Un premier point sur la loi Pacte.


"Comité de suivi et d’évaluation de la loi PACTE", France Stratégie,rapport du comité Impact, décembre 2019

La loi Pacte prévoit la mise en place d’un « dispositif de suivi et d’évaluation » (chapitre V, article 221-II). La lettre de mission du Premier ministre du 31 juillet 2019 adressée au commissaire général de France Stratégie établit ce comité, et en définit la composition1. Le comité comporte « un représentant de chacun des huit partenaires sociaux représentatifs, de neuf administrations et organismes publics (Dares, DGFiP, DGE, Insee, DSS, DGT, DG Trésor, Acoss et Banque de France), ainsi que trois experts issus du monde académique ». La présidence du comité est confiée à Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie.

 

23 thématiques sont évaluées ou font l’objet d’un point d’avancée. Je n’en rependrais qu’une partie d’entre eux. Le document précise les échéances et les modalités de mesure pour évaluer.

 

⇒ GUICHET ET REGISTRE UNIQUES 

Il s’agit de la création d’un organe et d’un registre uniques des formalités administratives des entreprises et leurs effets sur la facilitation de la vie des entreprises.

 

Sur l’ensemble du territoire national, 1 400 CFE traitent chaque année près de 4 millions de formalités, dont environ 30% concernent la création, 55% la modification et 15% la radiation. 800 000 entreprises sont enregistrées sur plusieurs registres (notamment doublons sur les RCS et RM)

Hors les microentreprises, seules 39% des entreprises ont été créées en ligne en 2016 (très concentré sur les microentreprises) mais au global ne compte que 3% des formalités.

 

Un guichet unique électronique se substituera progressivement, de 2021 à 2023, aux 7 actuels réseaux de centres de formalités des entreprises (CFE). Il sera l’unique interface pour les formalités, quelles que soient l’activité et la forme juridique de l’entreprise. En outre, un registre général unique centralisera et diffusera les informations relatives aux entreprises (identification, siège, état, tranche d’effectifs, etc.). Il regroupera les informations contenues dans le registre national du commerce et des sociétés, au répertoire national des métiers et au registre des actifs agricoles. Ces informations seront accessibles à tous sur une plateforme en ligne unique.

Mise en œuvre : avant le 1er janvier 2021 pour l’organe unique ; avant le 23 mai 2023 pour le registre.

 

⇒ ENTREPRISES INDIVIDUELLES À RESPONSABILITÉ LIMITÉE

 

Le statut de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) a été peu adopté par les entrepreneurs individuels. Entre 2010 et 2012, seulement 10 000 EIRL ont été déclarées, pour un total de 270 000 entreprises individuelles (hors micro-entrepreneurs).

 

Ce statut offre pourtant la possibilité aux entrepreneurs individuels de limiter l’étendue de leur responsabilité en constituant un patrimoine d’affectation, dédié à leur activité professionnelle, sans constituer de société. Il sera possible de constituer une EIRL avec un patrimoine d’affectation nul.

 

Le nombre d’EIRL, créées ou transformées, sera suivi en stock et en flux à partir du registre spécial des EIRL, constitué à partir des informations collectées auprès des greffes des tribunaux de commerce. Cependant, le système d’information permettant de centraliser ces données n’existe pas; il est à créer.

 

⇒ SIMPLIFICATION DES SEUILS

 

Les seuils d’effectifs salariés constituaient un environnement juridique assez complexe : au croisement de 13 codes et législations, on comptait 49 niveaux de seuil, soit 199 configurations réglementaires et fiscales.

 

Les seuils viennent d’être regroupés au 1er janvier 2020 sur les niveaux de 11, 50, 250 salariés;  plusieurs seuils sont rehaussés : pour la contribution au Fonds national d’aide au logement à 0,10 % (Fnal), le seuil passe de moins de 20 salariés à moins de 50 salariés ; pour le règlement intérieur de l’entreprise, le seuil passe de 20 salariés ou plus à 50 salariés ou plus. De plus, un seuil d’effectif sera franchi uniquement lorsque celui-ci aura été atteint pendant 5 années consécutives.

 

⇒ PEA-PME

 

Introduit par la loi de finances pour 2014, et jouissant d’un traitement fiscal similaire à celui du plan d’épargne en actions (PEA), le PEA-PME (ou PEA-PME-ETI) cible plus particulièrement les financements en fonds propres des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI).

 

S’ils progressent rapidement (+ 60 % par an depuis 2016), les PEA-PME restent relativement marginaux : en 2018, les 206 000 PEA-PME correspondent à un encours de 1,1Md€ environ, relativement aux 6,1 millions de PEA et un encours autour de 85,8Md€.

 

Le plafond du PEA PME-ETI passera de 75 000  à 225 000€, tandis que le plafond du PEA sera maintenu à 150 000€. L’enveloppe globale du PEA / PEAPME restera à 225 000€ mais avec désormais la possibilité de moduler la répartition des versements en numéraire entre ces deux plans. Les instruments de dettes (titres participatifs, obligations à taux fixe, mini bons) commercialisés par les plateformes de financement participatif ainsi que les obligations remboursables en actions non cotées pourront désormais, sous certains plafonnements, être logés dans un PEA-PME. (textes en cours fin décembre 2019).

 

⇒ OPPOSITION AUX BREVETS

 

l’INPI instruit et délivre les différents titres de propriété industrielle. En 2018, il a ainsi enregistré 16 222 demandes de brevets d’invention – on en dénombre plus de 3 millions à l’échelle mondiale –, 95 419 dépôts de marques et 5 757 dessins ou modèles. Pour les inventions à durée de vie courte, il est également possible de demander un certificat d’utilité. Ce titre de propriété industrielle délivré par l’INPI donne, comme le brevet, un monopole d’exploitation sur une invention, mais pour une période maximale de 6 ans, au lieu de 20 ans pour le brevet.

 

Si l’action en nullité, pour tenter de faire annuler un brevet auprès du tribunal de grande instance, est possible tout au long de la vie du brevet, elle constitue une procédure judiciaire souvent longue et coûteuse . En France, le taux moyen d’action en nullité pour les brevets est faible – moins de 40 procédures par an, contre environ 200 en Allemagne – tandis que seules 21% des PME ont déposé au moins une demande de brevet (contre 57% pour les grands groupes); en outre, les PME françaises déposent quatre fois moins de brevets que les PME allemandes.

 

Les mesures apportent trois principaux changements :

– une nouvelle procédure d’opposition aux brevets délivrés devant l’INPI sera créée. Elle a pour but d’écarter les brevets de faible qualité, notamment ceux dépourvus d’inventivité,

– sera créée une demande provisoire de brevet auprès de l’INPI pour une durée d’un an. Le déposant pourra se prévaloir d’une date de priorité et détailler ultérieurement ses revendications. Si le traitement de la demande ne correspond pas aux attentes du déposant, celui-ci peut choisir de l’abandonner au terme du délai d’un an, sans aucune formalité et divulgation aux tiers,

– le certificat d’utilité verra sa durée allongée de six à dix ans, et pourra désormais être transformé en brevet d’invention.

Textes d’application attendus avant fin février 2020.

 

⇒ FONDS POUR L’INNOVATION ET L’INDUSTRIE

 

Le Fonds pour l’innovation et l’industrie (FII), lancé le 15 janvier 2018, consiste en un ensemble d’actifs de 10Md€ dont a été doté Bpifrance. Actuellement, le Fonds est constitué de 1,6Md€ en numéraire, issus des cessions en 2017 d’actifs Renault et ENGIE et de 8,4Md€ en titres de participations publiques chez Thales et EDF. Ce fonds vise à promouvoir les technologies de rupture comme l’intelligence artificielle, la nanoélectronique, ou encore le stockage d’énergie.

 

Les 10Md€ d’actifs seront sanctuarisés : ils ne seront pas consommés mais placés pour générer un rendement annuel estimé entre 200 et 250M€. Il servira au financement de dispositifs de soutien à l’innovation de rupture.

Mise en œuvre immédiate.

 

⇒ INTÉRESSEMENT ET PARTICIPATION

 

Selon les derniers chiffres de la Dares, 50% des salariés du secteur marchand non agricole ont en 2017 eu accès à au moins un dispositif de participation, d’intéressement ou d’épargne salariale ; 7,5 millions de ces salariés ont ainsi bénéficié en 2017 d’une prime de participation, d’une prime d’intéressement ou d’un abondement de l’employeur sur un plan d’épargne entreprise ou un plan d’épargne retraite collectif. Le plan d’épargne entreprise, qui couvre 42,8% des salariés et sert de support principal de versement des primes de participation et d’intéressement, demeure le plus répandu des dispositifs. Près de 19Md€ ont été distribués au titre de l’année 2017 par les entreprises : dans les entreprises de 10 salariés ou plus, ces compléments de rémunération représentent un montant moyen de 2 512€ en 2017 (+ 6,4% à champ constant, après + 2% en 2016).

 

Il s’agit de lever les freins à la diffusion de l’épargne salariale, à savoir la complexité de la mise en place des accords, l’absence de services juridiques spécialisés, la faible lisibilité du cadre juridique et l’incertitude sur la stabilité de la norme de prélèvement social et favoriser la croissance des volumes avec la baisse du forfait social.  

Applicabilité immédiate.

 

⇒ ACTIONNARIAT SALARIÉ

 

Il peut aujourd’hui se matérialiser par une participation directe des salariés au capital de l’entreprise, notamment sous la forme d’attributions d’actions gratuites (AGA) et de bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE), ou par la détention de parts de fonds d’actionnariat salarié (FCPE) via un Plan d’épargne en entreprise (PEE).

 

En ce qui concerne les PEE, les versements totaux (nets de CRG et de CRDS) se sont élevés en 2017 à 9,26Md€ (+ 9% par rapport à 2016) et ont bénéficié à 2,3 millions des 4 millions de salariés ayant épargné dans un PEE, soit un montant moyen de 670€ par bénéficiaire. En outre, le PEE est depuis 2012 le dispositif le plus répandu (46,3% des salariés couverts en 2016) et ce, notamment parce qu’il sert de support aux autres dispositifs (69% des sommes versées sur les PEE proviennent de la participation et de l’intéressement). Dans les entreprises de 10 salariés ou plus, parmi les 55% de salariés qui détiennent un PEE, plus de la moitié y effectue des versements en 2016 (54,2%, après 52,5% en 2015), pour un montant moyen de 2 424€. Près de 9,3Md€ sont investis sur un PEE en 2016 dans les entreprises de 10 salariés ou plus (+ 9% par rapport à 2015). 

 

L’objectif est de consolider l’actionnariat salarié et de renforcer la participation des actionnaires salariés à la gouvernance de leurs entreprises.

Applicabilité immédiate.

 

⇒ ADMINISTRATEURS SALARIÉS

 

La représentation des salariés non actionnaires dans les conseils d’administration (ou de surveillance) devient également obligatoire dès 2013 pour les grandes entreprises. Cette représentation est renforcée en 2015. Les SA et les SCA qui, avec leurs filiales directes ou indirectes, emploient à la clôture de deux exercices consécutifs au moins 1 000 salariés en France ou au moins 5 000 au niveau mondial, doivent désigner un ou deux administrateurs salariés pour siéger au conseil d’administration ou de surveillance. Les administrateurs représentant les salariés sont élus par les salariés ou désignés (par le comité d’entreprise ou par l’organisation syndicale la plus représentative, etc.) et ils peuvent bénéficier d’une formation d’au moins 20 heures adaptée à l’exercice de leur mandat, et de 15 heures de temps à la préparation des réunions du conseil d’administration ou du conseil de surveillance. 

 

À la suite de rapport Notat-Sénard, les principales finalités exprimées lors des débats parlementaires ont été les suivantes : renforcer la présence d’administrateurs représentant les salariés dans les conseils d’administration et de surveillance des grandes sociétés ; donner ainsi plus de voix à la diversité des opinions et à la connaissance du métier des salariés ; mieux concilier les intérêts de ces derniers avec ceux de l’entreprise.

Applicabilité immédiate.

 

Pour en savoir davantage : https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-rapport-loi-pacte-20decembre-2019.pdf