27% des jours d’arrêt maladie sont effectués volontairement en présentiel en entreprise.


"Quel lien entre les conditions de travail et le présentéisme des salariés en cas de maladie ?", Dares Analyses N°024, août 2020

Méthodologie : l’étude “Conditions de travail et Risques psychosociaux (CT-RPS 2016)” réalisée par la Dares, la DGAFP et la Drees,  s’intègre dans le dispositif d’enquêtes CT-RPS ; tous les trois ans, en alternance, ont lieu une enquête plus centrée sur les risques physiques (CT) et une autre plus axée sur les risques psychosociaux (RPS).

L’interrogation se fait en panel : chaque individu de l’échantillon est interrogé au maximum trois fois de suite, sur une durée de neuf ans. L’enquête CT 2013 a constitué le premier point de ce panel. La présente étude mobilise le volet « Individus » de l’enquête CT-RPS 2016 qui a été conduite d’octobre 2015 à juin 2016, auprès de 27 000 individus âgés de 15 ans ou plus (dont 19 200 retenus pour la présente étude).

Le champ géographique de l’enquête comprend la métropole et 5 départements d’outre-mer : Martinique, Guadeloupe, Réunion, Guyane et Mayotte. Les indépendants, les inactifs et les salariés en arrêt maladie depuis un an ou plus et les salariés travaillant majoritairement à leur domicile ont été exclus du champ de la présente étude.

 

L’étude observe à la fois les caractéristiques du salarié et celles de ses conditions de travail au regard des arrêts maladie, mais aussi au regard de la conversion de ces arrêts en présentiel en entreprise.

 

En 2016, les salariés signalent en moyenne 11 jours de maladie qui ont donné lieu à 8 jours d’absence au travail. Les 3 jours restants (27%), les salariés déclarent être allés travailler en étant malades (présentéisme).

 

Selon la dernière enquête Européenne sur les conditions de travail (2016), 62% des salariés en France  ont fait au moins 1 jour de présentéisme au cours de l’année 2015, contre 42% des salariés dans l’ensemble de l’Union européenne, manifestant une plus forte propension au présentéisme.

⇒ Qui est concerné ?

En moyenne, les salariés Français ont connu 11 jours reconnus de maladie ; ceux en moyenne ou mauvais santé ont connu 24 jours alors que d’autres populations n’ont connu que de 5 à 8 jours; ce sont les CDD/intérimaires (5 jours), les cadres (6 à 7 jours), ceux en bonne santé (7 jours), et les diplômés du supérieur (8 jours).

 

Lorsque les salariés ne signalent qu’un ou deux jours de maladie dans l’année, ils passent 83% de ces jours au travail ; parmi les salariés cumulant trois à cinq jours de maladie, 63% des jours ont donné lieu à du présentéisme vs 47% pour ceux ayant cumulé six à quinze jours de maladie et 21% pour ceux cumulant plus de quinze jours de maladie.

 

En terme de présentéisme (en moyenne 27%; le calcul est différent de celui proposé dans la note Dares ; pour ma part je propose nombre de jours de présentéisme/nombre de jours de maladie).

Les situations les plus favorables quant à l’emploi (niveau de formation supérieur, cadres…) manifestent un fort taux de présentéisme et paradoxalement tout autant les situations très contraintes (CDD/intérim, secteur agricole).

 

Ceux qui ont connu les taux les plus élevés de présentéisme sont ceux du secteur agricole (45% vs 18 la construction), les CDD/intérimaires (40% vs 25 les CDI), les diplômés du supérieur (38% vs 23 les autres), les 30-39 ans (33% vs 25 à 27 les autres tranches d’âge), les femmes (31% vs les hommes 22).

Les moins disposés au présentéisme, hors ceux déjà cités, sont les ouvriers (23% vs 29-33 les autres) et ceux ayant des enfants de moins de 3 ans (22%).

 

Noter que la qualité de la santé, la taille des établissements, le fait d’appartenir au privé ou au public, ne montrent pas de différence en ce qui concerne le % de présentéisme.

⇒ La propension au présentéisme dépend également fortement des conditions de travail

Les salariés exposés à de mauvaises conditions de travail cumulent plus de jours de maladie mais enregistrent des niveaux élevés de propension au présentéisme. Ces résultats concordent avec ceux de plusieurs études européennes. Est-ce le fait qu’ils craignent davantage les reproches de leur hiérarchie et le risque d’éviction, la recherche d’un équilibre qui compense un plus grand nombre de jours maladie ? Alors que ceux en conditions plutôt favorables, disposent de moins de jours maladie, mais les convertissent moins en présentéisme.

 

Le cas de l’intensité du travail : les salariés cumulant plusieurs contraintes de rythme de travail (travail normé : réponse à la demande, suivi informatisé, procédures qualité, etc.) ont une plus forte propension au présentéisme, ainsi que ceux qui vivent une forte pression temporelle (être obligé de se dépêcher, devoir penser à trop de choses à la fois, etc.). De même, avoir un temps de travail long et envahissant et juger qu’on manque de moyens pour faire correctement son travail sont aussi associés à une forte propension au présentéisme, conjugué avec un nombre de jours de maladie le plus élevé.

 

L’intensité émotionnelle joue aussi sur le présentéisme : le fait d’être en contact avec un public difficile ou celui de situations difficiles partagées avec les collègues sont associés à une propension au présentéisme plus élevée. 

 

Les salariés tendent davantage au présentéisme quand ils vivent des difficultés relationnelles avec leurs supérieurs (mais avec aussi un plus grand nombre de jours de maladie), avec des rapports conflictuels voire quand avec ils se sentent ignorés d’eux; il en est de même quand ils subissent des comportements hostiles dans le cadre de son travail.

 

L’insécurité socio-économique va dans le même sens, lorsque le salarié déclare avoir vécu d’importants changements organisationnels.

 

En revanche, travailler seul ou en marge du collectif ou dans un collectif de travail divisé (en raison de désaccords sur la façon de bien faire le travail ou de changements fréquents de collègues) est associé à une propension au présentéisme plus faible.

⇒ Cinq groupes homogènes d’expositions rassemblent des salariés présentant des risques  :

• Le premier groupe (33% des salariés) concerne ceux « peu ou pas exposés » à de mauvaises conditions de travail,

 

• Le deuxième groupe (19%) se caractérise par des « risques physiques » : ce sont les contraintes physiques, un travail intense (41%) et un temps de travail décalé et atypique (40%),

 

• Le troisième groupe (16%) réunit  celles et ceux déclarant travailler « sous pression » : manque d’autonomie (91%), manque de moyens pour bien travailler (59%), indifférence de la part des supérieurs hiérarchiques (52%), pression temporelle (47%), temps de travail long et envahissant (35%) ; Ils sont plus nombreux à être en contact direct avec le public par téléphone ou internet (41%),

 

• Le quatrième groupe (19%) rassemble les « insécurisés » qui cumulent un collectif de travail divisé (80%), les changements organisationnels (69%), et l’insécurité de l’emploi (24%),

 

• Le cinquième groupe (13%) réunit les « plus exposés » : travail normé, manque d’autonomie, rapports conflictuels avec la hiérarchie, violences morales, des conflits éthiques et contraintes
physiques. Ce groupe  cumule 16,7 jours de maladie de plus par an que le groupe « peu ou pas
exposé », mais sa propension au présentéisme est bien supérieure à celle du groupe « peu ou pas exposé ».

 

Pour en savoir davantage : https://dares.travail-emploi.gouv.fr/dares-etudes-et-statistiques/etudes-et-syntheses/dares-analyses-dares-indicateurs-dares-resultats/article/lien-conditions-travail-et-presenteisme-salaries-maladie