Le télétravail, quel impact sur la productivité ?


"Comment le télétravail affecte-t-il la productivité des entreprises ? Les enseignements très partiels de la littérature" Insee le blog, 23/10 2020

Peut-on considérer que les heures télétravaillées du fait de l’épidémie ont généré un même montant de production que les heures qui auraient été normalement travaillées sur site ? À combien évaluer l’écart d’efficacité ? Au-delà de la mesure de l’activité sur l’année en cours, se pose aussi la question de l’impact du télétravail sur la croissance des années à venir. Il devrait s’installer dans la durée : faut-il y voir un frein potentiel à la croissance ou, à l’inverse, un nouveau gisement de gains de productivité ?

Les donnés disponibles sont très insuffisantes; l’hétérogénéité des situations est trop grande pour que l’on puisse trancher si le télétravail accroit ou non la productivité.

 

Dans l’attente de données qui permettront de complètement mesurer ses conséquences, on dispose d’éclairages ponctuels. Dans certains cas, le télétravail engendre un surcroît de productivité lorsqu’il porte sur des tâches demandant de la créativité. Au niveau de l’entreprise, la productivité globale paraît elle aussi dépendre du type d’activité. Par ailleurs, l’augmentation du nombre d’heures travaillées, notamment chez les cadres, brouille les effets sur la productivité.

L’hétérogénéité des résultats de ces études rend toute extrapolation hasardeuse. De plus, en se concentrant sur des salariés et des entreprises volontaires, ces études portent sur des situations plus favorables que celle de l’adoption massive et non anticipée du télétravail en mars 2020.

 

Au cours du confinement, plus d’un quart des salariés ont été en situation de télétravail (enquête Acemo-Covid).

D’après Dingel et Neiman (2020) environ 38% des emplois en France pourraient être passés en télétravail, alors que 3% des salariés le pratiquaient régulièrement avant la covid.

 

Une première difficulté tient au fait que ce qu’on entend par « télétravail » peut fortement différer d’une à l’autre. Le télétravail pour un cas est une situation où les salariés travaillent de chez eux 4 jours par semaine, et dans les locaux de l’entreprise un jour par semaine; d’autres considèrent une situation de télétravail quelle que soit sa fréquence (pouvant diminuer jusqu’à une fois par mois), ou excluent le cas du télétravail intégral ; d’autres comme la possibilité offerte aux salariés de travailler depuis l’extérieur des locaux (accès à distance au système de courriels, documents et applications nécessaires au travail des salariés), sans oublier un autre facteur, la différence d’intensité du télétravail imposée par exemple par la covid.

 

Autre cas, lorsque les salariés ont été autorisés à choisir s’ils se mettaient finalement en télétravail ou non, les écarts de productivité entre les salariés choisissant le télétravail et ceux y renonçant ont doublé; en d’autres termes, les salariés volontaires pour le télétravail sont en général ceux pour lesquels les effets du télétravail sur la productivité sont les plus grands et positifs. Par conséquent, les effets du télétravail devraient être plus petits et négatifs lorsque celui-ci s’applique à un grand nombre de salariés non volontaires.

 

Les différentes études disponibles mettent en évidence le caractère très divers des modes de télétravail et ses conséquences sur l’organisation collective du travail. Selon la nature du travail effectué, le souhait des salariés d’en bénéficier et la façon dont il est mis en œuvre dans les entreprises (obligation d’un passage massif) les conséquences divergent en télétravail sur la productivité. Si ces études permettent d’avoir une idée des conditions de réussite d’un tel changement d’organisation, elles ne permettent pas d’en évaluer les effets macroéconomiques sur la productivité.