La diversité et le volontarisme des expériences et des évaluations conduites notamment aux USA et en Grande-Bretagne, ouvre des perspectives pour le traitement de nos quartiers défavorisés


La note d’analyse N° 249 du Centre d’Analyse Stratégique «Des “effets de quartier” à la politique de la ville, perspectives internationales »

Aux États-Unis et en Europe occidentale, les recherches sur les “effets de quartier”  visent à montrer en quoi le fait d’habiter un quartier donné, favorisé ou défavorisé, détermine les comportements individuels. Ces travaux permettent de confirmer une intuition : habiter dans un quartier défavorisé engendre des difficultés sanitaires, scolaires ou professionnelles. Ils montrent aussi que la diversification des liens sociaux pourrait avoir un impact positif sur le bien être et la mobilité économique, que le quartier soit favorisé ou non.

 

Cette analyse révèle l’importance de combiner quatre leviers politiques : développer une offre de logements accessible et équilibrée entre les territoires ; améliorer l’environnement des quartiers défavorisés ; promouvoir la mobilité des personnes vers des quartiers plus favorisés ; placer les habitants en situation de codécision dans les opérations de rénovation urbaine.  

 

Les travaux sur les effets de quartier sont presque inexistants en France, les chercheurs privilégiant l’analyse des déterminants socio-économiques par rapport aux facteurs spatiaux, alors qu’ils sont nombreux aux États-Unis, et en plein essor au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Suède et au Canada.  

 

Concernant les performances scolaires les études suggèrent qu’une partie non négligeable de l’échec scolaire pourrait s’expliquer par des effets de voisinage, au-delà des caractéristiques socio-économiques individuelles, l’échec et la pauvreté des uns entraînant l’insuccès des autres. Aux États-Unis, certains tentent d’expliquer ces phénomènes par la présence, ou l’absence dans le voisinage, d’adultes hautement qualifiés, susceptibles de présenter des modèles de réussite.

 

  Concernant les parcours professionnels, Ils tendent à montrer que les adultes en difficulté sur le marché du travail ou touchant de faibles revenus pourraient voir leur situation économique se dégrader lorsque leur présence se prolonge dans des quartiers à forte représentation de populations à bas revenus. Il semblerait que les caractéristiques liées au revenu soient plus déterminantes que les autres paramètres considérés.  

 

Concernant la délinquance, les enquêtes épidémiologiques établissent que cette perception pourrait conduire à des émotions négatives, telles que la honte et la perte de confiance en soi, et engendrer des problèmes de santé mentale et une moindre participation à la vie de la collectivité. Enfin, des enquêtes statistiques nord-américaines, développées depuis la fin des années 1990, ont établi une corrélation entre la délinquance et l’exposition à des pairs violents.

 

Concernant le bien-être : les rares études centrées sur les liens sociaux montrent que le quartier pourrait constituer une ressource pour les individus, que le voisinage soit favorisé ou non. À cet égard, elles révèlent à quel point les relations sociales développées dans le quartier peuvent déterminer le bien-être des habitants et la réussite de leur insertion socio-économique. Celle-ci suppose en effet la construction de liens diversifiés : d’une part, des liens forts noués avec des personnes susceptibles d’assurer un soutien durant les périodes difficiles ; d’autre part, des liens plus superficiels, développés en dehors du cercle immédiat des proches, permettant d’accéder à des sources d’information et des contacts complémentaires, utiles pour l’accès à l’emploi ou l’orientation des parcours scolaires.

Ce type de relations peut être tissé avec des personnes particulièrement investies dans la vie collective du quartier ou des acteurs institutionnels. Ainsi, il semblerait que ce soit la diversité des liens développés à l’échelle du voisinage qui crée chez les résidents une sensation de bien-être et de sécurité, voire un sentiment d’appartenance, et favorise la mobilité économique ascendante.  

 

Comment enrayer les effets de quartier négatifs ? La politique de la ville en France oscille entre un ciblage des habitants ou de l’habitat mais, à l’évidence, l’accent est largement mis sur le soutien aux lieux, avec une insistance sur la nature territoriale de la question sociale ; cette politique vise à compenser les conséquences territoriales de la concentration de la pauvreté (déqualification des services, diminution des possibilités d’emploi) en affectant des ressources spécifiques, dans une logique de “discrimination positive territoriale”, visant à donner plus aux territoires qui ont moins. D’un autre côté, la politique de la ville menée en France tend, pour l’essentiel des moyens mobilisés, à réduire les concentrations de pauvreté en changeant profondément la physionomie des quartiers, par la diversification des statuts d’occupation et le développement d’une offre de logements destinée aux classes moyennes.  

 

Les États-Unis pour leur part ont développé des programmes de mobilité résidentielle, l’objectif étant de faciliter le déménagement de ménages résidant dans des quartiers défavorisés vers des quartiers plus aisés grâce à l’attribution, par le gouvernement local ou fédéral, d’une allocation permettant de couvrir une partie des charges locatives. Au regard des évaluations disponibles, il semblerait que les quartiers de destination soient certes un peu plus aisés, mais dans l’ensemble défavorisés ; il n’y aurait presque aucune différence observée en ce qui concerne l’évolution des revenus, les performances scolaires, le chômage ou le recours à l’assistance sociale. En outre, les évaluations plus qualitatives révèlent des difficultés d’insertion dans le nouveau quartier. Pour ces raisons, beaucoup de familles seraient même revenues dans leur quartier d’origine ou dans des quartiers similaires au bout de quelques années  

 

Les politiques de développement Communautaire : un Complément indispensable ? À mi-chemin entre le traitement des lieux et le soutien aux personnes, les démarches de développement communautaire menées dans les pays anglo-saxons, peu développées en France, tendent à promouvoir le bien-être des habitants des quartiers pauvres et leur perception de l’environnement. Il s’agit de promouvoir la mixité sociale, de manière “endogène”, par l’élévation de la condition des habitants actuels des quartiers pauvres et leur ancrage dans le quartier, et non par l’introduction de personnes plus aisées.

 

L’idée sous-jacente est que, à partir du moment où les habitants forment un collectif, lié par un ancrage territorial, des intérêts constitués dans un quartier, ou d’éventuelles spécificités culturelles, ils peuvent exercer sur le territoire une fonction de planification et orienter les projets développés localement.

 

C’est l’esprit du New Deal for Communities mis en œuvre au Royaume-Uni, sur la période 1998-2011 qui manifeste la volonté de placer les habitants au cœur du processus de décision, l’importance accordée aux priorités des acteurs locaux, et l’attention portée à la satisfaction des besoins et la promotion sociale des habitants originels du quartier. Les évaluations rendent compte d’effets positifs sur la santé mentale des habitants, le sentiment d’insécurité perçu dans le quartier et la satisfaction d’y habiter. En ce qui concerne la mobilité sociale, le niveau d’inactivité professionnelle diminuerait avec l’augmentation de l’engagement collectif des habitants. Aucun résultat significatif n’est toutefois observé sur les performances scolaires ou la délinquance.

 

Voir aussi l’article du Monde du 6 01 2012 « Le Qatar au chevet des banlieues françaises »