Evolution des pratiques culturelles des français en 35 ans : une place plus affirmée des femmes et des seniors et un recours accru du fait de la scolarisation


« Pratiques culturelles, 1973-2008, dynamiques générationnelles et pesanteurs sociales », Culture études 2011-7 du ministère de la culture, décembre 2011

Quelles pratiques ?

 

1973

1981

1988

1997

2008

Observations (2008 au regard de 1973

La télévision

 

Regardent la TV tous les jours ou presque

65

69

73

77

87

En hausse +34%

Durée moyenne en hres d’écoute par semaine

16

16

20

22

21

En hausse +31%

La radio

 

Ecoutent la radio tous les jours ou presque

72

72

66

69

67

En baisse de 7%

Durée moyenne en hres d’écoute par semaine

17

16

18

17

15

En baisse

La musique

 

Ecoutent tous les jours ou presque (hors radio)

9

19

21

27

34

En forte hausse

L’écrit

 

Lisent un quotidien tous les jours ou presque

55

46

43

36

29

En forte baisse de presque moitié

Ont lu au moins 10 livres dans l’année

45

44

42

36

31

En forte baisse (1/3 en moins)

Pratique amateur

Musique ou chant

5

5

8

10

8

Tendance à la hausse

Activité artistique autre que musique

11

13

17

23

22

Doublement au regard de 1973

Cinéma

Au moins 3 fois dans l’année

39

35

34

36

40

Sans trop de changement

Ont assisté à un spectacle de

Théâtre

12

10

14

16

19

En hausse

Music-hall, variétés

11

10

10

10

11

Stable

Cirque

11

10

9

13

14

En hausse

Spectacle d’amateurs

10

12

14

20

21

En nette hausse

Concert de musique classique

7

7

9

9

7

Stable

Concert de rock, de jazz

6

10

13

13

14

En hausse

Musée et expositions

Musée

27

30

30

33

30

Stable

Exposition temporaire (peintures…)

19

21

23

25

24

En hausse

Quelques commentaires sur chaque pratique et les populations utilisatrices de chaque type de pratique :

 

  • Le temps consacré à la TV s’est développé avec la réduction du temps de travail, et la hausse du chômage et du nombre de retraités et s’est atténué avec internet. Les plus de 60 ans sont ceux qui passent le plus de temps, alors que les 15-24 ans sont ceux qui y passent le moins de temps ; le temps passé décroit avec le niveau élevé de diplôme, et avec le fait d’être parisien intra-muros

  • Le temps consacré à la musique s’est beaucoup accentué, notamment avec les baladeurs, les MP3 et le numérique. Ces fortes évolutions s’expliquent par la diversification de l’offre et des facilités d’accès. Son écoute s’est largement diffusée parmi tous les types de population, moins toutefois pour les plus utilisateurs (les jeunes, les plus diplômés, les parisiens)

  • La croissance de l’audio et du visuel s’est accompagné d’une chute du recours à l’écrit, malgré la hausse du niveau de diplôme de la population :

La baisse des journaux est moindre pour les seniors, les ruraux et les habitants des petites agglomérations ; en ce qui concerne les autres populations, leur avancement en âge ne les amène pas à lire davantage ; les diplômés plus jeunes se sont orientés vers internet et la diversification des magazines.

La baisse de la lecture de livres touche les plus fervents lecteurs devenus moyens lecteurs, les hommes rendant la pratique de la lecture plus féminine ; cet abandon progressif date du début des années 80. Les jeunes, les lecteurs les plus assidus dans les années 70, ont été rattrapés par les seniors qui comptent autant de lecteurs. Les plus diplômés ont perdu beaucoup de lecteurs assidus, résistant toutefois mieux que la moyenne ; la progression de la fréquentation des bibliothèques est entièrement due aux femmes (leur taux de progression a doublé en 35 ans) ; celles-ci sont plus diplômées que les hommes (plus habituées qu’eux à travailler en bibliothèque lors de leur vie étudiante) et plus en charge des activités périscolaires des enfants.

  • La hausse des pratiques amateur, malgré un tassement au cours de la dernière décennie

Une nette progression avant l’arrivée des ordinateurs, puis un arrêt du fait des nouvelles formes de production proposées par le numérique ; par ailleurs, un net mouvement de féminisation ; toutefois, le taux de pratique des 15-24 ans demeure nettement supérieur à celui des autres âges (mais abandon relatif lors de leur entrée dans l’âge adulte), même s’ils sont en progression y compris chez les seniors.

  • La hausse de la fréquentation des établissements culturels malgré la hausse des équipements TV, audio, informatique.

« Sortir le soir » dans les années 70 était le fait de la jeunesse, une situation qui s’est fortement transformée au fil du temps (notamment chez les 40-59 ans et chez les plus de 60 ans), alors que paradoxalement la culture à domicile progressait tout autant ; ceci est à rapprocher de l’allongement du temps des études, de la mobilité croissante, de l’urbanisation des modes de vie, du développement des équipements culturels, de l’augmentation des temps libres.

La sortie au cinéma a beaucoup changé de public : des jeunes, à la pratique fréquente (notamment les hommes), mais en net recul une fois adulte, on passe à une pratique régulière des plus de 40 ans.

Le vieillissement des publics du spectacle vivant ; toutefois en ce qui concerne le théâtre, on constate une progression de la fréquentation des jeunes, et la redécouverte d’adultes dans la seconde partie de leur vie après un fort taux d’abandon lors de leur entrée dans la vie adulte. On retrouve ce même phénomène pour les spectacles de danse. Par contre, en ce qui concerne les concerts de musique classique, les plus de 40 ans y ont nettement progressé, notamment les plus de 60 ans et pas les jeunes ; au contraire les concerts de rock et de jazz ont connu une forte hausse de fréquentation par les 25-39 ans puis les 40-59 ans, les plus jeunes préférant les concerts électro, rap.

 

En définitive, on constate une féminisation, un vieillissement du fait du poids de seniors plus présents dans la population et désormais habitués aux sorties, une hausse aussi due à la scolarisation et aux aménagements culturels sur les territoires.

 

Les visites des musées et des expositions suivent les tendances du spectacle vivant, avec trois particularités, celle de se faire à l’occasion d’un déplacement, celle de se faire en journée et celle de se faire souvent en famille ; la fréquentation des plus de 60 ans s’est nettement accrue (de 22 à 35% en 35 ans).

Ceci étant, en 35 ans, la continuité l’emporte largement sur le changement, surtout si l’on intègre l’évolution de la scolarisation et la montée en puissance des équipements culturels ; la persistance des fortes inégalités sociales et territoriales demeure.

 

Trois moteurs de changement toutefois :

chaque fois qu’il y a changement, il est initié par la génération montante avant d’être amplifiée par les autres ; cette génération conserve en vieillissant une grande partie des habitudes acquises dans sa jeunesse.

-Le progrès de la scolarisation, dont les femmes ont été les principales bénéficiaires, ont accompagné une féminisation des pratiques culturelles.

-La fréquentation en hausse des seniors (le nombre des retraités en hausse, l’habitude de sortie et une espérance de vie en hausse) et le fait que de plus en plus d’adultes retrouvent, parfois à un âge avancé, des conditions de vie proches de celles de la postadolescence, du fait des transformations de la vie de couple et de l’augmentation du nombre de séparations (célibataires, divorcés, personnes en couple vivant séparément, etc.), autant de situations qui, aujourd’hui, peuvent conduire à prolonger ou à renouer avec un mode de loisir juvénile, avec des niveaux élevés de sociabilité amicale ou de sorties culturelles.