Une première évaluation de l’impact du crédit d’impôt innovation.


"Évaluation du crédit d’impôt innovation : dynamique des bénéficiaires depuis son introduction", Les entreprises en France, édition 2019, Insee, lu novembre 2019

Définitions :

Instauré en 2013, le crédit d’impôt innovation (CII) est une extension du crédit d’impôt recherche (CIR) destinée à compléter son effet incitatif chez les PME, afin qu’elles s’engagent dans des dépenses d’innovation et de valorisation de la recherche et développement, via le développement de prototypes et, in fine, la création de nouveaux produits. Il consiste en un crédit d’impôt égal à 20% des dépenses annuelles d’innovation relatives aux opérations de conception de prototypes ou d’installation pilote de nouveaux produits. Le CII concerne l’ensemble des sociétés déclarant des dépenses de R&D et dont le taux est égal à 30% dans la limite de 100M€, puis 5% au‑delà.

 

Crédit d’impôt recherche (CIR) est une mesure fiscale d’incitation à la R&D et, depuis 2013, à l’innovation. Le CIR vient en déduction de l’impôt dû par la société au titre de l’année où les dépenses ont été engagées. Il a été réformé en 2008 et est calculé depuis lors à partir du volume des dépenses éligibles, ce qui a augmenté la créance pour les sociétés. L’assiette du CIR est composée de trois types de dépenses : les dépenses de recherche, les dépenses liées à l’élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile‑habillement‑cuir (THC) et depuis 2013 les dépenses d’innovation pour les PME uniquement (CII). Elle est plafonnée à 400 000€ par an et par PME, ce qui limite mécaniquement le crédit d’impôt à 80 000€ par an et par PME.

“Ce dossier vise à décrire les PME bénéficiaires du CII au moment de la mise en place du dispositif, en 2013 et 2014.”

 

Les crédits impôt innovation sont montés rapidement en puissance entre 2013 et 2014; leur impact semble avoir produit un effet positif, mais la période d’observation est trop courte pour en tirer une conclusion certaine.

 

Le CII est monté en charge au cours de ses deux premières années d’existence
Le montant total de CII a fortement progressé entre 2013 et 2014 passant de 83M€ en 2013 à 120M€ en 2014 (+45%), tandis que le nombre de PME bénéficiaires est passé de 4 092 en 2013 à 5 286 en 2014 (+29%). Cela traduit l’appropriation progressive du dispositif par les PME. 

 

En 2014, 3 secteurs perçoivent quasiment 90% du montant total de CII : l’information et communication (38%), l’industrie manufacturière (28 %), les activités spécialisées, scientifiques et techniques (21%), le commerce (7%). D’après l’enquête Innovation de l’Insee, les 3 premiers secteurs sont aussi ceux où la proportion de sociétés innovantes est la plus importante.

Si les 3 secteurs percevant le plus de CII sont les mêmes que ceux percevant le plus de CIR, leur poids diffère selon le type de crédit d’impôt considéré. En effet, dans le cas du CIR, le secteur des activités spécialisées, scientifiques et techniques perçoit 37% du CIR accordé aux PME, le secteur de l’information et communication 27% et l’industrie manufacturière 25%.

 

Le montant moyen de crédit d’impôt par PME bénéficiaire du CII est de 23 000€; ces PME bénéficiaires ont un effectif médian de 10 salariés et sont généralement plus grandes que les autres PME.

Parmi les PME bénéficiaires du CII, 57% déclarent également des dépenses de R&D dans le cadre du CIR, correspondant à un montant moyen de CIR de 82 000€. Au total, ces PME qui cumulent CIR et CII représentent 15% du montant de CIR accordé aux PME. Elles ont un emploi et un chiffre d’affaires moyens plus importants que celles bénéficiant uniquement du CII. Les PME bénéficiant uniquement du CII sont plus petites que celles bénéficiant uniquement du CIR.

 

Pour les bénéficiaires, l’introduction du CII s’est accompagnée d’une baisse des dépenses de recherche déclarées dans le cadre du CIR
Parmi les PME ayant déclaré des dépenses de recherche en 2011 et en 2012, celles ayant déclaré des dépenses d’innovation en 2013 ont enregistré une baisse de leurs dépenses de recherche déclarées pour le CIR de 12% cette même année, tandis que les dépenses de recherche des PME n’ayant pas déclaré de dépenses d’innovation ont reculé de 6%.

 

Une première interprétation possible serait que le processus de R&D peut prendre fin pour mener à une phase de mise sur le marché ; les dépenses de recherche soutenues par le CIR seraient alors remplacées par des dépenses d’innovation soutenues par le CII. Cette explication est d’autant plus plausible que les bénéficiaires du CII sont des PME, développant sans doute moins de projets en parallèle que des entreprises de taille intermédiaire (ETI) ou des grandes entreprises.

Une seconde interprétation serait celle d’un effet de relabellisation d’une partie des dépenses de recherche en dépenses d’innovation; ces dépenses relabellisées correspondraient en réalité à des dépenses d’innovation alors qu’elles étaient jusqu’ici considérées comme des dépenses de recherche. Le taux du CII (20%) étant plus faible que celui du CIR (30%), rien n’incite pourtant financièrement les bénéficiaires à relabelliser leurs dépenses vers des dépenses d’innovation si elles n’en étaient pas réellement.

 

L’emploi et le chiffre d’affaires des PME bénéficiaires du CII ont augmenté plus rapidement que ceux des PME similaires non bénéficiaires :

Comparer les PME bénéficiaires du CII à l’ensemble des PME non bénéficiaires ne suffit pas pour estimer l’effet de l’introduction du dispositif sur le devenir de ces PME; il faut en effet les comparer à un groupe spécifique de PME non bénéficiaires ayant des caractéristiques semblables (emploi, chiffres d’affaires, part de l’emploi technique, etc.) avant l’introduction du CII. Ces PME non bénéficiaires sont sélectionnées parmi les PME susceptibles de mener des activités d’innovation.

 

♦ Les effectifs des PME, bénéficiaires du CII, sont plus importants (27 salariés en moyenne en 2012) que celui de l’ensemble des PME bénéficiaires (21 salariés). Dès 2013, première année de mise en place du CII, l’emploi des PME bénéficiaires du CII augmente plus fortement que celui des non‑bénéficiaires. L’écart entre ces deux groupes s’accentue dans le temps. Par ailleurs, l’évolution de la part de l’emploi technique, c’est‑à‑dire de salariés susceptibles de réaliser des activités de RDI (techniciens, ingénieurs et cadres techniques de l’entreprise), est plus importante pour le groupe bénéficiaire en 2013. En revanche, les salaires augmentent moins fortement dans les PME bénéficiaires que dans les autres.

 

♦ Le chiffre d’affaires croît davantage chez les PME bénéficiaires.

 

♦ Mesurées par le total du bilan, les ressources financières des PME bénéficiaires du CII augmentent davantage que celles des non‑bénéficiaires.

 

♦ Il n’est en revanche pas observé de différence concernant le taux d’investissement.

 

♦ Enfin, l’écart entre PME bénéficiaires et PME non bénéficiaires concernant la probabilité de déposer au moins un brevet s’accroît en 2015.

 

♦ Les PME bénéficiaires du CII dans l’industrie ont créé davantage de nouveaux produits
 Le nombre de produits des PME bénéficiaires du CII a en moyenne augmenté plus vite que celui des non‑bénéficiaires; cependant, l’écart n’est pas significatif au niveau le plus fin; en revanche, pour des niveaux plus agrégés, l’écart est positif et significatif à partir de 2015, et le reste en 2016. À titre de comparaison, le nombre moyen de produits (au niveau le plus agrégé) est en moyenne de 1,52 dans le groupe bénéficiaire en 2012, ce qui représenterait donc un surplus de 5% chez les bénéficiaires.

 

Pour en savoir davantage : : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4255707?sommaire=4256020