On distingue 3 motifs principaux à l’immigration : le 1er relève d’obligations légales internationales en matière de droit familial et humanitaire, alors que le second est d’ordre économique (immigration de travail et étudiants) ; le 3éme est la libre circulation dans le cadre de l’Union européenne. Cette note se concentre sur l’immigration économique, peu développée, et encore moins débattue, dans notre pays.
La France est peu attentive à l’immigration économique malgré les difficultés de recrutement des entreprises.
⇒ L’immigration en France est peu qualifiée, peu diversifiée
♦ Une immigration peu qualifiée : en 2020, 38% des immigrés avaient un niveau scolaire égal ou inférieur au brevet des collèges, contre 19% chez les natifs en France.
Certains pays de naissance sont surreprésentés dans l’immigration française : 70% des immigrés non européens sont nés sur le continent africain (dont près des 2/3 au Maghreb) ;
80% des immigrés résident dans des grands pôles urbains contre seulement 60% des natifs.
♦ le 1er motif d’immigration en France est le motif familial ; or, une immigration fondée sur le motif familial a tendance à renforcer la structure initiale de celle-ci ; constatons que 52% des immigrés de 15 ans ou plus venus en France pour motif familial n’ont pas de diplôme ou le niveau BEPC, vs 20% un diplôme supérieur au Bac, ce qui explique en partie le taux de chômage et d’inactivité élevé de la population immigrée française.
♦ N’oublions pas aussi que la libre circulation intra-européenne est le premier motif d’immigration dans de nombreux pays de l’UE : elle représente plus de 60% de l’immigration totale en Allemagne, Irlande ou Luxembourg vs 30% pour la France.
⇒ L’immigration en France est faible en volume
♦ Le volume de l’immigration est faible par rapport aux pays de l’OCDE (292 000 personnes en 2019, soit 0,41% de sa population, contre 0,85% pour les autres pays de l’Union européenne et ceux de l’OCDE).
En termes de stock, la population immigrée en France telle que mesurée par l’OCDE (c’est-à-dire les personnes résidant en France nées à l’étranger) s’élève à 8,4 millions et représente 12,8% de la population française en 2019. À titre de comparaison, elle était de 13,6% aux États-Unis, 13,7% au Royaume-Uni, 16,1% en Allemagne, 19,5% en Suède et 21% au Canada.
Par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE, et à celle de nos principaux concurrents européens, la France est donc un pays de faible immigration.
♦ Suite à la crise sanitaire, l’immigration s’est effondrée : entre 2019 et 2020, la délivrance de premiers visas a chuté de 20,5% et celle de l’ensemble des visas (qui tient compte des renouvellements) a chuté de 80%. Par ailleurs, de nombreuses entreprises ont révélé avoir des difficultés de recrutement lors d’enquêtes faisant apparaitre une corrélation positive entre ces difficultés et les niveaux d’immigration observés avant la crise, en particulier dans le bâtiment et les HCR.
⇒ L’immigration de travail, notamment de travail qualifié, reste marginale en France.
♦ Sur la période 2007-2016, 44% des immigrés en France sont venus au titre familial, contre 31% pour leurs études, 10% à titre humanitaire et seulement 9% pour le travail.
Sur la période 2000-2010, la contribution des immigrés à l’accroissement du stock de travailleurs hautement qualifiés n’a été que de 3,5% en France alors qu’elle était de plus de 10% au Royaume-Uni, en Australie ou au Canada, et de près de 7% aux États-Unis et en Suède.
♦ Alors que dans le débat public, les immigrés sont souvent présentés comme un fardeau pour notre économie ; pourtant, les pays avec les plus hauts taux d’immigration au monde sont tous des pays riches ; à contrario, les pays qui ont une proportion d’immigrés dans leur population inférieure à 1% sont pauvres.
Or entre 1990 et 2010, l’immigration n’a eu aucun effet sur les salaires des natifs français.
Le coût fiscal de l’immigration est un autre point important du débat public : les études centrées sur les pays de l’OCDE indiquent que l’immigration ne creuse pas les déficits publics. Suivant les pays et les années, la contribution nette des immigrés aux finances publiques se situe dans une fourchette comprise entre + 0,5 % et – 0,5 % du PIB ; les études récentes centrées sur la France arrivent aux mêmes conclusions.
Ceci s’explique par le fait que la population immigrée française, bien que surreprésentée parmi les chômeurs et les bénéficiaires de certaines aides sociales, se concentre dans les tranches d’âge actives qui ont en moyenne une contribution nette positive au budget de l’État.
♦ L’immigration irrégulière est ce qui contribue à obscurcir la question de l’immigration, alors que celle-ci est marginale. À l’heure actuelle, celle-ci chiffre moins de 10% des contrôles de la lutte contre le travail illégal, le reste étant essentiellement des dénonciations. Leur nombre total est très faible, y compris dans les secteurs les plus à risque. Par exemple en 2017, lorsque les HCR étaient ciblés, seul 6 330 salariés ont été contrôlés de manière aléatoire sur les 700 000 que compte ce secteur (soit 0,9% des effectifs) ; sur les 15 300 infractions qui ont été constatées au titre de la lutte contre le travail illégal en 2014, l’emploi d’étrangers sans titre de travail ne représentait que 12,6% du total, soit 1 930 infractions.
⇒ La contribution des immigrés à la richesse d’un pays
♦ Une contribution importante des immigrés, notamment qualifiés, à la richesse américaine est qu’ils créent de nouvelles entreprises : 36% d’entre elles comptent au moins un immigré parmi leurs fondateurs et 44% pour les entreprises high-tech de la Silicon Valley. Entre 2006 et 2012, les entreprises technologiques fondées par des immigrés ont engendré 63Md€ de recettes et employé 560 000 personnes ; au final, bien que les immigrés ne soient que 13% dans la population américaine, ils représentent 26% des entrepreneurs. Ce même phénomène est constaté au Chili, au Venezuela, en Albanie ou encore l’Afrique sub-saharienne.
♦ Autre contribution, dans le domaine de la recherche, ils sont ainsi à l’origine de 24% des brevets aux États-Unis sur la période 1940-2000. Cela est moins vrai en France du fait de la structure de notre immigration.
♦ La France apparaît ainsi loin derrière les États-Unis, le Canada, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni, avec moins de 10% de propriétaires de brevet d’origine étrangère entre 2011 et 2015. Comme l’Allemagne, elle est partie d’un niveau faible et n’est pas parvenue à augmenter fortement la part des inventeurs d’origine étrangère.
♦ Constat est aussi fait que les équipes les plus diverses au sein des entreprises en termes de lieux de naissance ont les meilleures performances ; des études révèlent des complémentarités productives dans les savoirs, les qualifications et les procédures cognitives d’autant que les individus sont issus de systèmes scolaires et culturels différents. Cette diversité a un impact positif sur les niveaux de revenu et de productivité des pays riches, se traduisant également par une plus grande performance exportatrice. Il en va de même pour les investissements directs à l’étranger (IDE) .
♦ Par ailleurs, les immigrés peu qualifiés travaillent généralement dans des secteurs à l’activité saisonnière, pénible physiquement et/ou à horaires décalés. Les moins qualifiés ont des taux d’occupation plus élevés en période de croissance et sont les premiers à perdre leur emploi en période de récession.
⇒ La politique de la France face à l’immigration économique
♦ Face à des pénuries de main d’œuvre grandissante, la France a assoupli en 2008 les conditions de recrutement de travailleurs étrangers extra-européens dans les métiers dits en tension ; ces mesures ont été sans effet sur le salaire moyen des travailleurs français, alors que l’embauche de travailleurs qualifiés étrangers a permis d’alléger les tensions sur le marché du travail, sans pénaliser les travailleurs natifs.
♦ Si la France a officiellement établi une liste de métiers en tension dans le but de faciliter l’octroi d’un visa pour les porteurs des qualifications recherchées, l’administration ne révise pas régulièrement la liste. De plus, les critères d’admissibilité sont flous et laissés à l’appréciation des préfectures.
♦ A défaut, le dernier canal utilisé par les entreprises est le recours aux travailleurs détachés, envoyés temporairement en France par leur employeur étranger ; ils ne sont pas comptabilisés dans les statistiques nationales d’emploi. Hors transport routier, 251 300 salariés ont ainsi été détachés au moins une fois en France en 2019. La France est le 2éme pays d’accueil.
♦ Les exemples étrangers pour canaliser l’immigration économique : le Canada et l’Australie ont mis en place depuis plusieurs décennies déjà des systèmes d’immigration « à points » ; le Royaume-Uni l’a introduit en 2006 ; ce système existe également, sous diverses formes, en Nouvelle-Zélande et en Autriche. C’est une politique de sélection des candidats à l’immigration en fonction de plusieurs caractéristiques telles que l’âge, le niveau de qualification, de compétences linguistiques, d’expériences professionnelles et de capacités d’intégration. Il présente l’avantage d’être transparent, équitable et efficace.
♦ Noter par ailleurs que le « taux de rétention » des étudiants étrangers en France est très faible : selon la direction des études et de la statistique de la Direction générale des étrangers en France (DGEF, ministère de l’Intérieur) ayant suivi une cohorte de 70 000 étudiants étrangers ayant obtenu leur 1er titre de séjour en 2015, observés les 5 années suivantes, seuls 21% d’entre eux sont toujours présents en France au titre d’un motif économique ; Si 14% sont toujours étudiants, 7% y sont restés pour motifs familiaux, 57% ont quitté la France (ou, pour quelques-uns, ont obtenu la nationalité française, ce qui équivaut à une « sortie » du dispositif de suivi).
Pour en savoir davantage : https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-note067.pdf
Voir aussi Immigration et difficultés de recrutement (cae-eco.fr)
Les données de l’enquête Acemo‐Covid montrent une relation significative et positive entre les entreprises déclarant d’importantes difficultés de recrutement et les secteurs présentant, avant la crise, une part importante de travailleurs immigrés parmi la main d’œuvre totale. Cette relation s’observe principalement pour les métiers peu qualifiés et relativement précaires.
Et aussi Immigration et finances publiques (cae-eco.fr)
La contribution nette des immigrés est très dépendante de la structure par qualification de cette population, ce qui a conduit à recommander des politiques migratoires plus sélectives (en faveur des immigrés plus qualifiés).
Une immigration, jeune et qualifiée, a un impact positif sur les finances de la protection sociale.
Néanmoins, ces gains financiers restent relativement modérés, ce qui fait que l’immigration ne peut pas être l’unique solution face au fardeau fiscal du vieillissement, mais elle peut y contribuer au côté d’autres instruments