Le rôle des managers apparait de plus en plus comme un atout essentiel pour la cohésion de l’entreprise, auquel il manque la reconnaissance du travail des salariés, élément clé à intégrer dans la culture de l’entreprise.
⇒ Les manageurs, combien et qui sont-ils ?
♦ Il n’existe pas de statistiques officielles sur le nombre et le profil des managers. Toutefois, 32% des salariés déclarent exercer une fonction d’encadrement (soit environ 8 millions dans d’une population totale de 25.2 millions de salariés). 56% sont à la tête d’une équipe restreinte de moins de 5 personnes. Les 44% restant se répartissent entre managers intermédiaires, qui encadrent eux-mêmes des managers, et le Top Management (direction d’une entreprise et membres du CODIR).
♦ Les encadrants se distinguent par un profil plus âgé : 77% ont 35 ans et plus (vs 55% les salariés). 63% travaillent dans une structure comprenant au moins 250 personnes contre 52% des salariés. Les managers sont sur-représentés en région parisienne (35% en comparaison avec 22% de Franciliens parmi les salariés) où sont concentrés une grande partie des sièges de grands groupes. 37% des managers sont des femmes.
♦ Selon une enquête IFOP réalisée en juillet 2022 auprès d’un échantillon représentatif de 1000 cadres du privé, 49% déclaraient que devenir manager représentait un objectif important au début de leur carrière ; la progression dans la hiérarchie du management suppose de l’avoir envisagé très tôt : 75% des interviewés actuellement à la tête d’une équipe supérieure à 20 personnes, soit le Top Management (niveau d’encadrement représentant environ 7% des cadres), souhaitaient devenir manager au début de leur vie professionnelle contre 52% de ceux encadrant une équipe de moins de 5 collaborateurs (niveau d’encadrement représentant 30% des cadres).
♦ Mais 68% des managers déclarent exercer un métier susceptible d’entraîner des conséquences négatives sur leur santé mentale (situations de stress, pression psychologique…) contre 60% pour la moyenne des salariés. Cette proportion grimpe à 73% auprès de ceux encadrant une équipe d’au moins 5 personnes.
⇒ La satisfaction des salariés envers les managers ?
♦ Fin 2021, 70% des salariés français étaient satisfaits des relations avec leur responsable hiérarchique direct contre 27% « pas satisfaits ». Bien qu’inférieur au score de satisfaction envers ses collègues (86%), la tendance forte est celle d’une relation sereine et stable entre ces deux populations.
Un décrochage est observé à l’échelon de la Direction Générale pour qui les avis apparaissent nuancés : 51% des salariés en sont satisfaits, 35% insatisfaits et 14% non concernés.
♦ Les qualités plurielles du manager sont reconnues :
– Le leadership fait partie des dimensions les mieux notées que ce soit via sa capacité à déléguer (reconnue par 78% des salariés) comme à décider (pour 75%),
« Coach » est le terme le plus souvent cité par les actifs en poste pour le qualifier (pour 39%) loin devant des expressions davantage associées à des missions spécifiques : « décideur » (22%), « gestionnaire » (22%) et « superviseur » (17%).
– Les qualités comportementales (ou « soft skills ») sont également valorisées : le N+1 fait preuve d’écoute (72%), de solidarité (71%) et sait générer un climat de confiance (67%),
– Ses qualités organisationnelles rejaillissent dans son aptitude à définir clairement les objectifs de chacun (69%), à bien organiser du travail (64%) et à bien relayer l’information au sein de l’équipe (64%),
–Le jugement est plus nuancé s’agissant de sa capacité à motiver et à faire évoluer les membres de son équipe (61 et 58%).
⇒ La reconnaissance du travail est le talon d’Achille du management français.
Fin 2021, 56% des salariés estiment que leur travail est reconnu à sa juste valeur, vs 72% au Royaume-Uni et 75% en Allemagne.
♦ Un grand nombre de managers eux-mêmes soulignent les difficultés auxquelles ils sont confrontés pour faire progresser cette reconnaissance. En dehors de cet aspect, ils se montrent positifs à l’égard des outils et moyens dont ils disposent pour exercer leur fonction d’encadrement. 71% affirment disposer des informations nécessaires pour informer leur équipe, 67% se sentent soutenus par leur hiérarchie, 66% estiment disposer de suffisamment de temps pour accompagner leur équipe et, à un degré moindre, 61% ont accès aux formations nécessaires pour manager leurs collaborateurs.
♦ Le constat est beaucoup plus clivant s’agissant des moyens nécessaires pour reconnaitre les performances de leur équipe (56%), au-delà des seuls aspects financiers (promotion, élargissement des missions…).
En pratique, l’existence d’une culture managériale prenant en considération la reconnaissance du travail peut être observée par des actions concrètes telles que des retours réguliers sur le travail, la valorisation comme la célébration des réussites ou encore, la légitimation du droit à l’erreur ; or ces différentes initiatives ont encore peu irrigué le management français.
Ainsi, en 2019, quelques mois avant le début de la crise sanitaire, une courte majorité de salariés mentionnait l’existence dans leur entreprise d’initiatives managériales telles que la reconnaissance du droit à l’essai et à l’erreur (59%), l’encouragement à la prise d’initiatives individuelles ou collectives (55%) ou encore les retours d’expérience pour valoriser ou faire progresser les collaborateurs (52%), voire la valorisation des efforts et les résultats (46%) et la célébration des succès (40%).
♦ Le constat est presque identique pour d’autres actions managériales visant renforcer la confiance et à responsabiliser. En 2018, selon une enquête IFOP, 48% affirment que le management de leur entreprise les encourage à accepter d’autres points de vue, 43% qu’il a confiance en eux pour prendre des décisions sur des sujets importants et 42% qu’il est prêt à octroyer du temps supplémentaire pour développer les compétences de collaborateurs.
♦ Un autre aspect inhérent à la reconnaissance réside dans la possibilité de se projeter dans le temps au sein de l’entreprise ; fin 2021, 49% affirmaient avoir des possibilités d’évolution professionnelle dans leur entreprise, vs en Allemagne (65%) et au Royaume-Uni (68%).
Selon les salariés, les entreprises se soucient plus de rendre la marque employeur attractive que de valoriser leurs ressources internes ou de fidéliser leurs collaborateurs. Alors que la plupart émettent un jugement positif sur les avantages concurrentiels de leur employeur : ses performances (pour 76%), l’offre des produits et services de qualité (81%) et la bonne prise prendre en compte des besoins et attentes des clients (78%), les opinions sont beaucoup plus nuancées lorsqu’il s’agit d’évaluer la capacité de l’employeur à bien prendre en compte les besoins et attentes de ses salariés (53%) ; cette frustration est d’autant plus durement
ressentie que les salariés considèrent, à juste le titre, contribuer à ces performances.
♦ Autre constat plus spécifique, le recrutement externe est la stratégie jugée la plus efficace par les managers pour intégrer la direction d’une entreprise. 58% de cadres dirigeants et 60% d’encadrants partagent ce point de vue contre respectivement 32% et 34% qui évoquent la stratégie interne consistant à gravir les échelons. La voie externe est jugée plus efficace et plus rapide pour intégrer directement la direction (selon 34% des cadres dirigeants et 35% des cadres encadrants) vs la voie interne (24 et 25%).
⇒ Le rôle des managers pendant la crise sanitaire
♦ Les encadrants ont fortement contribué à la confiance que beaucoup de salariés ont maintenu envers leur employeur et ont parfois représenté l’unique lien les reliant à l’entreprise ; au-delà de leur fonction hiérarchique classique, certains sont aussi mués en « psychologue » au quotidien (souci renouvelé d’écoute, de soutien individualisé et d’attention au moral des membres de leur équipe).
Les DRH, particulièrement concernés par l’organisation du travail et attentifs au ressenti des collaborateurs, dressent un constat similaire.
♦ Mais ce rôle central des managers pendant la crise sanitaire a aussi entraîné un renforcement des exigences à leur égard. Le rôle de « manager psychologue » se manifeste à travers les 2 autres attentes prioritaires les plus mentionnées : « soutenir son équipe dans les difficultés » (16%) et « être l’écoute des membres de son équipe » (13%), devant d’autres critères plus traditionnels tels que l’organisation du travail de l’équipe ou encore le relai de l’information.
♦ L’impact post crise sanitaire du management est surtout visible sur des aspects relevant du développement personnel et de la confiance en soi : les domaines les plus mentionnés sont : « être bien intégré(e) parmi ses collègues » (constat partagé par 86% des salariés du privé), « avoir le sentiment que vos collègues et vous êtes solidaires » (74%), « décider de la manière dont vous organisez votre travail » (73%) et « prendre souvent des décisions par vous-même » (71%). Cette hiérarchie confirme le rôle désormais plus « psychologue » du manager, mais aussi son influence pour aider à renforcer un sentiment de reconnaissance par eux-mêmes chez les salariés à défaut de provenir de leur employeur.
♦ Les managers partagent aussi ce constat. Depuis la crise sanitaire, leurs attentes à l’égard des collaborateurs tendent à évoluer vers un registre plus qualitatif, autour d’un contrat de confiance réciproque. Les domaines au sein desquels ils déclarent en attendre plus qu’avant de leurs collaborateurs sont en effet : « qu’il prennent de l’autonomie » (45%), « qu’ils communiquent régulièrement » (45%), « pouvoir leur faire confiance et déléguer » (43%). A l’opposé, d’autres aspects plus contraignants et éloignés du registre de la confiance sont nettement moins soulignés : « qu’ils respectent les horaires de travail » (29%), « qu’ils fassent valider les étapes de leur travail » (27%) et « qu’ils soient présents dans les locaux de l’entreprise » (22%).
⇒ Les managers et leur rôle dans l’évolution de la culture d’entreprise
♦ Pour 31% des salariés, les managers incarnent la fonction la plus susceptible de transformer la culture et les modes de management dans son entreprise, légèrement devant les dirigeants (30%), les DRH (13%), les collaborateurs (13%), une fonction spécifique dédiée à la transformation (6%) ou encore les cabinets de conseil externe (5%).
Ce rôle central dévolu au manager ne suffit toutefois pas à bouleverser complètement la culture managériale française dans le sens de plus de reconnaissance et de confiance. 47% des salariés ont en effet constaté une évolution récente du mode de management dans leur entreprise contre 53% qui émettent le diagnostic inverse.
♦ En tête des aspects parmi lesquels leur entreprise se transforme le plus, figure l’organisation du temps de travail (36% des citations), devant l’organisation de l’espace de travail (26%), la transformation numérique (26%) et la gestion du travail à distance (23%). Les critères managériaux proposés sont relégués derrière : « la responsabilisation, la confiance et la délégation » (20%), « l’évolution des styles de management » (16%) et « le dialogue et le développement du collaboratif » (13%).
♦ Nos enquêtes internes d’engagement permettent généralement d’identifier trois paliers à franchir pour insuffler plus de démocratie dans le management : l’écoute, la reconnaissance et la participation.
L’écoute implique de se montrer attentif à l’autre, de l’accepter dans sa singularité et d’aider à son intégration harmonieuse au sein d’un collectif ; la plupart des managers sont bien évalués sur cette dimension. Cependant, le développement de nouvelles organisations de travail qui imposent parfois la contrainte de l’éloignement physique nécessite de se montrer vigilant et de redoubler d’efforts pour s’assurer que le sentiment d’écoute demeure pérenne malgré la distance.
Le stade de la reconnaissance ne fonctionne pas aussi bien ; la reconnaissance s’inscrit sur le long terme : offrir la possibilité aux collaborateurs de se projeter et d’évoluer dans la structure. La confiance y joue un rôle essentiel. La place élargie dévolue aux managers depuis la crise sanitaire pour organiser une plus grande prise d’autonomie des membres de leur équipe peut contribuer, grâce au gain de confiance en eux, à moins ressentir de frustration.
La dernière étape a trait au développement d’un management participatif. Il consiste à rendre les salariés acteurs et non uniquement spectateurs des transformations actuelles : diversité, inclusion, relocalisation, pérennisation du télétravail pour ceux qui le peuvent, responsabilité environnementale…, les champs d’action ne manquent pas.
Pour en savoir davantage : Le nouveau rôle central des managers et l’enjeu de la reconnaissance au travail – IFOP