Les emplois en devenir se développent d’abord dans les grandes métropoles, une situation qui devrait se poursuivre


"Dynamique de l’emploi et des métiers : quelle fracture territoriale ?", France Stratégie, la note d'analyse N°53, février 2017

Méthodologie : L’emploi au lieu de travail (les emplois compris dans une zone, quel que soit le lieu de résidence des salariés) observé sur une longue période (1968-2013) concerne les personnes âgées de 25 à 54 ans; l’enquête Conditions de travail 2013 de la Dares a été mobilisée pour mesurer la proportion de personnes ayant des tâches répétitives dans chaque métier au plan national.

Le zonage en aires urbaines est celui de 2010, établi par l’Insee. Les territoires environnant les métropoles régionales sont définis par 2 seuils de distance : un seuil à 60 km de la commune centre de l’aire urbaine et un seuil à 90 km.

 

Les 13 métropoles françaises retenues dans cette étude rassemblent 46% des emplois; 5,5 millions sont le fait des 12 métropoles de province et 5,7millions de l’aire urbaine de Paris.

 

Sur la période 2006-2013, les créations d’emploi se concentrent sur les aires urbaines de plus de 500 000 habitants; les villes moyennes, les petites villes et les communes isolées (en dehors de l’influence des pôles urbains) perdent des emplois, un mouvement inédit.
Jusqu’en 1982, la croissance de l’emploi s’est diffusée sur l’ensemble du pays, hors les communes isolées; entre 1990 et 1999, la croissance est faible mais assez proches selon les aires, excepté toujours les communes isolées; entre 1999 et 2013, les aires de plus de 500 000 habitants évoluent plus favorablement; entre 2006 et 2013, les aires de moins de 200 000 habitants sont en décroissance.

Les métiers à fort potentiel de créations d’emplois se répartissent ainsi selon les aires urbaines :

Lecture : dans l’aire urbaine de Paris, les métiers à fort potentiel de créations d’emplois représentent 60 % de l’emploi total. Dans les aires urbaines de 100 000 à 200 000 habitants, ils représentent 45 % de l’emploi total.

 

On y trouve en ordre décroissant et pour les plus importants les ingénieurs informatique, les professionnels de l’information et de la communication, le personnel d’étude et recherche, la logistique, les fonctions commerciales, les fonctions de gestion et d’administration. Pour les métiers répondant aux besoins locaux de la population, la croissance est également forte dans les métropoles de province (ouvriers du second œuvre du bâtiment, métiers de l’hôtellerie-restauration, professionnels de la santé et de l’action sociale, assistants maternels, aides à domicile).

Les métiers à fort potentiel sont plus souvent présents dans les métropoles et sont sous-représentés hors des aires urbaines et dans les aires urbaines de moins de 100 000 habitants.

 

Les métiers fragiles  (peu qualifiés et à caractère répétitif) sont par contre fortement présents dans les aires urbaines de moins de 100 000 habitants et hors des aires urbaines (métiers agricoles et d’ouvriers industriels notamment). Le risque qui pèse sur ces territoires est d’autant plus élevé que les personnes exerçant ces métiers fragiles ont une mobilité géographique faible. Ces métiers sont plus implantés dans le Bassin parisien hors Île-de-France, le nord, une partie de l’est et du centre de la France ainsi que dans les territoires agro-industriels de l’ouest.

 

Ce processus de « métropolisation » s’appuie principalement sur une concentration des emplois de cadres, notamment pour l’aire des plus de 500 000 habitants :

Sur la période 1999-2013, les aires de Toulouse, Montpellier, Nantes, Rennes, Bordeaux et Lyon ont créé de nombreux emplois mais l’aire de Rouen en a perdu, tandis que Lille, Strasbourg, voire Grenoble et Nice récemment, sont à la traîne.

 

Le dynamisme spécifique des métropoles trouve d’abord son origine dans les effets d’agglomération (la part des ménages et des entreprises clientes est large pour permettre une logique économique de différenciation de produits, l’innovation au sein de clusters ou entre secteurs); le dynamisme des métropoles s’explique aussi par le fait que les pôles urbains concentrent les emplois stratégiques, alors que les couronnes périurbaines, plus dynamiques en termes de croissance de la population et de l’emploi, développent une économie de proximité et offrent des espaces aux activités logistiques et industrielles.
La couronne périurbaine de Paris détonne, avec une dynamique de l’emploi beaucoup moins favorable; de plus l’emploi dans les métiers industriels baisse beaucoup, sans oublier la faiblesse des niveaux de qualification des salariés dans de grands établissements industriels fragiles.

Le décrochage des villes petites et moyennes provient du fait qu’elles perdent des emplois dans des activités industrielles aujourd’hui peu dynamiques (métiers d’ouvriers, certains métiers d’employés).

 

Noter encore que les territoires entourant les métropoles de province ont un poids important : 3 millions d’emplois se trouvent dans une première couronne périphérique allant de la métropole au rayon des 60km et encore 2,9 millions dans une couronne élargie comprise entre 60km et 90km, alors que les métropoles de province comptent 5,5 millions d’emplois, dont une très grande majorité dans les pôles urbains, le périurbain ne représentant que 15%.

 

“En conclusion, la prospective des métiers indique que le mouvement de métropolisation à l’œuvre en France depuis le début du XXIe siècle devrait se poursuivre…Dans un contexte d’élévation tendancielle des niveaux de qualification, une question centrale est la capacité de notre système productif à maintenir, voire à développer des emplois qualifiés hors des métropoles (professions intermédiaires, cadres). Peut-on par exemple envisager une diffusion des emplois de la gestion-administration hors de ces grandes aires urbaines ? De même, alors que les fonctions support dans les services (maintenance informatique, centre d’appels, etc.) restent très concentrées dans les zones servicielles urbaines, également intenses en services cognitifs (recherche fondamentale, enseignement supérieur, conseil en entreprise, publicité, marketing, etc.), peut-on imaginer une forme de découplage géographique de certains grands types de métiers de services ? Au-delà de cette logique par blocs de métiers, l’avènement du numérique est-il susceptible de bousculer massivement l’organisation du travail dans l’entreprise au point de favoriser à grande échelle le travail à distance ? “