Les conduites addictives dans le monde du travail : Alcool, tabac, cannabis, médicaments.


"Les Entreprises Face au tabou des addictions", Les Echos Entrepreneurs du 2 juin 2022

Ces addictions représentent 10% des arrêts de travail, et sont la cause d’accidents, d’absentéisme, de retard, de conflit, de pertes de motivations ou d’erreurs de décision.

⇒ Le tabac :

Parmi la population active, 27% des hommes et 23% des femmes sont fumeurs ; les 18-35 ans le sont davantage (38% les hommes et 32% les femmes), mais aussi les plus de 50 ans (33%) ; les ouvriers (hommes 36%, femmes 31%) le sont aussi davantage.

 

Si la part des fumeurs diminue avec l’âge, l’intensité de leur consommation augmente : chez les hommes de plus de 50 ans, ils sont plus de 33% à fumer 20 cigarettes ou plus par jour contre 13% pour les 18-35 ans.

 

La part des anciens fumeurs s’élève à 35% chez les hommes et 30% chez les femmes, ce qui n’est pas sans incidence sur les risques pour la santé et sur le maintien en emploi.

⇒ L’alcool

20% d’hommes et 8% de femmes ont un usage dangereux de l’alcool. Les hommes de 18-35 ans sont les plus enclins (31% vs 13 les femmes). Les hommes employés (23%) et ouvriers (22%) vs les femmes cadres (11%) s’y adonnent.

 

Par ailleurs 27,5% des hommes et 11,5% des femmes connaissent une alcoolisation ponctuelle importante. Celle-ci est constatée au moins une fois par mois chez les hommes (11% chez les 18-35 ans, 9% chez les 35-50 ans et 7,5% chez les plus de 50 ans) ; cela est moins fréquent chez les femmes (respectivement 5, 3 et 3%).

Cette modalité de consommation correspond à la consommation d’au moins 6 verres en une seule occasion ; elle intervient souvent en dehors ou après la journée de travail mais n’est pas sans lien avec le travail (réponse à une période de stress au travail, afterwork entre collègues…).

 

 

Les hommes de 18 à 35 ans sont particulièrement exposés, en proportion de leur effectif, aux consommations dangereuses et au risque de dépendance. Dans la classe d’âge des 18-35 ans, surreprésentée pour ce type de consommation  25% déclarent y recourir entre une fois par mois et une fois par semaine et 14% plus d’une fois par semaine.

Les femmes cadres sont plus exposées aux consommations dangereuses d’alcool que les femmes des catégories « ouvrier », « employé », et « profession intermédiaire ». S’agissant des hommes, c’est au contraire les catégories « ouvrier » et « employé » qui sont les plus concernées.

⇒ Le cannabis

8% d’hommes et 4% de femmes consomment du cannabis au moins une fois par semaine.
Les CSP les plus concernées sont les 18-35 ans hommes (14% vs 7 pour les femmes) et les employés hommes (12% vs 6 pour les femmes).

20% des employés hommes sont consommateurs moins d’une fois par semaine, vs 19% des cadres et 18% des ouvriers ; en ce qui concerne les femmes, elles sont respectivement 15, 15 et 19%.

⇒ Les médicaments anxiolytiques

Consommés au moins un fois dans l’année, ils sont le fait de 5% des femmes (dont 54% des femmes de plus de 50 ans) et de 3% des hommes (dont 58% pour ceux de plus de 50 ans).

Au moins un épisode de recours : les employés sont les plus concernées (58% les hommes et 54% les femmes), vs les ouvriers (35% les hommes et 8% les femmes), vs les cadres (19 et 12%).

32 à 35% des hommes et 26 à 35% des femmes n’y ont jamais eu recours.

⇒ Les métiers en lien avec le public conduisent à un risque aggravé de conduites addictives.

Chez les hommes, comme chez les femmes, l’exposition stressante au public est associée à des risques augmentés d’usage de tabac, de cannabis et d’alcoolisations ponctuelles importantes.

Chez les femmes exposées, il existe un risque au moins multiplié par 2 de dépendance à l’alcool.

⇒ Les addictions selon la durée hebdomadaire de l’emploi

Les hommes travailleurs à temps partiel ont des prévalences plus élevées d’usage d’alcool, de consommation de tabac, de cannabis et de médicaments anxiolytiques que ceux travaillant à temps plein, alors que c’est le contraire qui est observé chez les femmes. Il en est de même des personnes au chômage. L’emploi plein temps serait donc un facteur de protection par rapport aux risques de conduites addictives.

 

Les salariés du secteur privé présentent des prévalences plus élevées d’usage de tabac, de cannabis et d’alcool que les agents du secteur public. 

 

 Du fait du télétravail, les addictions semblent avoir diminué légèrement ; si 14% des salariés ont augmenté la consommation d’alcool, 18% disent l’avoir diminué. Il en est de même pour la consommation de cannabis (20% de hausse et 30% de baisse).

Les raisons de la hausse de la consommation sont l’isolement, les conditions de travail et la charge de travail, les raisons de la baisse la santé, le sommeil, les conditions de vie.

⇒ Les risques

Le risque d’accidents du travail graves est multiplié par 2 dès lors qu’il existe une consommation chronique hebdomadaire excessive.

 

Les risques de perte d’emploi : les fumeurs ont un risque de perte d’emploi à un an au moins multiplié par 1,5 par rapport aux non-fumeurs ; l’usage dangereux de l’alcool est associé à un risque multiplié par 1,5 de perte d’emploi à un an, et pour les sujets dépendants,  2 fois plus.
La consommation de cannabis, même occasionnelle (moins d’une fois par mois), est associé à un risque de perte d’emploi à un an presque multiplié par 2, et par 3 lorsque la consommation est fréquente.

 

⇒ Ce qu’en disent les professionnels de santé au contact des salariés

En novembre 2021, une étude sur la prévention des pratiques addictives en entreprise commanditée par l’INRS,  a été réalisée par l’Institut Cemka auprès de 1245 professionnels des services de santé au travail (médecins, infirmiers, psychologues et ergonomes). L’objectif était d’évaluer leur perception des conduites addictives et d’identifier leurs pratiques en matière de prévention.

 

L’étude montre que 73% des professionnels de santé au travail recherchent l’existence d’un lien entre le travail et la consommation de substances psychoactives. D’après eux, les facteurs qui favorisent le plus la consommation sont les risques psychosociaux, les horaires atypiques, le travail isolé, les pots en entreprise, les séminaires ainsi que le télétravail. 

Pour prés de la moitié des professionnels de santé impliqués, la prévention des pratiques addictives n’est plus un tabou en entreprise.

 

Selon ces professionnel les addictions qui posent le plus de problème chez les travailleurs sont l’alcool pour 91% d’entre eux, le tabac pour 66%, le cannabis pour 64% et enfin les médicaments anxiolytiques pour 43%.

Les médecins du travail évaluent à 9% les salariés en difficulté avec l’alcool, sans augmentation significative par rapport à 2009. En revanche pour le cannabis, ce taux est aujourd’hui de 7%, avec une augmentation de 2 points par rapport à 2009. 

 

Pour en savoir davantage : Les conduites addictives de la population active – chiffres clés issus de la cohorte CONSTANCES | Mildeca (drogues.gouv.fr)

et Les entreprises face au tabou des addictions, Social et RH (lesechos.fr) du 2 juin 2022