Des mesures nombreuses en faveur de l’emploi et du marché du travail on été prises à partir de 2008, certaines d’ordre conjoncturel (plan de relance de l’économie française, plan d’urgence pour l’emploi des jeunes), d’autres d’ordre structurel (création de Pôle Emploi, réforme de la formation professionnelle).
Les mesures prises pour faire face à la dégradation de la situation de l’emploi ont abouti à une augmentation des dépenses en faveur du marché du travail (de 2,02% du PIB en 2008, à 2,59% en 2010 ; en valeur, 50,1Md€, soit un surcroît de dépenses de 10Md€ environ par rapport à 2008 ; cette hausse correspond, pour près des 2/3, à l’indemnisation des demandeurs d’emploi, les emplois aidés, les dépenses d’accompagnement et de formation des demandeurs d’emploi expliquent en grande partie le reste de l’augmentation des dépenses. Les aides à la création ont concernés environ 2% des dépenses (1,056Md€).
On observe un renforcement des inégalités face à l’emploi (augmentation du chômage des jeunes, fragilisation des salariés ayant les niveaux de qualification les moins élevés…).
Du fait de la crise, on constate une réduction forte mais inégalitaire de l’emploi temporaire (recours relativement élevé aux diverses formes de travail temporaire qui représentent 15,3% de l’emploi salarié, soit 3 points de plus que la moyenne de l’OCDE), un recours plus fréquent que dans d’autres pays aux réductions d’effectifs face à la crise, mais par contre une faible diminution du nombre d’heures travaillées par salarié et le recours au chômage partiel moins utilisé. Il en est résulté une forte aggravation du dualisme du marché du travail au cours des dernières années, alors même que les instruments des politiques en faveur du marché du travail n’étaient pas toujours adaptés à cette nouvelle situation.
Les règles d’indemnisation du chômage ont été légèrement plus favorables à partir de 2009 (simplification de l’indemnisation, amélioration pour les plus précaires, élargissement des conditions d’accès) mais avec aussi une baisse du taux de couverture.
La couverture du risque de chômage est cependant plus favorable que dans d’autres pays (régime plus facilement accessible, niveau d’indemnisation plutôt favorable, durée d’indemnisation longue, mais réservée aux salariés les mieux insérés dans l’emploi).
Le système français d’assurance chômage se caractérise par le fait que les droits ouverts y sont largement proportionnels aux cotisations versées ; dans les autres pays européens, le niveau de l’indemnisation est souvent beaucoup plus strictement plafonné ; Ainsi, pour un cadre de moins de 50 ans dont la rémunération mensuelle brute était de 10 000€, soit un net d’environ 7 200€, l’indemnité s’élève à 5 012€ net contre environ 2 200€ pour une personne dans une situation similaire en Allemagne.
Le contexte de forte dégradation du marché du travail a entraîné une nouvelle hausse du nombre de bénéficiaires en activité réduite, qui est passé de 880 000 en 2009 à 1,1 million en 2011 (45% des allocataires de l’assurance chômage déclaraient une activité réduite) ; toutefois, une partie seulement de ceux qui exercent une activité réduite cumule effectivement une allocation avec leur revenu professionnel. Ce dispositif permet aux bénéficiaires de toucher un complément de revenu, mais également d’allonger leur droit à indemnisation, dans la mesure où la succession d’épisodes d’activités réduites offre la possibilité de reconstituer des droits ; c’est une mesure d’encouragement à l’emploi, visant à maintenir un lien avec le marché du travail pour limiter les risques d’exclusion qu’une installation durable dans le chômage peut favoriser.
En septembre 2010, près de 2 350 000 demandeurs d’emploi ou dispensés de recherche d’emploi n’étaient pas indemnisables par le régime d’assurance chômage ; toutefois, 17% étaient indemnisés au titre de l’allocation solidarité spécifique, et 2% au titre de l’allocation équivalent retraite (AER) ; ainsi plus d’un sur quatre était demandeur d’emploi en catégorie A, B ou C et n’était éligible à aucun autre dispositif d’indemnisation, souvent en raison de revenus du foyer dépassant les plafonds de ressources établis.
Deux dispositifs se sont avérés peu efficaces face à la hausse du chômage.
-Le dispositif de chômage partiel a fait l’objet d’une tentative de réforme à l’occasion de la crise (modernisation de l’activité partielle de longue durée) ; Il a joué un rôle nettement plus limité que dans certains autres pays européens
–Les contrats aidés : leur utilisation dans le secteur non marchand a persisté en France, alors qu’elle a été abandonnée dans la plupart des autres pays en raison de sa faible efficacité en matière d’insertion durable dans l’emploi ; moins de 40% des personnes en contrat aidé non marchand sont en emploi six mois après, contre plus de 70% pour ceux qui ont bénéficié de contrats dans le secteur marchand.
L’insuffisante prise en compte des besoins des salariés les plus fragiles : Selon l’enquête emploi de 2011, le taux d’accès des chômeurs à la formation (680 000) serait inférieur d’environ un tiers à celui des actifs occupés ; de plus, si 25% des personnes concernées bénéficient d’un stage dans un délai de deux mois après la fin de leur dernier emploi (titulaires de contrats à durée déterminée ou de missions d’intérim), 25% attendent 15 mois (bénéficiaires âgés, chômeurs de longue durée).
Enfin les sommes allouées à ces formations ont a reculé depuis le début des années 2000, et sont restées quasiment stables en valeur absolue entre 2001 et 2009 ; elles représentaient, en 2010, 13% du total de la dépense de formation professionnelle continue ; si l’on prend en compte à la fois les dépenses pédagogiques, les rémunérations et les dépenses d’investissement, Pôle Emploi supporte 43% des dépenses, les régions 28% et l’Etat 23%.
Des contrats de professionnalisation insuffisamment orientés vers les peu diplômés : les diplômés de l’enseignement supérieur représentaient 28,3% des contrats conclus 2008, 33,5% en 2010 et 36,4% en 2011 avec pour corollaire la diminution de la part des salariés les moins qualifiés ; les personnes ayant une qualification de niveau V ont vu leur part se réduire de 24,6% à 20,3% entre 2008 et 2011 et les personnes de niveau V bis et VI sont passées de 9,1% du total en 2008 à 7,1% en 2011.
Par contre un important effort d’accompagnement des salariés licenciés pour motif économique a été conduit : en 2009, le nombre des entretiens a été de 9 par personne pour la convention de reclassement professionnel (contre 4,3 en moyenne pour l’ensemble des demandeurs d’emploi) ; ils ont bénéficié en moyenne de 1,4 prestation de type évaluation, atelier de méthode ou accompagnement et ceux du contrat de transition professionnelle de 2,3, contre 0,6 en moyenne pour l’ensemble des demandeurs d’emploi ; ils se sont aussi vu communiquer par Pôle Emploi 5 mises en relation avec des employeurs potentiels, contre 0,7 pour l’ensemble des demandeurs d’emploi. Cet effort d’accompagnement important s’est traduit par des coûts élevés à la charge des différents financeurs du dispositif alors que tous les licenciés économiques ne sont pas nécessairement les plus fragilisés au regard du marché du travail.
Il est urgent, selon les auteurs de cibler l’ensemble des autres mesures sur les publics qui en ont le plus besoin, sachant la difficulté d’un tel ciblage en période de crise et suppose une action conjointe des partenaires sociaux, de l’Etat et des régions. Ces changements ne pourront être obtenus que s’ils s’accompagnent d’une meilleure coordination entre ces acteurs des politiques de l’emploi, mais aussi avec les grands opérateurs : Pôle emploi, les organismes paritaires collecteurs agréés et les principales composantes du système de formation (éducation, universités, organismes consulaires), dont les efforts sont aujourd’hui trop dispersés et empêchent la mise en œuvre de politiques suffisamment concertées et cohérentes.