Comment évoluent les emplois occupés en 30 ans?


"Salarié ou indépendant : une question de métiers ?", France Stratégie, la note d'analyse N°60, septembre 2017

CDD, notamment d’usage ou saisonniers, missions d’intérim, entreprises unipersonnelles ou statut d’autoentrepreneur sont les nouveaux visages de la relation d’emploi depuis 30 ans. Ces situations de travail atypiques ont progressé plus vite que l’emploi permanent (CDI et fonctionnaires) qui reste largement majoritaire dans l’emploi (75% en 2016, contre 77% en 1984). 

 

La pratique du CDD et de l’intérim a connu l’expansion la plus forte (passant de 5% de l’emploi en 1984 à 13% en 2016) et la plus transversale.

La diffusion du non-salariat est moins sensible et surtout plus récente dans le tertiaire; les nouveaux indépendants n’ont pas d’employés et vendent leur force de travail plus qu’ils ne gèrent des entreprises. Dès lors la relation d’emploi se distend et l’entreprise n’est plus le cadre unique dans lequel se déroule la carrière d’un individu. Les employeurs ou donneurs d’ordre se succèdent; l’individu doit assurer seul la mise à niveau de ses compétences et la recherche de nouveaux clients ou employeurs. Ces évolutions sont renforcées par l’apparition de services contractuels en ligne et l’essor des plateformes qui diluent le lien physique avec l’entreprise.

 

Pour donner une image synthétique de l’évolution des statuts d’emploi par métier, les familles professionnelles sont réparties en quatre classes  (données en moyenne sur 3 ans et 84 métiers) :

 

-les indépendants traditionnels, professions où la part des non-salariés est plutôt majoritaire dans l’emploi (48%) et où la tendance de long terme est à la hausse du salariat : exemple de l’agriculture où la part du salariat a été multiplié par 2 en 30 ans; dans la plupart des professions où la part des non-salariés était supérieure à 20% des emplois en 1984, cette part a reculé essentiellement au profit du CDI (finances/assurance, activités juridiques, agro-alimentaire…).

 

-les free lances et néo-artisans, professions où l’indépendance statutaire est minoritaire dans l’emploi (27%) mais supérieure à la moyenne des métiers et en forte progression ; le travail indépendant est devenu une forme de flexibilité et d’externalisation de la main-d’œuvre dans ces métiers; ce sont souvent des travailleurs en solo (74% n’emploient aucun salarié en 2014, contre 60% de l’ensemble des indépendants); ils peuvent être à la lisière de la subordination du salariat, sans en avoir les avantages (de l’ordre de 13%). On y trouve des métiers de la construction, les consultants, les professionnels de l’information/communication, les formateurs.

 

les intermittents, professions où le salariat domine (77%) mais où le CDI s’érode : l’intérim, les CDD, voire le recours à de la sous-traitance de travailleurs indépendants, permettent aux entreprises d’ajuster leur emploi aux aléas de la demande;  le législateur a encouragé le développement de statuts d’emploi alternatifs au CDI en créant des contrats dérogatoires à ce dernier : CDD « classique » encadré par des motifs précis, CDD dit « d’usage » dans 30 secteurs pour des métiers à forte saisonnalité et intermittence, contrat saisonnier, CDD à objet défini ou de mission pour les ingénieurs…Si, dans les métiers de services, la forme la plus répandue de flexibilité de la main-d’œuvre est le CDD, c’est l’intérim qui sert de variable d’ajustement dans l’industrie et la construction. 

 

les permanents, professions où le CDI est très majoritaire (90% de l’emploi) et une faible diversification de l’emploi 

Le cadre de la relation d’emploi est très déterminé par la qualification des postes occupés.

Les CDD restent très concentrés sur les métiers d’ouvriers, notamment quand ils sont peu qualifiés; le CDI s’est très fortement érodé chez les ouvriers peu qualifiés (entre 1984 et 2014, la part du CDI est passée de 88% à 67%).

Les ouvriers qualifiés ont été relativement préservés de cette érosion du CDI (74%). Les employés peu qualifiés ont été moins touchés par l’intermittence des contrats.

Le statut d’emploi majoritaire des cadres est le CDI, pour plus de 80%, une proportion supérieure à la moyenne (75%) et très stable depuis trente ans.

Les indépendants très qualifiés sont majoritairement des “intellectuels” tels consultants, médecins, professionnels des arts et des spectacles; ainsi 79% des professionnels du droit et 46% des médecins exercent en non-salariés. Chez les ouvriers qualifiés, le statut d’indépendant, aussi fréquent que par le passé, s’apparente à une forme d’artisanat.