La faiblesse des fonds propres des TPE accroît leur fragilité.


"Les entreprises en France, édition 2020", Insee, collection références, lu décembre 2020

Méthodologie : Cette étude nécessite de disposer de données de bilans fiables, détaillées et comparables. Ces exigences conduisent à restreindre de façon notable le champ de l’étude (38% des TPE sont pris en compte, moins les services aux particuliers 19%, les transports 30%, bien plus Les HCR 48%, l’informatique-communication 49%, l’immobilier 59%). Sont exclues les TPE ayant le statut juridique d’entreprise individuelle, les TPE non assujetties à l’impôt sur les sociétés (IS BIC-RN ou BIC-RSI), les TPE aux données manquantes dans les liasses fiscales.

 

Les TPE se différencient nettement des PME et autres catégories d’entreprise du fait de leur faible capitalisation, qui entraine une faiblesse de leurs fonds propres et des risques accrus de défaillance.

⇒La population observée

En 2018, dans cet échantillon, la moitié des TPE étudiées ont moins de 7 ans. 44% sont jeunes (ancienneté de 1 à 5 ans), 22% ont une ancienneté intermédiaire (6 à 10 ans) et 34% sont matures (plus de 10 ans). Dans le champ de l’étude, 127 800 TPE ont été créées en 2017, soit 10% des TPE. Leur répartition sectorielle est proche de celle des TPE plus anciennes ; seuls les services aux entreprises et l’immobilier se démarquent parce que plus nombreux dans l’échantillon.

 

Une majorité de TPE sont des SARL, mais les jeunes TPE optent plus pour le statut de SAS : 19% sont des entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (ou EURL) et 42% des SARL autres ; 29% sont des SAS (15% des SAS unipersonnelles et 14% d’autres SAS) ; 10% ont opté pour d’autres statuts (3% des SCI, 3% de sociétés en nom collectif et 4% d’autres statuts). Près d’un tiers des TPE ont le statut d’EURL ou de SASU, dans lesquels le chef d’entreprise est le seul associé de la société.

 

Les TPE récemment créées optent plus fréquemment pour le statut de SAS : en 2018, 51% des moins de 6 ans d’ancienneté, contre seulement 16% des TPE ayant 6 à 10 ans d’ancienneté et 10% des TPE ayant plus de 10 ans d’ancienneté. Parmi les jeunes TPE en 2018 exerçant une activité dans le secteur de l’information‑communication, 68% ont opté pour le statut de SAS. À l’inverse, des TPE plus anciennes (au moins 6 ans d’ancienneté en 2018), davantage créées sur une base familiale, ont privilégié le statut de SARL, qui correspondrait plus à leur logique patrimoniale et qui offrirait un cadre juridique plus sécurisant.

⇒ Les fonds propres des TPE

Les fonds propres des TPE s’élèvent à 129,7Md€ en 2018, soit 4,8% des fonds propres détenus par les entreprises des secteurs principalement marchands non agricoles et non financiers, alors que les 5 600 ETI et GE en détiennent 79%.

 

Les fonds propres des TPE se caractérisent par la prééminence des résultats (ensemble des bénéfices et pertes passés ou présents accumulés par l’entreprise), les bénéfices étant réinvestis au sein de l’entreprise au lieu d’être distribués sous forme de dividendes aux actionnaires. Plus les entreprises sont grandes, plus la part du capital externe prédomine : le capital social et les primes d’émission représentent ainsi 52% des fonds propres des ETI‑GE, contre 40% pour les TPE.

 

Les fonds propres des TPE progressent de 32% en 2014 à 36% en 2018. Au passif, les fonds propres représentent 36% du total de bilan des TPE en 2018, devant les dettes financières (29%), les autres dettes courantes (21%) et les dettes fournisseurs (10%). Cette recapitalisation résulte de l’accumulation de bénéfices passés et présents réinvestis dans l’entreprise ; l’autofinancement progresse et la part du financement externe recule (le poids du total des dettes dans le bilan passe de 64% en 2014 à 60% en 2018).

⇒ Autres éléments sur les bilans des TPE

À l’actif, la trésorerie constitue 23% du total de leur bilan, les immobilisations d’exploitation (actifs fixes corporels ou incorporels) 35% de l’ensemble des actifs des TPE en 2018, alors que la part des immobilisations financières est faible. La part de la trésorerie dans le bilan des TPE passe de 21% en 2014 à 23% en 2018, tandis que celle des immobilisations d’exploitation recule entre 2014 de 37% à 35%.

 

Au niveau agrégé, le fonds de roulement des TPE est nettement positif et s’accroît même sur la période (repli du montant d’immobilisations à financer alors que les ressources stables augmentent). Les TPE des services aux entreprises et celles de l’information‑communication sont les plus capitalisées, leurs fonds propres représentant 45 et 41% contre 32% en moyenne, du fait du poids élevé du capital social (21% du bilan contre 12% en moyenne). Dans les services aux entreprises, le niveau élevé des fonds propres est imputable à la part importante des résultats (21%). Les TPE des HCR et celles des services aux particuliers sont les moins capitalisées ; dans l’hébergement‑restauration, les services aux particuliers et l’immobilier, la part des fonds propres est inférieure à 30% ; ils se distinguent par la faiblesse des résultats réinvestis en fonds propres et par une part élevée d’endettement financier.

 

La part des fonds propres dans le bilan des TPE s’accroît dans tous les secteurs : + 12% sur la période 2014-2018. Le taux d’endettement recule dans tous les secteurs, sauf dans les HCR secteur où l’encours de dettes financières représentent encore 121% de ses capitaux propres en 2018.

 

Mais on constate aussi une Forte hétérogénéité des structures financières au sein des TPE ; le ratio de fonds propres des TPE est inférieur à -36 % pour 10% d’entre elles et supérieur à 64% pour 25% ; alors que la moitié des TPE en 2014 présentaient un ratio de fonds propres supérieur à 30%, ce ratio est supérieur à 36% pour la moitié des TPE en 2018.

La situation s’améliore également pour le taux d’endettement financier : si les 10% des TPE les plus endettées présentent un taux d’endettement supérieur à 207%, pour 50% des TPE, ce taux est situé entre 0 et 64%.

⇒ Les fonds propres négatifs

Entre 2014 et 2018, près d’une TPE sur cinq présente des fonds propres négatifs et une proportion légèrement plus élevée déclare avoir dans leur bilan des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social, notamment dans l’immobilier (26%), l’hébergement‑restauration (23%) et les services aux particuliers (23%).

La proportion de TPE surendettées décroît avec l’ancienneté : 14% des jeunes TPE, 9% des TPE entre 6 et 10 ans d’ancienneté et 7% des TPE matures. Enfin, plus d’un tiers des TPE déclarent un endettement financier nul dans leur bilan.

⇒ Les défaillances des TPE

1,3% des TPE ont connu une première défaillance en 2019 sur les 1,2 million de TPE étudiées ici, (contre 0,9% pour le reste des entreprises) ; en 2017, ces TPE défaillantes employaient 1,7% des salariés des TPE. En 4 ans, le taux de défaillance des TPE n’a cessé de reculer, passant de 1,8% en 2016 à 1,3% en 2019 ; 1,9% des TPE ayant au plus 5 ans d’ancienneté en 2017 ont connu une première défaillance en 2019, contre 1,1% pour les TPE entre 6 et 10 ans d’ancienneté et 0,8% pour celles de plus de 10 ans d’ancienneté. Les TPE de la construction, de l’hébergement‑restauration et des transports sont plus vulnérables (près de 2% des TPE ont connu une première défaillance en 2019) ; à l’inverse, dans l’immobilier, les services aux entreprises et l’information‑ communication, le taux de défaillance des TPE est inférieur à 0,9%.

 

Le taux de défaillance des TPE est d’autant plus élevé que la part des fonds propres dans leur bilan est faible,  le taux de défaillance étant maximal lorsque leurs capitaux propres sont négatifs ; de plus, le taux de défaillance des TPE moyennement capitalisées (c’est‑à‑dire déclarant un niveau de fonds propres positif mais inférieur à la moitié de leur bilan) est 4,5 fois plus élevé que celui des TPE très capitalisées (c’est‑à‑dire déclarant un niveau de fonds propres supérieur à la moitié de leur bilan).

 

Les  causes de défaillances

 

♦ L’influence de l’activité sur le risque de défaillance reste significative selon le secteur considéré : ainsi si une TPE dans l’industrie ou le secteur des HCR voit son risque de défaillance multiplier par deux, une TPE dans la construction le voit multiplier par quatre.

 

♦Toutes choses égales par ailleurs, les charges d’intérêt supérieures à 10% de l’excédent brut d’exploitation (EBE) accroissent pour ces TPE leur probabilité de défaillance de 80%, par rapport à celles ayant des charges d’intérêt inférieures à 10%.

 

♦ Une faiblesse des fonds propres peut engendrer une crise de liquidité ou aggraver un problème de liquidité préexistant ; ainsi les TPE payant leurs fournisseurs avec des retards supérieurs à 30 jours d’achat accroissent leur probabilité de défaillance de 70%, par rapport à celles qui les paient sans retard ; par contre, les délais de paiement client semblent moins influer sur le risque de défaillance des TPE.  

 

♦ Par ailleurs, les TPE accusant un recul de leur chiffre d’affaires entre 2017 et 2018 voient leur probabilité de défaillance en 2019 s’accroître de 50%, par rapport à celles enregistrant une croissance de leur chiffre d’affaires.

 

♦ Certains environnements, qu’ils soient sectoriels ou géographiques, apparaissent plus propices à la défaillance des TPE : par exemple, une TPE dans la construction a, toutes choses égales par ailleurs, près de 40% de chances de plus de connaître une défaillance qu’une TPE dans le commerce.

 

♦ L’ancienneté de la TPE joue également sur le risque de défaillance : par rapport à des jeunes TPE, des TPE âgées de 6 à 10 ans connaissent un risque de défaillance inférieur de 30%, et pour celles de plus de 10 ans d’ancienneté, il est inférieur de 40%. Enfin, le nombre de salariés dans la TPE influence grandement le risque de défaillance : ainsi, par rapport à une TPE sans salarié, une TPE ayant 1 à 3 salariés voit son risque de défaillance multiplié par 2,1, et pour celle ayant 4 à 9 salariés, ce risque est multiplié par 2,5.

 

Pour en savoir davantage : Catégories d’entreprises − Les entreprises en France | Insee