Méthodologie : la forme d’emploi est définie comme l’ensemble des caractéristiques permettant de définir, de repérer, de normer une relation de travail rémunérée (contrat, statut, obligations fiscales sociales attachées…).
L’ Apec a cherché au travers de cette étude à appréhender les trajectoires de cadres ayant expérimenté une nouvelle forme d’emploi afin de mettre en lumière les motifs et les conditions d’accès.
Si le CDI reste la norme (87% des salariés du secteur concurrentiel), après une forte régression au cours des années 1980-90, la part de l’emploi non salarié est en progression depuis 2008.
Si les cadres connaissent plutôt bien les différentes de travail (notamment les cadres sans emploi, entre 48 et 93%), ils les ont peu pratiqué (entre 3 et 7% pour les cadres en activité et entre 5 et 13% pour ceux sans activité).
Le microentrepreneuriat est de loin le mode qui bénéficie de la plus forte notoriété chez les cadres en poste (87% d’entre eux le connaissent) mais seulement 7% déclarent avoir exercé une activité sous ce régime, suivi par le portage (50% le connaissent, plus souvent chez les cadres de 50 ans et plus, ou ceux ayant récemment changé d’employeurs ou encore ceux occupant un poste dans la fonction informatique) et le travail partagé entre plusieurs employeurs.
Ce qui favorise le changement vers une nouvelle forme d’emploi :
La majorité de l’échantillon interrogé s’est tournée vers une nouvelle forme d’emploi, notamment sous une forme entrepreneuriale, à la recherche d’un mode de production alternatif au salariat. Quelles raisons conduisent à ces choix ?
-La volonté de (re)devenir acteur de ses temps professionnels et personnels : Il s’agit de restaurer de la flexibilité, d’avoir la possibilité de s’organiser différemment, même si, par ailleurs, la charge de travail peut être plus importante et plus chronophage. Ces aspirations sont partagées par l’ensemble des cadres interrogés.Toutefois, cette aspiration à un mode productif alternatif, plus souple mais également plus responsabilisant, n’est pas suffisante pour envisager de basculer sur une nouvelle forme d’emploi.
–La maturité professionnelle et un désir d’autonomie : dans un contexte professionnel estimé insatisfaisant (le sentiment de ne plus progresser dans leurs fonctions, de ne pas avoir de perspectives d’évolution métiers et ne plus partager la vision ou l’orientation stratégique de l’entreprise), la maturité des compétences professionnelles et la confiance dans leur expertise métier sont déterminants. L’entrepreneuriat peut répondre à ces aspirations.
-Un environnement sécurisé prégnant permettant le développement de leur projet : le soutien parental, en nature (hébergement, aide administrative…) ou financier pour les plus jeunes, la présence d’un conjoint actif salarié, le fait de ne pas avoir de charge familiale.
C’est souvent la conjonction de plusieurs de ces facteurs qui va favoriser le passage à l’acte.
Pour 1/3 des cadres interrogés, l’accès à ces nouvelles formes d’emploi et plus précisément l’entrée en entrepreneuriat, même sous statut salarié, n’est pas un choix de première intention. Plusieurs situations peuvent conduire à envisager une nouvelle forme d’emploi :
-Une rupture professionnelle subie : pour autant, ces cadres ne songeaient pas particulièrement à développer une activité en indépendance.
-Une insertion professionnelle difficile pour les jeunes actifs dans une logique d’adaptabilité. Les nouvelles formes d’emploi sont alors davantage perçues comme la matérialisation d’une précarisation générale des statuts et formes d’emploi qui fait écho aux difficultés d’insertion sur le marché de l’emploi.
Un besoin d’informations et de conseils personnalisés
Les plus experts dans leur recherche ont exploité l’ensemble des sites gouvernementaux, institutionnels et « communautaires » (forum d’autoentrepreneurs ou propres au secteur numérique). La plupart ont recours à leur cercle de proches, familles et amis, voire leurs connaissances, pour obtenir des précisions en matière comptable essentiellement (déclaration du chiffre d’activité, suivi de la comptabilité).
Hors autoentrepreneuriat, les autres formes d’emploi (portage, CAE, groupement d’employeurs) sont peu connues et ne font pas véritablement l’objet d’une recherche approfondie d’information. Les cadres en portage ont le plus souvent opté à la suite de la recommandation d’un collègue ou d’un ami. Les cadres en coopérative d’activité, quant à eux, ont été le plus souvent orientés par les services de l’emploi dans le cadre d’un accompagnement au retour à l’emploi.
Le manque d’opérationnalité et de personnalisation de l’information est souligné par les personnes interrogées. Plus qu’une recherche d’information au sens strict, les cadres sont en attente d’une information « orientée », « d’un accompagnement de l’information » et très rapidement d’un accompagnement personnalisé qui puissent faire cheminer leur projet.
Les types de positionnement :
L’entrepreneuriat
Une posture entrepreneuriale souvent inspirée par l’entourage proche familial et amical.
Si le statut simplifié de la microentreprise a pu inciter à la réflexion et à la concrétisation de la démarche entrepreneuriale, l’influence familiale est majeure. La connaissance des difficultés rencontrées par leurs parents (horaires étendus, revenus parfois faibles…) ne semble pas avoir découragé les vocations.
Hors modèles familiaux, l’inspiration des plus jeunes semble également portée par un effet générationnel d’une jeunesse acculturée dans une certaine mesure à « l’ubérisation » des comportements dans les modes de consommation (plateforme d’échanges de services, de biens) mais également de production.
Une faible préoccupation des questions de protection :
Le niveau de protection sociale (santé, chômage, retraite) attachée au statut entre relativement peu en ligne de compte. Cette faible préoccupation s’explique par les différentes postures: soit le projet est vécu comme un test ou comme une transition vers un autre statut et les questions de protection sont occultées par l’urgence à créer son activité. soit, le projet est limité à un complément d’activité et dans ce cas, la protection est assurée par une activité principale sous statut salarié.
En fait 3 profils types ont été répertoriés : celui d’une modalité d’optimisation salariale (en complément de l’activité salarié ou pour saisir une opportunité qui peut être temporaire), celui d’un sas vers une création classique, ou un temps d’attente voire d’indécision.
Le portage salarial et la coopérative d’activité
Aucun des cadres interrogés ne s’inscrit véritablement dans une démarche entrepreneuriale. Certains cadres vivent le portage davantage sur le mode salariat, se présentant comme salariés de la société de portage et ne valorisant que peu leur posture d’indépendants.
Toutefois, les salariés « coopérants » semblent plus sensibles à la démarche entrepreneuriale. En raison de l’accompagnement « resserré », certains projets sont effectivement rapidement mis à l’épreuve de l’engagement de l’entrepreneur, de la viabilité du projet et de son potentiel de développement. Les salariés « coopérants » soulignent la pertinence des conseils, l’adéquation de la structure à leur secteur et projet.
2 profils sont rencontrés : un portage d’opportunité (cadre expert, recherche de flexibilité…) et le portage par défaut (fin de carrière, suite à une période de transition).
La pluriactivité et le temps partagé
La majorité des cadres interrogés, et plus particulièrement ceux en microentreprise, se trouvent de fait en situation de pluriactivité (exercice simultané d’une activité salariée et d’une activité indépendante, ou exercice simultané de plusieurs activités indépendantes).
Travailler en temps partagé requiert certaines compétences : capacités à exercer une activité en mode multiprojet, à gérer la multiplicité des relations travail/clients, tout en maintenant une activité de prospection pour garantir la poursuite de l’activité pour les indépendants.
La notion de temps partagé s’incarne plus particulièrement au sein de structures comme les groupements d’employeurs ou les entreprises de travail à temps partagé (ETTP).
Pour les cadres en groupement d’employeurs, exercer dans ce type de structure s’inscrit dans un temps de transition professionnelle où un complément d’activité est recherché (complément d’un temps partiel, complément d’activité dans un autre secteur…). Ces derniers mettent en avant de nombreux avantages : la sécurisation de l’activité, la diversité des missions dans les différentes entreprises ou encore la simplicité des relations administratives. Mais ils évoquent également un certain isolement dans la relation de travail (peu intégrés au collectif de travail de l’entreprise accueillante, peu ou pas de lien avec les autres membres du groupement…).
“Au final, très peu de cadres interrogés formulent l’idée de revenir à un emploi salarié « classique » en CDI, y compris ceux n’ayant pas opté en premier lieu pour ces formes d’emploi. A minima, le bénéfice d’une autonomie dans l’organisation des temps et pour certains, le goût pour l’entrepreneuriat et l’indépendance, marquent sensiblement le parcours de ces cadres.
L’appétence entrepreneuriale des cadres interrogés apparaît en effet relativement marquée. Développer et porter son projet, concrétiser ses aspirations, ses valeurs sont autant de facteurs d’attractivité de ces nouvelles formes d’emploi pour les cadres.
Cependant, cette bascule vers une nouvelle forme d’emploi se matérialise dans un contexte propice. La maturité professionnelle, une expertise et une sécurisation du risque par l’appui de l’entourage proche (parent, conjoint) en sont les principales composantes. En outre, la majorité des cadres interrogés souligne la nécessaire adaptation des questions de protection attachées aux différents statuts. Si le salariat n’est pas ou plus recherché par les cadres, les protections liées à ce statut le sont beaucoup plus.