Le secteur social de l’Economie Sociale et Solidaire a besoin de plus de 100 000 emplois dans les toutes prochaines années, mais les contraintes qui s’imposent, compromet ces embauches


"ETUDE DES BESOINS EN MAIN-D’ŒUVRE DANS LE SECTEUR DE L’ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE (ESS), Ministère de l'emploi/Credoc, janvier 2013

Une analyse quantitative a été conduite à partir de deux sources, l’enquête Besoins en Main-d’œuvre réalisée par le CRÉDOC pour Pôle Emploi (intentions d’embauche des entreprises françaises à l’horizon d’un an) et l’enquête Emploi de l’INSEE.

Une phase qualitative a consisté en 60 entretiens auprès de structures de l’ESS afin de cibler les investigations sur les segments les plus porteurs tout en tenant compte de la diversité des types de structures et d’activités qui caractérisent le secteur.

 

Une récente étude de l’Observatoire National de l’ESS a pointé le nombre important de départs en retraite anticipés à l’horizon 2020, (plus de 600 000 salariés concernés, soit plus d’un quart des effectifs du secteur). Le CREDOC a cherché à estimer un potentiel maximum de projets de recrutement accessibles aux jeunes peu qualifiés, pour des postes pérennes.

 

La cible (jeunes non/peu qualifiés) est très concentrée dans les associations, et plus particulièrement dans l’action sociale où les profils non/peu qualifiés sont très présents (53% des non qualifiés et 50% des peu qualifiés, contre 36% de l’ensemble des profils). On y trouve davantage d’hommes (52% contre 38 dans l’ESS), une concentration dans les Zones Urbaines Sensibles, des personnes à temps partiel (51% des contrats) et bien plus en situation de précarité.

 

Les entreprises de ce secteur expriment des difficultés pour pourvoir ces postes (pénurie de candidats). La formation demeure la première réponse envisagée pour faire face à ces difficultés.

Le nombre de projets de recrutement est concentré sur un faible nombre de métiers, généralement 4 à 5 ; dans l’action sociale, les 4 premiers métiers (aides à domicile, aides soignants, éducateurs spécialisés, employés de maison) représentent 60% du total du segment ; dans l’éducation, les surveillants, formateurs et agents d’entretien représentent 55% du potentiel ; on retrouve les mêmes ordres de grandeur pour les segments Autres associations et Culture-loisirs.

En conclusion, le potentiel maximum d’embauches annuelles pour la cible (jeunes peu qualifiés) serait d’environ 114 000.

 

La situation économique du secteur se traduit par des structures et des emplois fragiles avec des financements en baisse qui fragilisent le secteur, et notamment les associations 

 

Jusqu’à la crise de 2008-2009 les financements publics des associations ont globalement augmenté à un rythme supérieur à celui du PIB ; les effets de la crise sur le niveau des aides publiques, dont les structures du secteur dépendent très fortement voire à titre principal, se sont fait ressentir de façon très significative. Cette diminution des aides publiques est d’autant plus problématique pour le secteur qu’elle est difficilement compensable par des ressources privées, du fait de la faible solvabilité des publics pris en charge (notamment les publics fragiles bénéficiant de services médico-sociaux) et des tarifs bas très souvent fixés par les financeurs. Cette baisse tendancielle des financements se double d’un désengagement progressif de l’Etat (subventions), au profit de financements publics locaux sous forme de commandes et d’appels d’offres. Ces modalités de financement rendent les aides publiques des collectivités plus variables et difficilement prévisibles d’une année sur l’autre.

 

Les difficultés financières des structures induisent des difficultés à financer les emplois et se traduisent par un recours fréquent au temps partiel. Cette relative précarité des emplois est accentuée dans certains secteurs par les horaires atypiques (en soirée et / ou pendant le weekend) ; dans le domaine de l’animation, les emplois proposés sont souvent saisonniers ou à temps partiel.

L’utilisation importante du bénévolat dans le secteur associatif, y compris pour assurer des fonctions parfois vitales (comptabilité, ressources humaines, encadrement/intégration des nouveaux salariés) est un autre corollaire de ces difficultés à financer les emplois. Et donc des projets de recrutement limités du fait de l’impossibilité de se projeter dans l’avenir.

 

Un secteur professionnalisé, des employeurs exigeants… mais des pratiques de recrutement relativement informelles. Sous l’effet de l’encadrement réglementaire progressif, des niveaux de diplômes requis sont exigés et les critères d’embauche sont devenus plus exigeants :

Le premier critère est lié aux « savoir-faire » et aux compétences des candidats (diplôme ou expérience significative dans le domaine).

– Le second critère évoqué par les employeurs est le « savoir-être » des candidats ; il touche à de nombreuses dimensions :

*la capacité à s’intégrer et à travailler en équipe,

*la fiabilité : des gens « sur qui on doit pouvoir compter »,

*l’assiduité : être à l’heure et se présenter aux rendez-vous,

*les capacités d’interaction avec les publics : qualités relationnelles pour le médico-social, qualités pédagogiques et d’encadrement (dans la culture, le sport, l’insertion).

*la nécessité de présenter une certaine maturité / stabilité psychologique pour assurer l’accompagnement de publics fragiles

– Le troisième critère le plus souvent cité s’inscrit dans la « vocation » attendue des candidats :

– Une réelle motivation à entrer dans le secteur et exercer les métiers concernés d’une part ;

*une adhésion aux « valeurs associatives » (valeurs humaines, but non lucratif…)

*une forte volonté et capacité d’évolution professionnelle, de progression, et d’apprentissage

* une capacité d’autonomie et de polyvalence

 

Des modalités de recrutement relativement informelles

L’idée d’une Gestion Prévisionnelle des Emplois et Compétences est absente des discours et des pratiques des acteurs ; le « court-termisme » est notamment liée à l’incertitude économique.

De ce fait, les processus de recrutement sont rarement formalisés : le principal canal de recrutement repose sur le « bouche à oreilles » et sur l’existence d’un réseau local de personnes connues et ayant déjà travaillé au sein de la structure à titre temporaire, dans le cadre d’un stage, d’un CDD de remplacement, d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation, ou encore une mission d’intérim. Les recrutements reposent ainsi sur l’interconnaissance et la confiance, qui s’instaure dans la durée dans le cadre de premières collaborations réussies.

Dans l’ensemble, les structures ont souvent le sentiment de ne pas avoir « la main » sur les recrutements et de ne pas être libres de leurs mouvements, étant sous le contrôle de leurs directions et / ou de leurs « tutelles ».

 

Des outils d’intégration et d’encadrement des salariés sont largement développés, mais les possibilités de formation sont limitées (livrets d’accueil, fiches techniques relatives à l’exercice de certaines fonctions ou aux publics auprès desquels les personnes sont susceptibles d’intervenir). Hormis ces supports écrits, les salariés fraichement recrutés sont encadrés et régulièrement suivis par des salariés ayant un rôle de direction ou de coordination des équipes. Le tutorat est également souvent évoqué pour les fonctions de terrain au contact des publics fragiles, mais des possibilités de formation limitées par la faiblesse des budgets et les besoins en main d’œuvre.

La Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) est un dispositif souvent connu mais encore très rarement mobilisé, alors même que son coût est réduit tant du point financier qu’en termes d’investissement en temps pour le salarié.