Source : l’enquête Emploi en continu de l’Insee sur la période 2003-2016 pour analyser l’évolution des caractéristiques socioéconomiques (sexe, âge, diplôme, temps de travail et salaires) et les enquêtes Insee-Dares sur les conditions de travail (et les risques psychosociaux) de 1998 à 2016 permettent d’analyser « ce que font les cadres », notamment de voir si l’encadrement, l’autonomie, la responsabilité sont encore des facteurs distinctifs des cadres dans les entreprises.
L’approche par les PCS est à distinguer d’autres critères possibles d’identification d’une population de cadres : rattachement à une convention collective « cadre », affiliation au régime de retraite complémentaire des cadres (AGIRC, etc.), adhésion à l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) ou encore perception subjective des individus comme cadres.
L’approche statistique de la PCS a l’avantage d’être construite à partir de caractéristiques tangibles et multidimensionnelles, et d’offrir un cadre propice à des comparaisons dans le temps. La limite est qu’elle oblige à appréhender de façon très large la notion de cadre, en mêlant parfois des professions et des statuts qui relèvent, notamment d’un point de vue conventionnel ou légal, de réalités assez distinctes (professions libérales, salariés du privé et du public, indépendants des métiers de l’information, enseignants, etc.).
Le groupe des cadres et professions intellectuelles supérieures peut être subdivisé en plusieurs sous-catégories : les professions libérales et assimilés (code 31), les cadres de la fonction publique (33), les professeurs et professions scientifiques (34), les professions de l’information, des arts et des spectacles (35), les cadres administratifs et commerciaux d’entreprises (37) et les ingénieurs et cadres techniques d’entreprises (38). Noter que les professions libérales sont pour la plupart indépendantes (mais du point de vue socioprofessionnel proches des cadres salariés).
Le statut des cadres perd en capacité d’initiative et en primat pour l’encadrement entre 1998 et 2016; l’intrusion de la vie professionnelle sur la vie privée s’est nettement développée.
⇒ Un chiffrement comparé aux autres CSP
Entre 2003 et 2016, le nombre de cadres a nettement augmenté (de 3,623 millions à 4,663 millions, +28,7%), représentant 20% des personnes en emploi de 15 ans et plus. Sur la même période, les professions intermédiaires (28% des emplois) ont connu une augmentation importante (de 5,756 millions à 6,711, +16,6%), alors que le nombre d’employés (30% des emplois) était stable (de 7,116 millions à 7, 079, -0,5%) et celui des ouvriers (22% des emplois) baissait (de 5,895 millions à 5,283, -10,4%).
Les cadres d’entreprise (58% des cadres) sont passés de 1,932 million à 2,692 soit +39%, alors que les libéraux (10% des cadres) sont passés de 366 000 à 456 000 (+25%) et les autres cadres (fonction publique et professions intellectuelles et artistiques, (32% des cadres), ont progressé de 14% (de 1,932 million à 2,692).
Les cadres salariés se répartissent entre cadres commerciaux (22%), cadres administratifs (19%), cadres de production (18%), cadres d’études non technique (17%), ingénieurs informatique (14,5%), ingénieurs d’étude (10%).
⇒ Profil des cadres
♦ Ce sont majoritairement des hommes (59,5%), moins que chez les ouvriers (80%), mais beaucoup plus que chez les employés (24%) et plus proches de professions intermédiaires (47%).
♦ Leur moyenne d’âge est de 43,7 ans (vs 41,8 pour l’ensemble des emploi) et de 44,6 pour les cadres de la fonction publique et professions intellectuelles et artistiques; les ingénieurs d’étude et les ingénieurs informatique sont les plus jeunes (39,7 ans).
♦ 69% ont un niveau supérieur à bac+2, (50% de niveau bac+5) contre 13% pour les non-cadres; les professions intermédiaires sont 28% à posséder un diplôme supérieur à bac+2 (et 9% de niveau bac+5), loin devant les ouvriers et employés (moins de 5% de diplômés supérieurs à bac+2).
♦ Ils ont une ancienneté moyenne dans leur emploi plus élevée que les non-cadres (13,25 ans vs 12,41 pour les professions intermédiaires, 10,91 pour les employés et 10,41 pour les ouvriers).
♦ La durée effective annuelle du temps de travail, pour les personnes en emploi à temps complet, est de 1 887 heures pour les cadres (1 934 pour les cadres en entreprise), contre respectivement 1 664 pour les ouvriers, 1 659 pour les professions intermédiaires et 1 643 heures pour les employés.
62% déclarent travailler 40 heures ou plus par semaine, vs 27 pour les professions intermédiaires, 19% pour les ouvriers et 14% pour les employés.
La pratique du temps partiel est moins répandue chez les cadres (11% vs 12 pour les ouvriers, 16 pour les professions intermédiaires et 33% pour les employés).
♦ Les cadres (salariés) se distinguent par un nombre de jours de congés pris sur l’année (y compris RTT) supérieur aux autres CSP, que ce soit dans le privé ou dans le public; les salariés de la fonction publique disposent en moyenne d’un nombre de jours de congés ou RTT plus élevé que dans le privé, ce qui vaut pour les cadres comme pour les autres CSP.
♦ Les cadres salariés bénéficient en 2016 d’une rémunération qui est le double de celle des non-cadres, les cadres d’entreprise percevant une rémunération nette supérieure de 20% à celle des cadres de la fonction publique, professions intellectuelles et artistiques. Les femmes cadres sont moins bien rémunérées que leurs homologues masculins (de l’ordre 18% en moins dans les entreprises).
⇒ 13 ans d’évolution des cadres : quelles tendances ?
Depuis 2003, un moindre vieillissement et une féminisation des cadres salariés du privé :
♦ Les cadres ont connu un vieillissement de leurs effectifs de l’ordre de 1,8 an, soit un peu moins vite que les ouvriers et employés et autant que les professions intermédiaires. Dans la fonction publique, l’âge moyen des cadres passe, en quinze ans, de 42,2 ans à 44,6 ans (+2,4), alors qu’il n’évolue que de 41 à 42,4 ans (+1,4) pour les cadres d’entreprise.
♦ Si les cadres sont toujours majoritairement composés d‘hommes, la part des femmes a progressé de 5 points pour atteindre 40,5%; la part des hommes parmi les cadres d’entreprise est notamment passée de 74% en 2003 à 67% en 2016.
Depuis 2003, on note une forte progression du nombre de couples dans lesquels les deux conjoints sont cadres. Parmi les cadres, 57 % ont un conjoint cadre contre 47 % en 2003. Cette tendance est encore plus marquée chez les employés et professions intermédiaires.
♦ En 2003, le pourcentage de cadres diplômés d’une formation égale ou supérieure à bac+5 était de 36%, contre 50% en 2016; la part de cadres diplômés de bac+3 ou plus est passée de 60 à 69% en 2016 ; on dénombre un peu plus d’un million de cadres supplémentaires en possession d’un master ou plus.
♦ Si le temps de travail demeure un marqueur pertinent des cadres, il est difficile d’établir si ce marqueur s’est renforcé ou affaibli au cours du temps.
♦ 97% déclaraient être en CDI en 2003, un même chiffre en 2016; par contre, les cadres de la fonction publique et professions intellectuelles et artistiques ont vu leur proportion d’actifs en CDI diminuer de 5 points ( de 85% en 2003, à 80 en 2016). Les non-cadres ne sont que 74% en CDI (en baisse de près de 3 points par rapport à 2003).
♦ L’ancienneté en emploi a très légèrement augmenté depuis 2003 pour les cadres (+ 2 mois) et plus nettement pour les employés (+ 9 mois) ; elle est globalement stable en revanche pour les ouvriers et professions intermédiaires.
♦ Les salaires moyens mensuels des cadres salariés à temps complet restant environ le double de celui des non-cadres; on note cependant une diminution de l’écart de rémunération entre les cadres et les non-cadres (de 2 à 1,8).
⇒ Analyse de l’évolution de la nature du travail des cadres
♦ L’encadrement
Il s’agit de coordonner l’activité d’autres salariés, être responsable de leur activité, organiser leur programme de travail, être chargé de leur montrer comment le travail doit être fait ou encore surveiller la qualité de leur travail et/ou les délais.
68% des cadres supervisent le travail d’autres salariés, contre 34% pour les non-cadres (les professions intermédiaires 52%, les ouvriers 26,5%, les employés 24%).
34% des cadres répondent que l’encadrement d’autres salariés fait partie de leurs tâches principales, contre 10,5% des non-cadres (22% pour les professions intermédiaires).
Ce sont les cadres administratifs (79,5%) les ingénieurs de production (79%), les ingénieurs d’études (75%), et les cadres commerciaux (69%) qui encadrent le plus vs les ingénieurs informatique (54%) et les cadres d’études non technique (51%).
L’encadrement : un facteur de moins en moins distinctif ? En 1998, 64% des cadres déclaraient avoir une charge d’encadrement, vs 68% en 2016; alors que pour les non-cadres on passe de 20 à 34%.
♦ Des marges d’autonomie et d’initiative
65% des cadres (68% des hommes et 60% des femmes) déclarent « régler personnellement les incidents la plupart du temps » contre 54% des professions intermédiaires, 39% des employés et 36% des ouvriers.
L’autonomie dans l’organisation du travail des salariés sous leur responsabilité est manifeste : 63% déclarent avoir la possibilité de faire varier leurs délais; en majorité, ils sont assez libres de fixer les moyens qu’ils emploient pour mener à bien leurs missions.
Seul 9% soutiennent que leurs supérieurs leur disent comment faire pour atteindre leurs objectifs (25% les non-cadres).
Toutefois, les cadres sont 17% (38% pour les non-cadres) à déclarer « strictement appliquer les consignes données par leur supérieur ». 8% supervisant le travail d’autres salariés se voient dicter comment faire pour atteindre leurs objectifs.
62% ont le sentiment d’avoir de l’influence sur la mise en œuvre de changements dans leur entreprise vs 43% pour les non-cadres.
La dimension d’autonomie et d’initiative semble de moins en moins spécifique aux cadres :
Pour régler seuls les incidents, on passe de 81% pour les cadres en 1998 à 65% en 2016 (-16 points vs -9 points pour les autres). Noter que les cadres encadrants ont plus de marge que pour les cadres non encadrants, mais elle aussi est en baisse (85% vs 74 en 1998, passant à 69 et 56%).
Par contre, il y a peu de décalage dans le pouvoir de faire varier les délais de “production” (60-61 à 63% que l’on soit cadre encadrant ou non), tout comme pour les non-cadres (38 à 39%).
♦ Plus de responsabilité financière
En 2013, 77% déclarent « qu’une erreur dans leur travail pourrait entraîner des coûts financiers importants pour l’entreprise » (10% de moins pour les femmes), vs 70% les professions intermédiaires, 69% les ouvriers et 53% les employés. 82% déclarent avoir une responsabilité financiére vs 66% pour les cadres non encadrants.
Les ingénieurs de production semblent être les plus concernés par cette responsabilité : 88% d’entre eux ont une responsabilité financière, suivis par les cadres commerciaux et les ingénieurs d’étude.
On constate pour ces items un rapprochement entre CSP, avec toutefois un écart de près de 10 points entre cadres et non-cadres.
Par contre, d’autres situations sont devenues plus fréquentes pour les cadres
♦ Plus de pression
Cette pression n’est pas directement hiérarchique par un contrôle direct de l’organisation du travail : 81% déclarent que leur rythme de travail n’est pas imposé par les surveillances ou contrôles permanents exercés par la hiérarchie, loin devant les professions intermédiaires (67%), les employés (65%) ,les ouvriers (57%)
La pression s’exprime par contre au niveau de l’intensité du travail : 13% déclarent être constamment soumis à une pression dans leur exercice professionnel (18% pour les cadres encadrants vs 9 pour les cadres non encadrants mais 16% pour les non cadres). 31% déclarent ne pas avoir assez de temps pour mener à bien leur mission, nettement plus que les autres (entre 18 et 26%).
♦ Mais il sont les plus à même de déterminer leurs horaires de travail : 42% des cadres (47% les hommes et 34% les femmes) déclarent déterminer eux-mêmes leurs horaires vs les autres CSP (8%). Noter qu’une grande majorité a le pouvoir de modifier leur horaire en cas d’imprévu (85% les cadres et 71 les non-cadres) et peuvent s’absenter en cas d’urgence personnelle (83% les cadres vs 63 les non-cadres).
La proportion déclarant déterminer seuls leurs horaires a reculé de 10 points depuis 1998 (42 vs 52% vs 8 et 11 pour les non-cadres). La part de salariés du privé dont le rythme de travail est imposé par les contrôles ou surveillances permanents (ou au moins quotidiens) exercés par la hiérarchie a progressé passant de 24% en 1991 à 31% en 1998 et 33% en 2016; toutes les CSP ont vu ce contrôle se renforcer, y compris les cadres.
♦ Mais une plus grande perméabilité entre les sphères professionnelle et domestique : 59% prétendent régulièrement (« toujours/souvent/parfois ») emporter du travail à la maison (66% utilisant leur ordinateurs portable à la maison), vs 2 fois moins pour les professions intermédiaires, et très peu pour les employés et les ouvriers (11 et 3 %); en moyenne, ils déclarent y consacrer 4,2 heures par semaine.
Et la possibilité d’être contacté en dehors du travail, par les supérieurs ou les collègues pour 63% pour les cadres encadrants et 52 pour les cadres non encadrants (ont été été contactés au moins une fois en dehors de leur travail durant les 12 derniers mois dont 18% plus d’une fois par semaine), contre 41% pour les non-cadres. Les cadres commerciaux sont particulièrement concernés.
La perméabilité entre sphère professionnelle et sphère privée a progressé, affectant plus fortement les cadres : (de 24% en 1998, elle passe à 59%), alors que les non-cadres n’ont progressé que de 4 à 13%. Cette perméabilité connait une hausse plus forte pour les cadres encadrants (de 24 à 63%) que pour les cadres non-encadrants (22 à 52%).
⇒ Quels enseignements tirer ?
On constate un effacement de la frontière entre cadres et non-cadres, sur longue période (et notamment par rapport à 1998) en ce qui concerne les variables d’encadrement, de règlement des incidents et de responsabilité financière. Si, en 1991, un cadre avait beaucoup plus de chance qu’un employé ou un ouvrier d’avoir une charge d’encadrement, cette affirmation est de moins en moins vraie.
Par contre les écarts se creusent pour les variables concernant le travail à domicile, l’usage de l’informatique, voire la détermination des horaires.
Pour en savoir davantage : https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2020-dt-evolution-cadres-02-juillet.pdf