus de la moitié des communes, il n’a pas dépassé 25%.
La fréquentation des plateformes a baissé significativement à l’issue de la crise. Seuls 22% des commerçants considèrent que la plateforme a eu un impact dans le temps sur leur chiffre d’affaires, 37% qu’elle n’a pas eu d’impact, et 29% qu’elle n’a eu un impact que pendant la période de fermeture des commerces. Pour 54% des collectivités la plateforme n’a pas eu d’impact sur la fréquentation du centre-ville , 27% qu’elle a eu un impact ponctuel et 8% un impact durable. Plusieurs acteurs rencontrés par la Cour ont manifesté leur volonté de mettre fin au dispositif.
2 facteurs expliquent ce constat : dotés de peu d’effectifs et engagés dans la relation quotidienne avec la clientèle, les commerçants indépendants ne sont souvent pas en capacité de mener de front une activité de commerce physique et une activité de commerce en
ligne, et par ailleurs le multicanal envisageable pour les commerçants appartenant à un réseau organisé (franchise, commerce intégré), est très complexe à mettre en place pour les commerçants indépendants. En outre, la vente en ligne ne répond pas nécessairement à la demande de la clientèle, qui recherche dans le commerce physique la proximité avec le commerçant, le conseil ou l’expérience client : 79% des consommateurs affirment privilégier, dans le cadre des commerces physiques, l’accueil et le conseil, à des technologies numériques permettant de faciliter les achats, 45% des Français accordent plus d’importance aux commerces alimentaires de proximité depuis la crise sanitaire et 89% considèrent qu’ils ont un rôle à jouer dans la préservation du dynamisme local.
♦ Des dispositifs fiscaux.
-Le secteur du commerce acquitte une taxe spécifique, la Tascom, lorsque les surfaces commerciales excèdent 400 m². Près de 300 000 points de vente ne sont pas assujettis à la Tascom, qui donne ainsi un avantage fiscal relatif aux commerces de petite taille.
-La part des impôts de production dans la valeur ajoutée du commerce de détail est de 6,6% (contre 7,2% en moyenne pour l’ensemble des activités) et de 3,3% pour les commerces de proximité, et même inférieur à 2% pour certains types de commerces (boulangeries-pâtisseries, salons de coiffures). La suppression de la CVAE va réduire significativement la charge fiscale pesant sur le secteur du commerce et de l’artisanat commercial, à hauteur de 1,3 Md€ (600 M€ depuis 2020 et 700 M€ à partir de 2023).
-Des dispositifs d’exonération récents, peu connus et peu utilisés proposés par les communes et leurs intercommunalités :
*Un abattement de taxe foncière de 1 à 15% sur la base d’imposition à la taxe foncière est utilisé par 305 communes ou EPCI pour un montant de 5 M€ en 2022,
*2 outils leur permettent d’accorder des exonérations de CFE et de TFPB : en 2022, moins de 20 collectivités en ont fait bénéficier des commerçants dans les zones rurales (12 entreprises au titre de la CFE et 18 au titre de la taxe foncière) et moins de 10 collectivités dans les centres-villes (au bénéfice de moins de 100 entreprises). L’impact financier est limité : il atteignait un peu plus de 85 000€ en 2022,
*La taxe sur les friches commerciales instituée depuis 2008 contre la vacance des locaux commerciaux a été mise en place par 48 EPCI et 356 communes.
⇒ Des difficultés d’accès au commerce de proximité sur certains territoires
62% des communes ne disposaient d’aucun commerce de détail en 2021, alors qu’elles n’étaient que 53% dans ce cas en 2010. 9% de la population (près de 6 millions de personnes) vit à plus de 7 minutes de trajet motorisé d’une petite surface alimentaire. 31% de la population, a un faible accès au commerce spécialisé, en particulier en matière d’habillement, de loisirs, de culture et de sport, et aux commerces d’alimentation spécialisée (hors boulangerie). Seules les banlieues continuent de voir le petit commerce progresser plus rapidement que la population, alors que le nombre de petits commerces recule dans les villes-centres et les villes isolées, et que la décroissance de la densité commerciale s’accentue fortement dans les zones rurales.
Les actions en milieu rural sont récentes et d’une ampleur limitée, en complément de la création des zones de revitalisation des commerces en milieu rural, avec un financement de structures associatives accompagnant la création de petits commerces : soutien de « Comptoirs de campagne » en 2021 et 2022 pour favoriser la création d’épiceries participatives, de « Bistrots de pays » depuis 2019 et initiative « 1 000 cafés » du groupe SOS (70 cafés ouverts depuis 2019 et maintien de 70 cafés existants). L’impact de ces actions s’avère toutefois limité, alors que 21 000 communes n’ont plus aucun commerce.
Un programme de « reconquête du commerce rural » a été lancé en février 2023 afin d’apporter un soutien financier aux projets de commerces sédentaires ou itinérants dans 1 000 communes rurales ; en juin 2023, 76 demandes avaient été instruites.
⇒ Des pistes d’amélioration
♦ Un manque de coordination : une politique partagée entre deux ministères : la politique de soutien au commerce de proximité a été marquée, à partir de 2017, par la suppression du Fisac, géré par la DGE, et la mise en place du programme Action cœur de ville, gérée par le ministère en charge des collectivités territoriales puis, à partir de 2019, par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Dans le même temps, le ministère en charge de l’économie avait lancé, en 2019, une « stratégie nationale pour l’artisanat et le commerce de proximité », insuffisamment articulée avec le programme ACV. Le soutien au commerce de proximité a été renforcé à compter de juin 2020, dans le cadre du plan de relance, mais avec une gestion des crédits éclatée entre la Banque des territoires, et le comité de pilotage du Fonds de restructuration des locaux d’activité (FRLA).
En dépit des objectifs affichés, ces aides n’ont été conditionnées qu’à la réalisation de travaux, et non à la diversification de l’activité des commerçants. Elles n’ont pas non plus été articulées avec les programmes ACV ou PVD, ni centrées sur une analyse des derniers commerces de proximité dans les territoires, en lien avec les collectivités territoriales concernées et l’ANCT notamment.
♦ Les baux commerciaux, l’ouverture dominicale :
– la réglementation des baux commerciaux est un levier peu utilisé par les pouvoirs publics pour faciliter l’implantation ou le maintien des commerces de proximité, alors que leur règlementation est rigide (sous-location interdite, restriction des clauses de destination ou d’activité empêchant la diversification, cession du fonds de commerce et réalisation de travaux subordonnées à l’accord du bailleur).
-L’assouplissement du cadre réglementaire du régime d’ouverture dominicale est une demande récurrente de certains acteurs économiques (grande distribution), encouragés par les évolutions des technologies (caisse automatique) et des modes de consommation et l’essor du e-commerce. De nombreux dispositifs permettent déjà d’ouvrir les commerces le dimanche (dérogations permanentes sectorielles pour les commerces alimentaires jusqu’à 13 heures, dérogations individuelles accordées par le préfet, dérogations territoriales selon les besoins locaux comme les zones touristiques internationales, dérogations sectorielles ponctuelles du maire). La majorité des commerces indépendants n’est pas favorable à une extension du travail dominical, aux bénéfices économiques incertains.
♦ Une articulation perfectible avec les interventions des collectivités locales.
Les programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain font une large place au maire, chargé du pilotage local des actions, et s’appuient sur un partenariat avec les associations d’élus locaux (Villes de France, Association des petites villes de France).
Mais les interventions de l’État ne sont pas toujours bien articulées avec celles des régions.
Le soutien au commerce rural dans certaines régions s’appuie sur des critères de développement économique et des zones d’intervention sans articulation avec les dispositifs de l’État, davantage orientés vers l’aménagement du territoire (programme PVD, zonages fiscaux, etc) : une analyse des recoupements, ou une comparaison des critères de sélection, serait utile pour simplifier l’information des bénéficiaires potentiels, et mesurer l’impact des dispositifs.
Le lancement d’un programme de l’État en faveur des commerces ruraux, début 2023, tout comme les initiatives antérieures comme « 1 000 cafés », n’ont pas été précédés par une concertation avec les collectivités locales. Plusieurs régions ont mis en place des aides à la numérisation des commerces (financement de casiers connectés notamment) qui ne sont pas non plus articulés avec les dispositifs de l’État ou de la BdT.
♦ Un manque de suivi des actions et des financements.
La nomenclature comptable ne permet pas d’isoler les montants versés aux entreprises parmi les concours financiers aux personnes privées. La nomenclature sectorielle agrège les secteurs de l’industrie, du commerce et de l’artisanat, ce qui ne permet pas de réaliser un suivi des actions en direction du commerce.
L’analyse de la Cour des Comptes a porté sur les aides directement versées aux commerces, sans intégrer les investissements dans l’aménagement urbain sur la période 2018-2021 : 9 758 commerces de proximité ont bénéficié d’un soutien des collectivité locales pour un montant de 79,5 M€ (19,9 M€ en moyenne par an, avec une forte hausse en 2020 lors de la crise du covid et en nombre 2 606 en 2021 vs 4 956 en 2020) ; les aides versées proviennent à près de 80% des régions, pour 16% du bloc communal (répartis entre les communes pour 7,9% et leurs groupements pour 8,8%). Les boulangeries et pâtisseries ont perçu les montants d’aides les plus importants.
Pour en savoir davantage : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-politique-de-letat-en-faveur-du-commerce-de-proximite