Le rapport s’appuie notamment sur une enquête Ipsos auprès de 305 magistrats et 940 salariés et indépendants
30% des français croient « la concurrence bonne » (33% en ce qui concerne les magistrats), fortement en retrait au regard de la plupart des autres pays. Par ailleurs, 24 % considèrent que les entreprises devraient être gérées par leurs propriétaires alors que 58 % préfèrent la cogestion entre salariés et propriétaires, et 16% être la propriété des salariés (qui par ailleurs élisent leurs dirigeants), tandis que 2 % préfèrent que le gouvernement soit le propriétaire.
Les pays où l’adhésion à l’économie de marché est la plus forte ont une réglementation du marché du travail moins contraignante. Les personnes qui se défient le plus de la concurrence pensent plus souvent que le gouvernement devrait avoir plus de responsabilité pour assurer à chacun ce qui lui est dû et prendre une part plus active dans les décisions économiques. La France, où l’économie de marché suscite une forte défiance, a aussi une réglementation très contraignante du marché du travail.
Les magistrats ne sont pas significativement différents des Français concernant la concurrence. De plus, ils se méfient nettement plus des entreprises ; comparés avec les Français de même niveau de diplôme, revenu, sexe et âge, ils apparaissent plus opposés à une liberté accrue des entreprises, sont moins en faveur de la concurrence et considèrent plus souvent que l’État doit intervenir en matière d’emploi. Ils ont majoritairement une idéologie très marquée en défaveur du marché, bien plus que leurs collègues du secteur public et bien plus encore que leurs collègues des autres pays, eux aussi plus réticents par rapport aux marchés que l’opinion publique locale.
En France |
Magistrats |
Salariés du secteur public |
Grand public |
La concurrence est bonne |
33 |
24 |
30 |
L’Etat ne doit pas intervenir en matière d’emploi |
29 |
21 |
28 |
Les entreprises doivent avoir plus de liberté |
13 |
19 |
24 |
Quelles racines de l’aversion pour l’économie de marché ?
– L’idée que la religion joue un rôle important dans le développement économique n’est pas nouvelle.
– L’origine des systèmes légaux : par exemple, le système du Common Law propre aux pays anglo-saxons serait par son principe plus protecteur de la propriété privée que les systèmes hérités du Code civil français et exercent une protection plus forte des investisseurs ; ces pays ont également plus de petits porteurs diversifiés et moins de concentration des portefeuilles aux mains de quelques gros investisseurs. Ce constat peut être fait, de manière plus modérée, dans les pays germaniques et scandinaves.
– La confiance envers autrui explique les différences de performance économique sur le long terme, alors que la défiance généralisée alimente la demande pour la réglementation.
– Le système éducatif peut exercer une influence sur les opinions sur le marché et le rôle de l’État. Les enseignants peuvent avoir un parti pris idéologique qui influence les élèves, du fait de leur appartenance au secteur public (garantie de l’emploi) et très peu d’exposition au marché ; la corrélation est élevée entre le pessimisme vis-à-vis du marché et la probabilité de devenir un enseignant. La formation en économie a par ailleurs un impact sur l’opinion des enseignants quant aux bienfaits de l’économie de marché. Or la formation des juges est quasi exclusivement juridique. Le stage initial à l’entrée dans le cursus se déroule au sein d’un cabinet d’avocats ; par la suite, il n’existe aucune formation à l’économie, même minimale.