Méthodologie : les enquêtes Emploi de 2023 et 2024 sont cumulées afin d’obtenir un nombre d’observations plus élevé. Le champ d’analyse est celui des personnes résidant en France, âgées de 35 à 59 ans au moment de l’enquête. Le champ est restreint aux personnes en emploi (principal) au moment de l’enquête ou qui ont déjà travaillé.
La mobilité sociale est mesurée en comparant la classe d’emploi des personnes à celle de leurs parents ayant été en emploi. Parent et enfant peuvent être tous deux salariés, tous deux indépendants, ou avoir des statuts professionnels différents. Ne sont pas pris en compte, les mères inactives (26%) et les pères (7%).
Les 3 mesures de mobilité sociale se fondent sur la position qu’occupe la personne par rapport à celle de son parent (ascendante, descendante, ou immobilité sociale.)
– Pour les salariés et les anciens salariés, une hiérarchie à quatre niveaux est construite à partir de regroupements de PCS fondés sur le diplôme requis, la position socioprofessionnelle occupée et le niveau de rémunération.
– Les emplois indépendants comprennent l’ensemble des indépendants : les agriculteurs, artisans, commerçants et chefs d’entreprise, mais aussi les professions libérales artistiques, juridiques ou de santé. Ces classes d’emplois identifient ainsi 1,6 fois plus de travailleurs indépendants que les PCS. Une hiérarchie comparable aux salariés est en bâtie, par rapprochement avec le niveau des professions équivalentes exercées en tant que salarié et la taille de l’entreprise.
Les classes d’emploi distinguent 4 niveaux de qualification d’emploi pour les salariés : les emplois dits de niveau supérieur, les emplois de niveau intermédiaire, les emplois d’exécution qualifiés et les emplois d’exécution peu qualifiés.
Pour les indépendants, ce sont aussi 4 niveaux : une hiérarchie comparable aux salariés est bâtie, par rapprochement avec le niveau des professions équivalentes exercées en tant que salarié et la taille de l’entreprise ; une combinaison de ces deux stratifications permet alors de rassembler les salariés et les indépendants, en retenant comme 1er principe de classement le niveau d’emploi dans l’échelle des positions sociales ; ces niveaux sont alors emploi indépendant de niveau supérieur, emploi indépendant de niveau intermédiaire, petit indépendant avec salarié ou aide familial, petit indépendant sans salarié ni aide familial. La plupart des artisans et commerçants se placent dans les deux classes d’emploi les moins qualifiées, mais un artisan bijoutier possédant une entreprise de plus de dix personnes fera par exemple partie de la classe d’emploi de niveau supérieur.
Enfin, la comparaison ne tient pas compte du fait des parents qui n’ont jamais travaillé (les mères 26,4% et les pères 6,6%).
Le document proposé à l’analyse est assez compliqué à comprendre, à la fois dans l’analyse proposée et en termes de méthode pour approcher les indépendants ; j’ai tenté d’en extraire les points essentiels.
La mobilité la plus favorable est celle de salarié ayant eu des parents indépendants, et la plus défavorable celle où l’indépendant a eu des parents salariés.
⇒ Le statut par rapport aux parents.
♦ Parmi les quelque 20 millions de personnes âgées de 35 à 59 ans en emploi ou ayant déjà travaillé, et dont le parent travaillait, 63% des hommes sont en mobilité sociale par rapport au père et 66%des femmes le sont par rapport à la mère. Par rapport à leur parent, ces personnes exercent ainsi un emploi d’un niveau différent, voire un statut professionnel distinct.
♦ Quand ils travaillaient, leurs parents étaient également majoritairement salariés. Ils étaient toutefois un peu plus souvent indépendants que leurs enfants, surtout les pères.
Les situations les plus fréquentes sont celles où enfants et parents sont salariés : elles concernent 68% des hommes dont le père a travaillé et 77% des femmes dont la mère a travaillé. Celles où enfants et parents sont indépendants restent minoritaires.
♦ Davantage d’indépendants (dont le nombre augmente) sont issus de parents salariés. Les hommes salariés sont un peu plus souvent salariés que leur père (89,3% vs 77,3), tout comme les femmes (89,8% vs 85), alors que les hommes sont nettement moins souvent indépendants que leur père (16,1% vs 22,7) ; cette situation est moins fréquente chez les femmes (10,2% vs 14,6).
♦ Si les enfants de parents indépendants deviennent nettement plus souvent salariés qu’indépendants, leur probabilité d’être indépendant est bien plus élevée que pour les salariés : 2,3 fois plus pour les fils de pères indépendants que de pères salariés ; 1,7 fois plus pour les filles de mères indépendantes que de mères salariées. Cet effet est encore renforcé lorsque les deux parents sont indépendants.
⇒ En termes de statut social :
♦ Les hommes salariés sont 54% à se positionner dans les niveaux supérieurs ou intérimaires vs 43% leur père (+11 points), alors que les indépendants sont moins souvent de niveaux supérieur ou égal que les salariés (43%), mais le décalage entre les indépendants et leur père est plus important (43% vs 25, ou +18 points),
♦ Les femmes salariées sont 46% à se positionner dans les niveaux supérieurs ou intérimaires vs 31 pour leur mère, alors que les indépendants le sont davantage que les salariés (59%), à l’inverse des hommes vis à vis de leur père ; là encore le décalage pour les indépendants est plus marqué (59% vs 18, ou +41 points).
⇒ En termes d’ascension sociale :
♦ Quelles situations ont été les plus avantageuses ?
– La situation la plus favorable est celle de salariés ayant eu des parents indépendants, que le parent ait été le père ou la mère (mobilité ascendante proche avec 55,2% et 54,7) ; peu ont connu une mobilité descendante (14,5% et 13).
– Suivent 2 situations à proximité :
Celle de salarié avec des parents salariés : mobilité ascendante du fait du père (37,8%) et de la mère (47,8%, nettement plus favorable que du père) et une mobilité descendante de 24 et 17,4%.
Celle d’indépendant avec un parent indépendant : mobilité ascendante du fait du père (32%) et de la mère (48,1%, nettement plus favorable que du père) et une mobilité descendante de 22,3 et 14,5%).
– Et la situation la moins favorable, celle d’un indépendant avec des parents salariés : mobilité ascendante du fait du père (26,2%) et de la mère (40,5%, nettement plus favorable que du père) et une mobilité descendante de 39,2 et 29,5%.
♦ Dans ces 4 situations l’immobilité au niveau de l’emploi est assez proche pour la femme : entre 30 et 37,4% pour la femme par rapport à sa mère, mais plus disparate pour l’homme (entre 30,2 et 45,6%, ce dernier chiffre rendant compte d’un indépendant au regard de son père).
Et encore :
Les salariés connaissent une ascendance plus favorable que les indépendants, que la mère soit salariée (52,6% vs 41,7) ou que ce soit le père (37,7 vs 29,2). Si la situation d’immobilisme est proche, la mobilité descendante est plus marquée chez les indépendants, que le parent soit père (33,9% vs 26,2 pour les salariés) ou mère (24,9 vs 15,4).
Les indépendants ont 40% de chances en moins d’être en mobilité sociale ascendante que les salariés. Parmi les indépendants, 42% exercent dans le cadre d’une société, 26% sont des micro-entrepreneurs, et 26% des entrepreneurs individuels autres. Ceux qui exercent dans le cadre d’une société sont très majoritairement des hommes (72%), tandis que les emplois de micro-entrepreneurs sont davantage féminisés (51% de femmes).
Par rapport à leur père, les personnes exerçant comme micro-entrepreneurs sont plus souvent en situation de mobilité descendante que les autres indépendants : 44%, contre 26 pour les indépendants exerçant au sein d’une société.
♦ Au regard des mères et des pères : 48% des femmes sont en mobilité sociale ascendante par rapport à leur mère et 39% des hommes par rapport à leur père, quels que soient les statuts professionnels. Les femmes, plus que les hommes, en mobilité ascendante ont profité de la hausse de la qualification des emplois (presque deux fois plus souvent que les pères).
Pour les hommes, l’immobilité de niveau d’emploi par rapport à leur père est presque aussi fréquente que la mobilité ascendante (37%) ; pour 29% des hommes, à la fois le niveau d’emploi et le statut professionnel restent inchangés par rapport à leur père
♦ Au regard du niveau de diplôme, à caractéristiques socioéconomiques comparables, par rapport au père, qu’il soit indépendant ou salarié, les personnes titulaires d’un diplôme du supérieur long (bac+3 ou plus) ont 6 fois plus de chances que les diplômés d’un
baccalauréat de bénéficier d’une mobilité ascendante plutôt que descendante ou d’un niveau d’emploi identique. Les hommes ont 1,7 fois plus de chances que les femmes.
♦ Les descendants d’immigrés ont un peu plus de chances d’avoir une mobilité ascendante, contrairement aux immigrés qui en ont près de 2 fois moins.
En conclusion, je crois comprendre que les parents indépendants conduisent à une meilleure ascension sociale de leurs enfants qui choisissent le salariat (le fait d’une meilleure appréhension du milieu économique par les parents indépendants, facilitant l’ascension de leurs enfants devenus salariés ?), alors que les parents salariés offrent à leurs enfants devenus indépendants une situation moins souvent ascendante (choix de l’indépendance à défaut ?).
Pour en savoir davantage : https://www.insee.fr/fr/statistiques/8618361