Une segmentation des nouveaux salariés : l’exemple du BTP


"PROFILS DES PRIMO-ENTRANTS DANS LE SECTEUR DU BTP", Observatoire des métiers du BTP, lu janvier 2019

Cette étude vise à fournir des données qualitatives concernant les profils, les parcours et les attentes des primo-entrants du BTP, recouvrant l’ensemble des métiers et fonctions du secteur (production, conception, encadrement, administration et gestion, commercial) et représentatives de la diversité des contextes d’exercice (TPE, PME, ETI, grandes entreprises et grands groupes).

Méthodologie : la démarche qualitative repose sur une série d’entretiens individuels réalisés auprès de 12 primo-entrants, en présentiel ou par téléphone, ainsi que sur des échanges et groupes de discussions avec des experts (formateurs, Opérateur de Compétences, professionnels de l’insertion et de l’emploi, etc.). Ils ont été complétés par une analyse documentaire, à partir des données de l’Observatoire des métiers du BTP, des études de Constructys (pôle Études et Recherche) et de celles du CCCA-BTP .

 

L’observation des profils types donne quelques tendances pour une observation plus large des salariés face à leur emploi.

 

⇒ Quatre profils-types identifiés :

♦ Les investis

Ils sont convaincus de l’intérêt du métier, sont très bien informés de sa réalité et des perspectives qu’il offre à moyen et à long terme.

Leurs motivations sont essentiellement intrinsèques : ils choisissent un métier pour donner un sens à leur vie, autant professionnelle que personnelle. Ils se projettent à long terme, sans que le projet ne soit univoque : intéressés par le métier en lui-même, plus que par les avantages qu’il procure (évolution, responsabilités potentielles, rémunération), ils ne s’attachent pas forcément à un objectif unique, mais réfléchissent à plusieurs options sur le long terme.

 

♦ Les consommateurs

Ils sont attirés par les avantages du métier, par la rémunération en particulier, mais peu informés des perspectives offertes à moyen et à long terme, en partie par manque d’intérêt.

Leurs motivations sont essentiellement extrinsèques : le métier qu’ils choisissent, ou plus largement le BTP, leur permet d’atteindre des objectifs plus personnels (indépendance financière, statut social) que professionnels. Leur choix se base sur leur style de vie et leurs besoins propres : voyager, financer des études, etc. Aussi les consommateurs se projettent très peu : leur projet dans le BTP est court-termiste, sans projection au-delà d’un à trois ans. Ils sont clairement « de passage ».

 

♦ Les réfléchis
Ils disposent d’une connaissance relativement précise du métier et sont aussi intéressés par les avantages (évolution, responsabilités potentielles, rémunération).

Ce groupe se caractérise par un équilibre entre motivations intrinsèques et extrinsèques : leurs motivations relèvent à la fois du métier en lui-même (intérêt et sens du travail qu’ils produisent, dans le cadre d’une réorientation notamment) et des avantages qu’il peut générer. Leur choix, du BTP et du métier, est donc très réfléchi, et ils sont en capacité de se projeter à long terme, avec un projet clairement défini et circonscrit. Le métier est par ailleurs pour eux un vecteur de réussite professionnelle, beaucoup plus qu’une question d’accomplissement personnel.

 

♦ Les résilients
Ils sont convaincus par l’intérêt du métier, mais ont une connaissance imparfaite des perspectives offertes.

Leurs motivations sont plus ambivalentes que pour les trois autres groupes, à la fois intrinsèques et extrinsèques : elles reposent notamment sur la possibilité de rebondir, via le BTP, après des expériences de vie difficiles, et si le métier est un moyen de résilience professionnelle, il représente surtout un vecteur d’intégration sociale. Ils ont toutefois une réelle appétence pour le BTP, mais leur connaissance imprécise du métier ne leur permet pas de se projeter à long terme. Ils ne sont cependant pas non plus dans une logique de passage.

 

⇒ Les représentations du métier :

Les raisons invoquées par la plupart des personnes interrogées, croisées avec les réflexions des experts, peuvent être regroupées en 7 critères de choix : la mobilité géographique, l’évolution de carrière, l’environnement physique de travail, l’environnement social de travail, la qualification, la nature des tâches, la richesse des tâches.

 

⇒ Ce qu’ils veulent devenir :

2 entrées ont été retenues pour identifier et caractériser les attentes de carrière des primo-entrants : la temporalité / l’horizon auquel ils se projettent : à court terme (dans les mois à venir), à moyen terme (d’ici deux à trois ans), à long terme (dans les 5 à 10 ans) et la nature de leurs attentes (se spécialiser, prendre des responsabilités, créer une entreprise, etc.).

 

⇒ 4 types de projets professionnels :

Le BTP « pour l’instant », le BTP « pour la carrière », le BTP « pour le métier », le BTP « pour s’intégrer durablement ».

 

⇒ Éléments de synthèse

♦ Les déterminés

Ils se sont orientés eux-mêmes et ont choisi d’entrer dans le BTP pour y exercer un métier spécifique. Ils sont attachés à leur métier et souhaitent rester dans le secteur, soit parce qu’ils considèrent leur métier comme un moyen de s’accomplir (leur métier est porteur de sens), soit parce qu’ils envisagent leur métier comme un vecteur de réussite sociale (leur métier est associé à des perspectives d’évolution tout au long de leur vie professionnelle).

 

Leurs motivations : elles sont principalement intrinsèques (leur métier a du sens, a de l’intérêt) ou mixtes (sens et intérêt, perspectives de carrière). De manière générale, ils font preuve de beaucoup de recul sur le choix de leur métier et leurs facteurs de motivation à l’entrée sont nombreux (« réfléchis »).

La vision du métier Ils ne l’ont pas choisi par hasard. Les raisons de leur choix sont clairement formulées et réalistes. Leur choix est motivé.
Leur projet professionnel :  Ils se projettent à long terme dans le secteur, que leur projet soit univoque (focalisation sur un objectif professionnel, créer leur propre entreprise par exemple), ou qu’ils l’abordent selon plusieurs options (ils étudient le champ des possibles).

Leur avenir : Ils sont amenés à rester durablement dans le secteur.

 

Comment les identifier ? Ils se positionnent de façon très claire sur leurs motivations à l’entrée (par vocation ou de façon calculée). Ils sont en capacité d’exprimer une image du métier précise et réaliste (choix motivé) et de formuler un projet professionnel à court, moyen et long terme.

 

♦ Les attentistes

Ils sont entrés dans le secteur du BTP de manière passive : ils n’ont pas choisi leur métier de formation et/ou d’exercice, ils ont subi leur orientation scolaire ou professionnelle. Ils sont très peu attachés à leur métier, voire au BTP dans son ensemble. Ils ont été et sont encore très peu proactifs. Ils ne sont pas parvenus à s’approprier un choix qui n’est pas le leur.

 

Leurs motivations: elles sont principalement extrinsèques : recherche d’un emploi ou d’un statut social (apprenti par exemple) à court terme. Ils parlent peu du métier en lui-même et sont peu conscients des opportunités et des avantages qu’il leur offre.

La vision du métier: ayant été orientés de manière passive, ils n’ont pas d’idée précise ou très réaliste de leur métier; leur choix est faiblement motivé.
Leur projet professionnel est très peu déterminé à moyen et à long terme. Et lorsqu’un projet est exprimé, il manque très clairement, le plus souvent, de réalisme.

Leur avenir : combinant orientation passive, manque de proactivité et projection limitée, ils peuvent aussi bien rester dans le secteur, que le quitter selon les aléas de leur parcours professionnel.

 

Comment les identifier ? Ils apparaissent sur bien des points comme l’antithèse des déterminés : ils ne parviennent pas à exprimer clairement leurs motivations à l’entrée, leur choix de métier est très peu motivé et l’idée qu’ils se font du métier est floue ou irréaliste. Ils se projettent à court terme et sont dans l’incapacité de formuler un projet professionnel au-delà de trois ans.

 

♦ Les opportunistes

Leur métier, et le BTP, représentent un moyen d’atteindre des objectifs personnels, qu’il s’agisse d’un style de vie ou de mener à bien un projet en dehors du BTP. Leur métier est un moyen, pas une fin.

 

Leurs motivations sont le plus souvent extrinsèques, mais également intrinsèques. Contrairement aux attentistes, ils peuvent être actifs en matière d’orientation. Leurs motivations à l’entrée ne sont pas liées à la volonté de s’accomplir professionnellement ou de réussir socialement (comme les déterminés), mais plutôt à la possibilité d’atteindre des objectifs de vie (voyager, gagner en indépendance, quitter sa famille, réactiver des droits au chômage, financer un projet en dehors du BTP, etc.).

La vision du métier : Ils peuvent exprimer une vision assez précise et réaliste du métier, que leur posture soit négative (ils n’apprécient pas le métier) ou positive (ils y sont attachés).
Leur projet professionnel Ils se projettent peu, exprimant le souhait de quitter ce métier à très court ou à plus moyen terme. De manière plus globale, ils n’envisagent pas de faire carrière dans le BTP.

Leur avenir Ils quitteront le BTP à court ou moyen terme. Ils sont très clairement dans une logique de passage, même si l’on peut supposer qu’une partie d’entre eux restera dans le secteur par opportunité.

 

Comment les identifier ? Ce qui caractérise le mieux les opportunistes est leur volonté affichée de ne pas rester dans le métier, ni même dans le secteur. Ils partagent une vision instrumentale du BTP : leur entrée dans le secteur est essentiellement motivée par des raisons personnelles (style de vie). 

 

♦ Les rescapés

 

Ils sont en difficulté, professionnellement et socialement. Le métier et le BTP de façon générale représentent pour eux un moyen d’intégration. Ils ont le plus souvent été orientés par des organismes spécialisés (groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GEIQ), associations d’insertion comme Action Emploi, etc.). Et s’ils n’ont pas choisi leur métier de formation et/ou d’exercice, ils y sont attachés, car il représente une chance à saisir.

 

Leurs motivations sont essentiellement extrinsèques : obtenir un emploi, et de manière plus générale, une place dans la société.

La vision du métier : Ils ont été orientés vers des activités en tension par des tiers. L’idée qu’ils se font du métier est donc peu précise.
Leur projet professionnel : leur projet est atypique au regard des autres segments : ils se projettent dans le secteur auquel ils sont attachés par reconnaissance, mais ne semblent pas en capacité de formuler un projet précis à moyen et à long terme.

Leur avenir : Ils expriment le souhait de rester dans le secteur, par manque d’opportunités hors du BTP.

 

Comment les identifier ? Ces publics sont orientés par des organismes dédiés. Ils sont, pour la plupart, dans des situations sociales difficiles. Ils n’ont pas choisi leur métier, mais se projettent néanmoins à long terme dans le BTP.

 

♦ Les contraints

Contrairement aux attentistes, dont ils sont pourtant proches, ils se différencient par leur volonté claire et affichée de quitter leur métier de formation et/ou d’exercice, et le BTP. Eux aussi ont été orientés de manière passive.

Leurs motivations : leur orientation ayant été décidée par des tiers (famille et/ou école), ils n’ont aucune motivation personnelle.

La vision du métier : Ils n’apprécient pas leur métier de formation et/ou d’exercice.
Leur projet professionnel : Ils souhaitent quitter rapidement le secteur du BTP.

Leur avenir dans le BTP, aucun.

 

Comment les identifier ? Souvent jeunes et orientés par défaut, il est probable qu’ils aient été ou qu’ils soient en échec scolaire.

 

Pour en savoir davantage : https://www.metiers-btp.fr/entrant-btp/publication/profils-des-primo-entrants-dans-le-secteur-du-btp/