Les réseaux sociaux en entreprise font de la résistance


"MODE COLLABORATIF OU COLLABORATIF À LA MODE ?", Institut de gestion sociale, chaire intelligence RH&RSE, parrainé par BDO, lu janvier 2017

Méthodologie :

-Questionnaire en ligne en septembre 2017; 1 206 répondants dont 32% appartenant à des entreprises de plus 5 000 salariés. 2 types de groupes de tailles différentes ont été analysés, en récoltant des données individuelles comme l’identité, le sexe, l’âge, le métier et l’entité du collaborateur et des données collectives telles que le nombre de groupes, le nombre de membres par groupe.

-Étude qualitative :  54 entretiens pour analyser les motivations aux comportements
des individus.

 

Les réseaux sociaux d’entreprise permettent à leurs utilisateurs de se créer un profil, de s’abonner à d’autres profils, et de partager des informations avec l’ensemble de leurs abonnés; les utilisateurs peuvent créer des groupes virtuels dont la création est libre. Aux salariés, les réseaux sociaux d’entreprise offrent des opportunités de visibilité : faire connaître ses missions et ses succès sur sa page personnelle, créer ou contribuer à des groupes thématiques, autant d’opportunités de donner à voir son expertise, pouvant servir de vitrines au service de leurs carrières et de leur mobilité interne.
Aux entreprises, les réseaux sociaux d’entreprise offrent une promesse plus ambitieuse : contribuer au développement de l’agilité des organisations et lutter contre la bureaucratie,et créer des écosystèmes collaboratifs nourris par la mise en relation de salariés confrontés aux
mêmes difficultés, le partage d’expériences et la mise en commun de solutions.  

2 types de groupes sont présents dans les réseaux sociaux d’entreprise : les groupes corporate (dédiés à la communication descendante des informations sur l’actualité de l’entreprise ou les RH) et les groupes métiers (destiné au partage collaboratif d’informations opérationnelles). Ce sont ces derniers qui ont été étudiés parce que les plus destinés à engendrer des modes de coordination par ajustement mutuel, créés et animés par des individus qui ne sont pas liés par une relation hiérarchique.

Les données ont été recueillies dans 2 grandes entreprises (effectif supérieur à 2000). L’ensemble des résultats présentés ci-dessous n’est pas significativement différent entre les deux entreprises.

 

Si les réseaux sociaux d’entreprise sont très présents au sein des grandes entreprises, ils ne demeurent que peu utilisés et largement dans un souci de légitimité hiérarchique, entachant la transformation transversale de l’entreprise.

 

58% des grandes entreprises françaises sont dotées d’un réseau social d’entreprise, 26% envisagent de s’en doter rapidement.

Si ces réseaux semblent être l’un des moyens privilégiés pour provoquer le partage des connaissances et la résolution des problèmes opérationnels directement entre pairs, leur taux d’utilisation demeure faible (les managers ne sont que 25% à les utiliser). Pourquoi ?

 

Au lieu de provoquer des connexions entre individus d’équipes variées, les réseaux sociaux d’entreprise se superposent aux canaux hiérarchiques existants; la structure virtuelle des réseaux sociaux d’entreprise est quasiment identique à celle de l’organisation hiérarchique : les managers créent des groupes dont sont membres, majoritairement, leurs équipes; rares sont les salariés qui viennent contribuer ou même adhérer aux groupes virtuels qui ne sont pas créés par leur propre manager.

 

Pourquoi ?

-Certains doutent de la qualité des informations qui circulent.

-Mais la raison principale concerne la légitimité, les salariés craignant d’être déloyaux s’ils contribuent à des groupes créés par d’autres managers que le leur ; ainsi les salariés sont 8,5 fois plus engagés dans les groupes créés par leur manager que dans les autres.

46% des groupes ont été crée par des managers; 76% des membres de groupes appartiennent à l’équipe du manager créateur du groupe et 87% des contributeurs appartiennent à l’équipe du manager créateur du groupe. 

-D’autres redoutent une évaluation latente de la qualité ou de la quantité de leurs contributions (crainte du jugement, de la surveillance).

 

Une typologie des utilisateurs des réseaux sociaux d’entreprise :

-Les passifs (48% de l’échantillon étudié) n’accordent aucune confiance aux réseaux sociaux d’entreprise, tant en matière de légitimité que d’efficacité. Ils ne contribuent que très rarement.

-Les réfractaires (29%), à l’opposé, redoutent des menaces liées à la légitimité (crainte du jugement et crainte de la surveillance).

Les adopteurs (17%) sont capables de faire cohabiter modes de coordination bureaucratiques et ajustement mutuel parce qu’ils ne craignent pas les menaces liées à la loyauté envers le manager. Ils sont les plus fréquents utilisateurs des réseaux sociaux d’entreprise.

Les tactiques (6%) n’attendent pas des réseaux sociaux d’entreprise qu’il développement leur performance. Ils leur accordent plutôt un rôle politique : ils les utilisent comme un phénomène à la mode, utile pour être bien vu plutôt que pour être efficace.