Au vu des évolutions technologiques, 10% des emplois sont très menacés


"Focus sur l’étude sur l’exposition des emplois salariés à  l’automatisation en France", Conseil d'Orientation pour l'Emploi, janvier 2017

Méthodologie : en se fondant sur les réponses des salariés interrogés dans le cadre de l’enquête Conditions de travail, l’étude construit, pour chaque individu, un indice d’automatisation de son emploi. Cet indice agrège les quatre dimensions identifiées par la littérature économique récente comme déterminant la vulnérabilité de l’emploi à l’automatisation dans les conditions technologiques actuelles : flexibilité, capacité d’adaptation, capacité à résoudre les problèmes et interactions sociales. A ces quatre dimensions, l’étude ajoute celle de la précision, identifiée comme un goulet d’étranglement important pour les métiers manuels.

Pour établir le diagnostic prospectif, il faut retenir le bon cadre d’analyse : lorsqu’une machine se substitue à une activité humaine, elle se substitue à une ou plusieurs « tâches », c’est-à-dire la manière d’effectuer une activité de travail en mobilisant certaines compétences, non à des « métiers ».

 

Le Conseil d’orientation pour l’emploi a souhaité approfondir le diagnostic en procédant à une analyse complète des impacts prévisibles de la nouvelle vague d’innovations technologiques sur l’emploi et sur le travail.  Dans ce 1er tome, il a cherché à apprécier les effets constatés et envisageables sur le volume de l’emploi (disparition, mais aussi de créations), sur la structure de l’emploi (métiers les plus concernés, évolution de ces métiers), sur la localisation de l’emploi.

Dans un second tome (printemps), le Conseil va s’attacher à étudier les enjeux précis en termes d’évolution des compétences, de mobilités professionnelles, d’organisation et temps de travail et de modes de management, de conditions de travail ou encore de soutien à l’innovation.

 

 

“Des possibilités techniques d’automatisation et de numérisation encore accrues se profilent à l’horizon. Plusieurs technologies – dont un grand nombre appartiennent au domaine du numérique et qui se caractérisent par leur forte interdépendance – sont porteuses d’un potentiel considérable de transformation du système productif et de nos économies. C’est le cas en particulier de l’intelligence artificielle et de la robotique; c’est également le cas de l’impression 3D ou encore de l’Internet des objets.”

 

Les études rétrospectives convergent pour montrer que les progrès technologiques des 30 dernières années ont eu un effet favorable sur l’emploi :

L’innovation produit : l’effet est positif au niveau micro même en cas de remplacement d’anciens produits par des nouveaux; il l’est encore au niveau sectoriel quand l’innovation permet de créer un nouveau marché.

L’innovation  procédé : est positif au niveau micro si la production augmente et au niveau agrégé s’il y a baisse des prix; négatif au niveau micro si la production est constante ou si le capital remplace le travail à moindre cout, et au niveau sectoriel, si elle ne permet pas de gain de marché.

 

Moins de 10% des emplois ont un indice d’automatisation élevé qui les rendent vulnérables au vu des avancées technologiques actuelles (emplois «exposés ») ; par contre,  près de 50% des emplois pourraient voir leur contenu évoluer avec le développement des technologies de la numérisation et de l’automatisation (« emplois dont le contenu est susceptible d’évoluer »).

Les plus « exposés », sont le plus souvent des métiers manuels et peu qualifiés (le plus exposé, l’agent d’entretien à savoir 21% d’entre eux, les autres oscillant entre 6 et 2%), notamment de l’industrie, alors que ceux susceptibles d’évoluer sont souvent des métiers manuels et peu qualifiés, mais du secteur des services. 

 

Le potentiel de création d’emplois des nouvelles technologies est d’une double nature : emplois directs propres au développement de la technologie concernée (numérique et robotique), emplois indirects créés (les plus nombreux).

Depuis les années 1980, on assiste en France à une évolution de la structure de l’emploi qui semble avoir surtout profité aux plus qualifiés; dans d’autres pays comme les Etats-Unis, la croissance de l’emploi des plus qualifiés s’est accompagnée d’une progression de l’emploi peu qualifié, aux dépens des qualifications intermédiaires, qui est moins nette en France. Ces technologies seraient en effet plus facilement substituables aux emplois auxquels sont associés des tâches manuelles et cognitives « routinières » (emplois de niveau de qualification intermédiaire). Elles seraient en revanche complémentaires aux emplois auxquels sont attachés des tâches « non routinières » qui impliquent de résoudre des problèmes, de faire preuve créativité ou de leadership. Il s’agit plutôt d’emplois de niveau de qualification élevé.

 

La modification des compétences exigées sur le marché du travail a aussi été tirée par l’émergence de nouveaux métiers dans le domaine du numérique et auxquels sont attachées des tâches nouvelles et plus complexes. Ainsi, parmi les 149 nouveaux métiers apparus depuis 2010, 105 appartiennent au domaine du numérique.

 

Les avancées technologiques en cours et à venir sont susceptibles d’influer sur la répartition des emplois nouveaux et existants à l’échelle internationale en pesant sur les déterminants de localisation des activités. En abaissant les « coûts de la distance », les technologies de l’information et de la communication ont pu favoriser des délocalisations de certaines activités « routinières » industrielles et de service vers des pays où le coût du travail est faible. Cette tendance, en cours depuis les années 1980, pourrait s’atténuer voire s’inverser grâce notamment aux possibilités croissantes d’automatisation; elles ne semblent pas être à l’origine d’un mouvement de relocalisation de grande ampleur.

D’une part, les territoires les plus susceptibles de connaître des destructions d’emploi seraient ceux où les secteurs industriels traditionnels faiblement intensifs en technologie représentent une grande part de l’emploi et sont caractérisés par une forte densité en travailleurs peu qualifiés et où les métiers intensifs en tâches « routinières » pèsent beaucoup dans l’emploi local.

D’autre part, les territoires qui pourraient bénéficier de la diffusion des technologies seraient des territoires capables d’attirer des relocalisations notamment industrielles, les aires urbaines du fait d’un vivier de talents de compétences en phase avec les nouvelles technologies; le développement de secteurs soutenus par ces avancées technologiques peut avoir des effets plus indirects (emplois induits).

 

La perspective d’une disparition massive des emplois existants, que laissent entendre certaines études soulignant que près de 50% des emplois seraient exposés à un risque élevé d’automatisation, n’est donc pas la plus probable. En revanche, il est clair que les évolutions en cours vont être à l’origine d’une profonde transformation des emplois existants.