Cette note propose une typologie inédite des métiers, au regard de la situation actuelle, selon 3 types de vulnérabilité (économique, conditions de vie et conditions de travail) avec pour sources : Insee, enquêtes Emploi 2016-2018 ; Dares, enquête Conditions de travail 2013.
La sortie du confinement et la transition, parfois longue, vers une reprise d’activité totale ou partielle, n’ont pas la même signification pour tous les métiers.
5 groupes : des plus vulnérables aux moins vulnérables
⇒ Les vulnérables de toujours (4,2 millions d’emplois) :
Les métiers ouvriers ou artisanaux déjà fragilisés (notamment ouvriers de l’industrie et du bâtiment, pêcheurs et aquaculteurs, employés administratifs d’entreprise et personnels de ménage), sont confrontés à un risque élevé de chômage dans la crise sanitaire; ils ont également beaucoup souffert des suites de la crise économique de 2008. 77% sont des hommes.
Leur vulnérabilité est liée à plusieurs facteurs : ils sont plus précaires que pour la moyenne des emplois (près d’un sur cinq exerce en CDD ou en intérim); leur activité cyclique pâtit du ralentissement des secteurs qui les emploient; s’y ajoute l’impossibilité de travailler à domicile; leurs salaires médians sont inférieurs à la moyenne.
La fragilité est aussi physique et psychologique, liée à leurs conditions de vie et de travail habituelles : 53% présentent des risques physiques et 40% sont soumis à des rythmes de travail intenses (contre 29 et 37% en moyenne).
En ce qui concerne les conditions de vie : ils sont moins concentrées dans les grandes villes; les professions sont parmi les plus féminisées, comptant davantage de familles monoparentales. Les contraintes et risques physiques ont plus souvent entraîné un handicap reconnu; Tous sont également soumis en temps normal à des rythmes de travail contraints, en particulier sur les chaînes industrielles. Certains travaillent par ailleurs en horaires atypiques. La charge mentale liée à la crainte de perdre son emploi et à l’absence de reconnaissance est marquante.
⇒ Les nouveaux vulnérables (4,3 millions)
Ils sont localisés dans les transports, la restauration, les services aux particuliers et la culture; ces métiers au contact de la population sont très exposés au ralentissement ou à l’arrêt prolongé de leur activité. La part des contrats salariés non permanents atteint 20% en moyenne. Comme les métiers « vulnérables de toujours », ils sont confrontés à des difficultés financières, avec un salaire médian de 1 550€, le plus faible de toutes les catégories de profession identifiées ici.62% sont des hommes.
L’exposition est assez habituelle aux risques physiques. Ce sont également des métiers plus souvent soumis à des horaires atypiques (la moitié travaillent habituellement le week-end) et à une intensité du travail supérieure à la moyenne.
Plus exposés lorsqu’ils travaillent aux risques physiques, et plus vulnérables financièrement et en conditions de vie, ces métiers risquent de pâtir de la crise au-delà du confinement, malgré les mesures de soutien déployées, qu’il s’agisse du chômage partiel ou du fonds de solidarité pour les indépendants.
Les indépendants en solo y sont nombreux.
⇒ Les métiers « au front » dans la crise (10,4 millions)
Ce sont des professions dont l’activité est en première ligne pour répondre à l’urgence sanitaire, aux besoins de première nécessité ou pour assurer le fonctionnement des services publics. Peu vulnérables économiquement, ces métiers sont pour la plupart soumis à un risque infectieux par leur contact direct avec le public (73% font habituellement face aux usagers, clients ou patients).
Excepté les médecins, les enseignants et les métiers régaliens, ces métiers ont également en commun d’être rémunérés à un niveau proche ou inférieur au salaire médian.
Dans ces métiers souvent féminins (65%), les parents isolés sont nombreux, ce qui renforce les difficultés à concilier la garde des enfants et un rythme de travail intense.
Cette singularité professionnelle est susceptible d’aggraver des conditions de travail déjà jugées difficiles par certains professionnels, avec une part des horaires atypiques plus élevée que la moyenne et une charge mentale forte, notamment parmi les professions de santé et d’éducation. Ces professionnels travaillent plus fréquemment le week-end, le soir ou la nuit et sont davantage salariés en CDI ou exercent en professions libérales.
Par ailleurs, malgré la fermeture de leur lieu de travail, les professionnels de l’enseignement et de la formation ont pu mettre en place des modes d’organisation du travail alternatifs pour assurer la continuité de leur activité.
⇒ Des métiers de cadres (3,9 millions)
Ils sont confrontés à l’hyperconnectivité et à l’intensification du travail, mais exposés à un risque économique faible notamment du fait de leur capacité à travailler à distance en mobilisant les outils numériques (38% travaillent habituellement à leur domicile contre 20% dans l’ensemble des métiers) et leur statut d’emploi (près de 90% sont en CDI ou indépendants avec salariés).
Le télétravail des cadres peut être subi et, en ce sens, occasionner une réorganisation du travail. Ils peuvent être sollicités pour adapter l’organisation de l’entreprise aux mesures de confinement et faciliter ainsi la reprise d’activité (mise en place du télétravail, communication interne, mesures de sécurité et d’hygiène, etc.).
La difficulté d’organiser cet effort collectif à distance et la tendance à l’hyperconnectivité pour répondre aux urgences exposent les cadres à une dégradation de leurs conditions de travail, aggravée par la difficulté à concilier vie familiale et vie professionnelle. Avant même le confinement, 81% des cadres déclaraient avoir des quantités de travail excessives, contre 64% pour l’ensemble des professions. Ils étaient également près de la moitié à déclarer devoir travailler sous pression (50% contre 34% pour l’ensemble des professions)
⇒Des métiers économiquement préservés mais parfois contraints à l’inactivité partielle
Certaines professions intermédiaires ou métiers d’employés qualifiés ne se retrouvent pas dans les groupes précédents. Ils ont un risque faible ou modéré de perte d’emploi, qu’ils soient en partie mobilisés dans la crise (professions intermédiaires administratives de la fonction publique, employés et techniciens de la banque et des assurances), qu’ils exercent des métiers très transversaux à toutes les entreprises (employés de la comptabilité, techniciens de l’informatique ou des services administratifs et financiers, secrétaires ou secrétaires de direction, attachés commerciaux ou représentants) ou qu’ils soient protégés par le salariat en CDI, qui les prémunit d’un licenciement à court terme.
Métiers jeunes de début de carrière, leur salaire médian est légèrement au-dessus du celui de l’ensemble des professions et ils travaillent moins à distance que les cadres. Exerçant des fonctions support ou de management intermédiaire, ils sont dépendants de leurs collectifs de travail.
Le travail à distance et la mobilisation d’outils numériques pendant le confinement pourraient également imposer une mise à niveau des compétences numériques de ces métiers.
Pour en savoir davantage : https://www.strategie.gouv.fr/publications/metiers-temps-corona