Méthodologie : la population est constituée des unités légales de moins de 8 ans en 2018 répertoriées au moins une fois dans le fichier approché des résultats du dispositif Ésane (FARE) entre 2015 et 2018. Les entreprises individuelles sont exclues de la population toute comme les filiales de groupe étranger ainsi que les entreprises appartenant à un groupe français lorsqu’elles ne sont ni tête de groupe, ni centre de décision.
L’étude permet de cerner mieux ce que sont les 3 types de start-up, tout en ne pouvant chiffrer avec certitude leur rôle dans l’évolution des emplois. Par contre l’accent est mis sur leurs difficultés spécifiques de recrutement.
⇒ La définition de la start-up
En 2021, la notion de « start-up » échappe encore à une définition statistique consensuelle. Ce n’est qu’en 1987 que le terme « start-up » est traduit en français par « gazelle », qui désigne alors de jeunes entreprises en croissance rapide. Le concept a évolué depuis. En plus d’une entreprise nouvelle avec un haut potentiel de croissance de son chiffre d’affaires, la notion caractérise aussi une entreprise qui porte un projet innovant ou qui lève des fonds.
Ainsi une start-up peut être considérée comme une entreprise nouvelle qui porte un projet innovant, avec un potentiel de croissance de son chiffre d’affaires.
⇒ 4 populations d’entreprises ont ainsi été identifiées, dont 3 relatives au concept de start-up :
-Les jeunes entreprises : entreprises sous forme de société de moins de 8 ans en 2018 (âge moyen de 2,9 ans), au nombre de 1,1 million et 1,5 million d’emploi (en EQTP), 3 emplois en moyenne par entreprise ; 95% sont des TPE.
– Les gazelles : entreprises de moins de 8 ans (âge moyen de 5,2 ans), ayant 10 équivalents temps plein en 2015 et un taux de croissance annuel moyen de leur chiffre d’affaires supérieur à 20% entre 2015 et 2018, au nombre de 1 600 et 75 400 emplois (49 en moyenne par entreprise). 88% sont des PME et 3% des ETI ou grandes entreprises.
-Les entreprises ayant levé des fonds : entreprises de moins de 8 ans (âge moyen de 4,2 ans) dont le capital social est inférieur à 100 000€ en 2015 et supérieur à 200 000 € en 2018, au nombre de 6 000, avec 40 000 emplois (en moyenne 12 emplois par entreprise). 66% sont des TPE et 32% des PME.
-Les entreprises innovantes : entreprises de moins de 8 ans (âge moyen de 3,5 ans), ayant reçu une aide à l’innovation ou à la R & D au moins une fois depuis leur création, au nombre de 13 000, avec 114 00 emplois (en moyenne 12 emplois par entreprise). 82% sont des TPE et 17% des PME.
L’Insee recense 15 000 entreprises en forte croissance (10% de croissance annuelle moyenne des salariés) en 2015. Le baromètre EY du capital-risque en France enregistre 736 start-up ayant levé des fonds en 2019. Enfin, le dispositif JEI compte en 2019 près de 3 900 bénéficiaires.
Il y aurait entre 9 500 et 17 000 start-up en France, suivant les sources. L’étude en retient 13 000.
Les 4 types d’entreprise se recoupent : les entreprises innovantes comptent 19% de gazelles et 17% d’entreprises qui ont levé des fonds. Les entreprises qui ont levé des fonds ont en leur sein 8% de gazelles et 7% d’innovantes. Les gazelles ont 2% d’entreprises ayant levé des fonds et 2% d’entreprises innovantes. Les jeunes entreprises n’ont quasiment pas recours aux dispositifs d’aide à la R & D et à l’innovation (1%).
⇒ Les activités de ces entreprises
Les services aux entreprises se retrouvent à proximité dans les 4 types d’entreprises (entre 22 et 27% et 34% pour les entreprises innovantes).
Les jeunes entreprises et les gazelles cumulent 2 principaux secteurs d’activité, le commerce, les HCR et transport d’une part et les services aux entreprises d’autre part (un cumul de 54 à 57%). Les entreprises qui ont levé des fonds sont localisées dans les activités financières et assurance (31%) et les services aux entreprises. Les innovantes le sont d’abord dans l’informatique-communication (40%) et les services aux entreprises (34%).
Contrairement à son voisin allemand, ou aux États-Unis, la France dispose d’un écosystème encore très concentré sur une seule région, l’Île-deFrance (30% de leurs unités et même 40% pour les entreprises innovantes).
⇒ L’Emploi
♦ L’emploi en termes de flux
Aux États-Unis, les jeunes entreprises jouent un rôle essentiel dans la dynamique de création d’emplois : lieu de destructions d’emplois en raison de leur taux de survie plus faible, l’intensité des création d’emplois y est la plus forte. En considérant les emplois créés et détruits au niveau des établissements, les auteurs estiment que les entreprises de plus de 10 ans et 500 salariés représentent 45% de l’emploi et 40% de la création d’emplois, tandis que les entreprises créées dans l’année représentent 20% de la création d’emplois pour seulement 3% de l’emploi total. Les entreprises de moins de 5 ans avec plus de 20 employés sont responsables, en moyenne de 37% de la création d’emplois.
en 2018, en France, ils sont 114 000 emplois dans les entreprises innovantes, 75 400 dans les gazelles, 40 000 dans les start-up levant des fonds, à comparer aux 1,5 million d’emplois dans les jeunes entreprises.
Une analyse de l’Insee sur les gazelles permet de dissocier croissances interne et externe, en prenant en compte les flux de salariés entre entreprises, montrant que 50% de l’emploi créé en France par des entreprises pérennes sur 10 ans provient des 5% les plus dynamiques, les gazelles. Une autre étude de l’Insee identifie, en 2015, 8,6% des entreprises de plus de 10 salariés comme à forte croissance (soit 15 000 entreprises, ont 1 200 gazelles, représentant 60 000 emplois).
Si les start-up créent plus d’emplois que les autres entreprises, le lien entre hypercroissance et performance de l’entreprise n’est pas clairement établi. Certains travaux établissent un lien entre la croissance rapide de l’emploi et plus fortes chances de survie de la jeune entreprise, notamment lorsque cette phase de croissance rapide survient tôt dans la vie de l’entreprise, alors que d’autres études, montrent qu’une forte croissance de départ ne garantit pas une viabilité à long terme.
Les effets positifs sur la croissance et l’emploi à long terme seraient plutôt réalisés par les quelques entreprises en hypercroissance initiale qui survivent à cette première phase. Plusieurs études empiriques montrent de surcroît qu’une période initiale de croissance rapide de l’emploi réduit finalement les chances de survie et conduit à une croissance de l’emploi plus faible et une plus forte rotation des employés. Une croissance plus modérée et étalée dans le temps serait alors garante d’emplois durables.
Pendant la crise sanitaire, les gazelles et les entreprises innovantes ont vu leur effectif salarié se réduire respectivement de 15 et 9% au premier trimestre de 2020, cette baisse ne perdure pas sur les 3 trimestres suivants, l’effectif des 4 populations stagne, signe que les start‑up semblent avoir gelé leurs embauches durant la crise sanitaire. Toutefois, les entreprises ayant levé des fonds en 2020, ont vu leur effectif croître, sans interruption de la dynamique déjà lancée les deux précédentes années.
♦ Le type de compétence recherché 2018
-L’univers des start-up se distingue par la diversité des intitulés de postes, difficiles à rattacher à des référentiels des métiers et des compétences plus largement partagés. De plus, le besoin renforcé de polyvalence pour les start-up naissantes, rend difficile la recherche.
Ce besoin de compétences transversales comme un critère primordial de recrutement se constate tout autant avec le développement des start-up.
Une étude récente de France Digitale2 dresse également le constat d’une « seniorisation » des besoins en compétences,
-L’exploitation de l’enquête FS-DGE auprès de 180 start-up innovantes donne un premier aperçu de leurs besoins en compétences : les métiers dits technologiques représentent 50% des intentions d’embauche pour l’année 2020-2021. L’analyse croisée entre catégories de métiers et taille d’entreprise fait apparaître ce fort besoin en compétences technologiques quel que soit le niveau de développement de la start-up : au minimum, pour les entreprises de 10 à 49 salariés, donc en phase intermédiaire, les métiers de la tech représentaient 44% des intentions d’embauche.
Les métiers commerciaux sont également recherchés, notamment celui de business developer (15% des intentions de recrutement), tout comme les chefs de produit (14%) ou les fonctions support administratif (5%). La commercialisation du produit ou du service créé devient en effet essentielle avec la croissance de la start-up.
Les métiers « tech » sont considérés par plus de 60% des répondants comme les plus difficiles à recruter avec le métier de développeur (40%).
♦ Les difficultés pour recruter
La pénurie de candidats provient d’un problème d’attractivité du fait de l’instabilité économique et l’incertitude qui découlent souvent de l’absence de modèle économique, mais aussi du manque de visibilité, les start-up recrutant principalement des personnes qui connaissent leur langage ( en 2019, 20% des candidats qui postulaient n’avaient pas compris soit l’intitulé du poste soit son descriptif ; 12% des personnes recrutées n’avaient pas compris les compétences qu’on attendait d’eux).
Autre difficulté, 68 % des start-up enquêtées estime que leur situation financière ne leur permet pas de recruter.
-L’inadéquation entre les attentes des entreprises et les candidats :
Les start-up ont des besoins en compétences techniques poussées que des entreprises classiques ; or pour 71% les profils des candidatures reçues ne convenaient pas à cause du manque de compétences techniques ; pour 58% les candidatures reçues ne sont pas assez nombreuses ; enfin pour 47% les compétences étaient insuffisantes.
La concurrence avec d’autres entreprises et une cause pour 33%.
Par ailleurs, les start-up sont vouées à croître beaucoup et vite : l’urgence (17%) et le volume des recrutements à effectuer en simultané (25%) pour des profils qui sont souvent en tension sur le marché du travail explique des difficultés accrues pour les start-up.
Le manque d’attractivité se traduit encore pour 25% par le fait que les candidats qui intéressent sont étrangers et ne souhaitent pas venir en France, pour 25% encore une rémunération trop faible, pour 17% la nature ou durée du contrat (CDD, intérim, stage, temps partiel), pour 17% le déficit d’image dont peut souffrir le secteur d’activité.
Malgré un discours de rupture quant aux modes d’organisation du travail, de management et de GRH, les difficultés de recrutement du fait d’une gestion des RH souvent impensée dans la construction de la start–up, sans oublier la construction d’un écosystème start-up sans passerelles avec le champ emploi-formation.
Les dirigeants de start-up en sont conscients : 46% déclarent avoir besoin d’accompagnement sur les enjeux RH pour réduire leurs difficultés notamment pour le recrutement, la maîtrise des bases de la fonction employeur et du droit du travail, le recrutement de collaborateurs venant de l’étranger, le développement professionnel des collaborateurs et leur fidélisation
♦ Les personnes ayant permis d’obtenir les candidatures les plus pertinentes sont par ordre décroissant :
La cooptation ou recommandation de personnes travaillant dans l’entreprise (plus de 50%), d’anciens collègues ou personnes connues dans des emplois différents (plus de 40%), les relations sur les réseaux sociaux (plus de 30%) et les clients, fournisseurs, prestataires ou concurrents (plus de 20%), peu les réseaux professionnels comme les chambres consulaires, les syndicats (moins de 20%).
♦ Le profil des effectifs en place
L’emploi en start-up est majoritairement masculin avec une part d’emplois occupés par des femmes relativement stable entre les populations de start-up : 35% chez les innovantes, 36% chez les entreprises ayant levé des fonds, 37% chez les gazelles et 38% chez les jeunes entreprises.
Le constat est aussi fait d’une sous-représentation des femmes en start-up, au regard des non start-up. Dans une étude de 2016 portant sur 375 entrepreneurs du programme d’accélération Numa recensait 81% de fondateurs hommes (par ailleurs 51% des fondateurs avaient moins de 30 ans ; 46% étaient passés par une grande école de commerce ou d’ingénieur).
Une autre étude de 2020 portant sur un échantillon de 501 entrepreneurs, dépeint un portrait similaire : 74 % d’hommes ; 56% sont issus d’écoles d’ingénieurs ou de commerce ; 20% ont un père indépendant et 53% un père cadre.
Les cadres sont surreprésentés : de 13% chez les jeunes entreprises, à 30% chez les gazelles et les entreprises ayant levé des fonds, et près de 50% dans les entreprises innovantes ; ces dernières ont un recours plus accru aux emplois d’encadrement que leurs homologues non start-up.
♦ Les types de contrat : les CDI (entre 54% pour les 1-9 salariés, 77% les 10-49 salariés et 91% au-delà) ; les 1-9 salariés ont davantage recours que les autres tailles au convention de stage (18% vs 5-3 pour les autres), au travail indépendant (17% vs 12 et 3), aux CDD ou intérim (6%, 2% pour les autres), l’apprentissage (6% vs 2).
Le recours au CDI : toutes catégories socioprofessionnelles confondues, les gazelles, les entreprises innovantes et celles levant des fonds ont un recours au CDI relativement similaire les unes aux autres (environ 84% de leur effectif salarié en ETP) ; néanmoins, les entreprises innovantes semblent chercher à fidéliser plus que les autres.
Ces trois populations de start‑up qui sont aussi les entreprises les plus dynamiques et les moins contraintes financièrement ont les taux de CDI de leurs cadres les plus élevés (91% de leurs effectifs cadres).
♦ Les rémunérations
Les jeunes entreprises ont un salaire brut moyen de 32 000€, contre 42 000€ pour les gazelles et 46 000€ pour les entreprises ayant levé des fonds et 51 000€ pour les entreprises innovantes.
A l’exception de leurs dirigeants qui se rémunèrent en moyenne autant qu’ailleurs, sur l’année les cadres gagnent en moyenne 1 500€ de moins que s’ils travaillaient dans des entreprises plus âgées (2 000€ pour les ingénieurs) ; les professions intermédiaires gagnent environ 1 100€ de moins (940€ pour les techniciens), les employés et ouvriers 700€ de moins. Toutefois, l’écart semble relativement moins important pour les salariés en CDI.
Les gazelles, les entreprises innovantes rémunèrent de façon moins inégalitaire leurs profils techniques et d’encadrement que leur population de référence (jeunes, non innovantes ou non gazelles).
Si au global, les entreprises innovantes accordent les mêmes niveaux de salaire que les jeunes non innovantes, en prenant en compte le type de contrat de travail, ces dernières passent dans la catégorie des entreprises qui valorisent mieux leurs salariés en CDI (en moyenne + 1 700€).
Noter que les cadres et ingénieurs en entreprises innovantes semblent moins bien rémunérés que chez les jeunes non innovantes ce qui semble accroître la probabilité pour les entreprises innovantes d’anticiper des difficultés de recrutement.
Pour les entreprises ayant levé des fonds, il existe un avantage salarial annuel brut de 4 500€ (4 900€ pour les salariés en CDI) ; cette moyenne est surtout tirée à la hausse par les niveaux de rémunérations accordées aux chefs d’entreprises salariés qui gagnent en moyenne 22 300€ de plus qu’ailleurs ; les cadres gagnent en moyenne 3 000€ de plus (et 2 500€ de plus s’ils sont en CDI), les employés et ouvriers 2 000€ de plus, les ingénieurs en CDI 2 300€ et les techniciens en CDI 1 700€ de plus.
♦ Les chiffres d’affaires
Les entreprises ayant levé des fonds ainsi que les entreprises innovantes ont des chiffres d’affaires moyens respectifs de 1,4M€ et 1,3M€ à comparer à celui des gazelles (7,6M€) et des jeunes entreprises (0,27M€). Les innovantes réalisent 20% de leur chiffre à l’export, vs 10% pour celles ayant levè des fonds et 8% pour les gazelles.
Noter que les entreprises ayant levé des fonds et les entreprises innovantes sont plus de la moitié à avoir un EBE négatif, autrement dit à ne pas être rentable.
Suivent des recommandations.
Pour en savoir davantage : L’emploi dans les start-up françaises | France Stratégie (strategie.gouv.fr)