Un point sur la participation et l’intéressement avant d’aborder ce qu’il en est des les difficultés pour développer cette rémunération supplémentaires.
“Le salariat est marqué par un changement de paradigme : fidélisation plus compliquée des salariés, notamment des jeunes qui n’hésitent pas à changer rapidement d’emploi si l’entreprise ne met pas en place une politique RH innovante afin de les retenir ; une recherche de sens face à un avenir social et sociétal qui paraît compromis par les inquiétudes liées au pouvoir d’achat, à la cohésion sociale et au réchauffement climatique. Autant de bouleversements du monde du travail qui justifient d’aller plus loin en matière d’intéressement et de participation.”
⇒ La participation
C’est un dispositif légal prévoyant la redistribution obligatoire – au profit des salariés – d’une partie des bénéfices auxquels ils ont contribué, du fait de leur travail réalisé dans l’entreprise ; il concerne les entreprises employant au moins 50 salariés pendant 5 années consécutives. Le régime de participation est formalisé dans l’entreprise par un accord collectif conclu avec les représentants du personnel ou par référendum avec les salariés.
Les sommes versées au titre de la participation bénéficient d’un régime social et fiscal favorable, tant pour l’entreprise que le salarié. Pour l’entreprise, les droits à participation versés aux salariés sont uniquement soumis au forfait social au taux de 20% (contre un taux de charges sociales d’environ 40%). Pour les salariés, il y a exonération des charges sociales, mais une contribution à la CSG-CRDS10 à un taux de 9,7% au lieu de 20 à 25% de charges sociales.
Enfin, les droits à participation ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu des bénéficiaires s’ils sont affectés à un plan d’épargne salariale.
⇒ L’intéressement
A la différence de la participation, l’intéressement est un dispositif facultatif, résultant d’un accord entre partenaires sociaux ou issu d’une ratification des 2/3 des employés de l’entreprise. Il est proposé dans les entreprises de moins de 11 salariés ou, dans les autres, par accord collectif, sur la base de critères librement choisis et mesurables. L’intéressement est mis en place pour une durée comprise entre 1 et 3 ans.
Le régime social et fiscal est identique à celui applicable à la participation aux résultats.
Voir le tableau récapitulatif page 9.
⇒ L’utilisation des droits issus du partage de la valeur : le versement immédiat ou l’affectation sur un plan d’épargne salariale.
♦ Le Plan d’épargne d’entreprise (PEE) permet aux salariés de se constituer une épargne avec l’aide de leur employeur, cette aide se matérialisant a minima par la prise en charge des frais de tenue de compte du plan, mais pouvant également se traduire par un « abondement » ou un versement unilatéral de sa part.
Les sommes affectées au plan sont investies sur les marchés financiers au travers de plusieurs supports de placement réservés à l’épargne salariale (Fonds commun de placement d’entreprise, FCPE), et permettent généralement des taux de rendement favorables par rapport à une épargne classique. Les sommes sont bloquées par principe pendant 5 ans, sauf si les salariés justifient d’un cas spécifique autorisant le déblocage anticipé.
♦ L’épargne à horizon retraite : le Perco et le Plan d’épargne retraite. Avec la loi « Pacte », le dispositif est élargi avec la création, depuis le 1er octobre 2019, du Plan d’épargne retraite (« PER ») en remplacement du Perco.
Les sommes versées sont bloquées jusqu’au départ à la retraite des bénéficiaires.
⇒ La situation actuelle
♦ L’épargne salariale concerne un nombre croissant de salariés
Selon une enquête de la Dares, près de 9,5 millions de salariés (53% des salariés du privé) ont eu accès en 2020 à au moins un dispositif de participation, d’intéressement, ou d’épargne salariale (abondement du PEE et du Perco). 18,6Md€ ont été distribués au titre de 2020 par toutes les entreprises dont 17,5Md€ par les entreprises de plus de 10 salariés, dont 7Md€ provenaient des dispositifs de participation, et 8,2Md€ de l’intéressement, et des abondements des entreprises. Ce complément de rémunération s’établissait en moyenne à 2 440€ par salarié bénéficiaire en 2020 (2 640€ en 2019, 6,8% de la masse salariale des bénéficiaires).
La France serait le 1er pays européen en matière d’actionnariat salarié par le montant total du capital détenu par les salariés (près de 110Md€) mais aussi par le nombre d’actionnaires salariés (près de 3 millions, soit 40% des salariés actionnaires en Europe). Les encours des FCPE d’actionnariat salarié, principal mode d’actionnariat salarié, s’élèveraient ainsi à 50,8Md€ fin 2020.
⇒ Le partage de la valeur ajoutée n’a toutefois pas suffisamment progressé ces dernières années : inégalités d’accès et freins pour les petites entreprises.
Si, en 15 ans, le montant total versé a augmenté de 33% (20Md€ contre 15Md€ en 2006), le nombre de bénéficiaires d’au moins un de ces dispositifs dans les entreprises de 10 salariés ou plus n’a augmenté lui que de 8% (de 8,2 millions en 2006 à 8,8 en 2019). Enfin, le montant individuel versé dans le cadre de ces dispositifs n’a progressé que de 17% sur la période (de 2 266€ à 2 660€ en 2019).
Pour l’épargne salariale, la moitié seulement des entreprises de 50 à 99 salariés est couverte par l’épargne salariale, 39% dans les 50-100 salariés, et seulement 5% pour les entreprises de 10 à 50 salariés. Concernant les accords d’intéressement, le taux de couverture des salariés dans les entreprises de plus de 100 salariés dépasse les 35% et s’élève même à près de 70% dans les entreprises de plus de 1 000 salariés, alors qu’il n’atteint que 25% dans les entreprises de 50 à 100 salariés et 12% dans les entreprises de 10 à 50 salariés.
L’inégalité est aussi fonction des types d’emploi : 63 % des cadres, 55% des professions intermédiaires étaient couverts par au moins un dispositif d’épargne salariale en 2010, vs 44% des ouvriers et 42% des employés.
Les 10% de salariés percevant le plus de primes ont reçu 57% du total des primes ; les 10% de salariés percevant le plus de salaire ont reçu 26% du total des primes. Ces inégalités s’expliquent par des différences de taille de l’entreprise et de secteur d’activité
D’un côté, il existe, en matière d’accès au dispositif, un effet de seuil très net à 50 salariés pour la participation, la participation étant obligatoire à partir de 50 salariés ; seuls 4% des salariés des entreprises de moins de 50 salariés sont couverts par un accord et 39% des salariés des entreprises comprenant 50 à 99 salariés.
En revanche, près de 9% des salariés des entreprises de moins de 50 salariés sont couverts par un accord d’intéressement. Au-dessus de 250 salariés, près de la moitié des salariés sont couverts et 70% pour les entreprises de plus de 1 000 salariés.
Les montants moyens distribués au titre des dispositifs d’épargne salariale sont également très variables en fonction des secteurs : la prime moyenne par salarié en matière d’intéressement va de 5 481€ en 2019 dans le secteur du raffinage à 693€ pour les salariés du secteur des transports et de 2 071€ pour les mêmes activités financières et d’assurance à 509€ dans le secteur des HCR.
⇒ Un grand nombre de freins
– La complexité et le coût de mise en œuvre de ces dispositifs.
– La perception d’une instabilité des régimes sociaux et fiscaux attachés aux dispositifs. Les entreprises rencontrées font toute part de leur crainte que les exonérations sociales et fiscales associées ne soient pas renouvelées à l’avenir et qu’il soit difficile de maîtriser les coûts dans l’hypothèse d’une augmentation soudaine des charges sociales ou fiscales. À l’inverse, certains syndicats craignent que ces régimes sociaux et fiscaux ne viennent priver la sécurité sociale d’une source de financement.
-Les entreprises déplorent aussi que les mécanismes de sécurisation et de contrôle des accords soient trop longs et aléatoire.
– Les trop grandes contraintes attachées à ces dispositifs dans la définition des modalités de calcul et de versement.
-Un dernier frein est évoqué par les plus petites entreprises : celui de l’impossibilité de maîtriser, comme cela l’est avec une prime discrétionnaire, les sommes à verser aux salariés. Dans ces entreprises, il y a en effet un fort sentiment que le résultat « appartient » au chef d’entreprise ou devrait permettre de procéder à des investissements destinés à l’accroissement de l’activité. Un engagement à verser de l’intéressement ou de la participation trop en amont présenterait dans ce contexte une incertitude trop importante.
Suivent 10 recommandations.
Pour en savoir davantage : Partage de la valeur : salariés, entreprises, tous gagnants ! | Institut Montaigne