L’impact de la crise sanitaire sur la dette nette des entreprises est relativement limité.


"L’impact de la crise sanitaire sur la situation financière des entreprises en 2020 : une analyse sur données individuelles", Insee, documents de travail G 2021/03, juillet 2021

Méthodologie : échantillon de 645 300 entreprises (dont 81% de TPE, dont 90% en unité mono-légale) qui représentent 85% de la valeur ajoutée des entreprises non financières (hors entreprises individuelles). Plusieurs sources de données sont mobilisées : les déclarations mensuelles de TVA de 2014 à 2020 (DGFiP, au mois le mois), les comptes des entreprises avant la crise (base de données Insee-Fare 2018), les reports et exonérations de cotisations patronales en 2020 (Acoss), le recours à l’activité partielle en 2020 (DARES) et la cotation Banque de France des entreprises à la veille de la crise (Banque de France – FIBEN)

En ce qui concerne les cotes de la Banque de France, les meilleures cotes ne représentent que 10% des entreprises de l’échantillon mais 49% de l’emploi, et les moins bonnes 20% de l’échantillon ; les cotes 0 (attribuées aux entreprises pour lesquelles la Banque de France n’a recueilli aucune information défavorable mais ne dispose pas d’une documentation comptable récente) sont 70% des entreprises et 18% de l’emploi.

Les TPE représentent 81% des entreprises de l’échantillon, contre 18% pour les autres PME et 1,5% pour les ETI et grandes entreprises; mais les TPE ne représentent que 12% de l’emploi, contre 31% pour les autres PME et 57% pour les ETI et grandes entreprises.

Noter que les entreprises individuelles sont intégrées dans l’échantillon quand leurs déclarations de TVA sont mensuelles, ce qui relativise leur importance.

Pour plus d’information sur la méthodologie de grande qualité, lire l’étude.

 

Les écarts les plus marquant en trésorerie, mais aussi dans les aides publiques se situent dans les TPE et les HCR.

 

L’économie française a subi un choc d’une ampleur inédite au cours de l’année 2020, avec une contraction du PIB de 7,9%. Ce choc a notamment engendré une hausse très marquée de la dette brute des entreprises de 12,2% (+217 Md€), toutefois couplée à une hausse importante de leur trésorerie (+28,6% ou +200 Md€). In fine, la hausse de la dette nette est donc modeste (+0,8% ou +17 Md€). Avant la prise en compte des dispositifs, l’augmentation de la dette nette agrégée aurait été de +51 Md€.

⇒ 3 grands messages :

-Il est indispensable de recourir à un modèle suffisamment complet et détaillé, ainsi qu’à plusieurs indicateurs, pour caractériser l’impact de la crise sanitaire au niveau individuel,

-Les chocs de trésorerie subis en 2020 sont très hétérogènes, y compris au sein d’un même secteur, d’une même catégorie de taille d’entreprise ou d’une même classe de risque,

– Les mesures de soutien réduisent la dispersion des chocs de trésorerie et ramènent à une distribution de ces chocs à peu près identique à celle d’une année « normale », sauf aux deux extrémités de la distribution.

 

En 2018, la répartition des entreprises entre chocs négatifs et chocs positifs est parfaitement équilibrée (50% vs 50%), ce qui reflète la vie « normale » des entreprises. On obtient en 2020, 60% de chocs négatifs et 40% de chocs positifs avant soutien et avant ajustement de l’investissement et des dividendes.

 

Après recours aux mesures de soutien, la distribution des chocs de trésorerie n’est plus très différente d’une année normale (47% vs 53%), sauf aux extrêmes : tandis qu’en 2018 on enregistre 13% d’entreprises avec une « forte » augmentation de leur dette nette, le chiffre grimpe à 21% en 2020 ; à l’opposé, alors que seulement 10% des entreprises voient leur dette nette se réduire de façon relativement « forte » en 2018, près  d’1/4 se trouvent dans cette situation à fin 2020. La part des entreprises connaissant une hausse de dette nette atteint ainsi 28% à fin 2020 contre 15% en 2018, ce qui suggère une fragilisation accrue d’entreprises déjà vulnérables.

⇒ La trésorerie

Avant la crise, 25% des entreprises affichaient une trésorerie inférieure ou égale à 12 jours de chiffres d’affaires, tandis que 25% disposaient d’un matelas de trésorerie équivalent à plus de 3 mois de chiffre d’affaires.

 

Au moment de la crise sanitaire, parmi les 47% faisant face à un choc négatif de trésorerie, 1 sur 5 peut absorber ce choc en utilisant la trésorerie dont elle dispose en début d’exercice, sans recourir à d’autres financements externes, et tout en conservant un coussin de liquidité suffisant au redémarrage de son activité post crise. Sans les mesures de soutien public, 6 entreprises sur 10 auraient connu un choc négatif de trésorerie mais même avec ce soutien, 16% des entreprises gardent un besoin opérationnel fort, supérieur à un mois de chiffre d’affaires.

 

♦ Selon les tailles d’entreprise

Noter que les grandes entreprises disposent d’autant de crédit mobilisable que d’encours de crédits effectivement mobilisés. À l’opposé, le crédit mobilisable des TPE et PME ne représente que 12% à 13% de crédits supplémentaires par rapport à leurs encours mobilisés. Le chiffre est de 28% pour les ETI.

La part des entreprises avec un besoin de financement est plus faible pour les plus grandes entreprises, qui disposent de « quasi-trésorerie » avec leurs lignes de crédit mobilisables.

La part des entreprises sans besoin opérationnel est de 56% toutes tailles d’entreprise confondues. Après soutien, elle est de 68% pour les TPE, 65% pour les autres PME et 61% pour les ETI, grandes entreprises.

 

♦ Selon les activités

 

Au niveau sectoriel les chocs de trésorerie se caractérisent par une très forte hétérogénéité entre secteurs, en ligne avec le choc d’activité. Les secteurs d’activité les plus touchés sont également ceux dont l’augmentation estimée de la dette nette est la plus forte.

 

L’Immobilier en particulier dispose de liquidités lui permettant d’absorber le choc : alors que près d’une entreprise sur deux connait un choc de trésorerie (post soutien), seul 1/4 affichent un besoin opérationnel. À l’inverse, dans le Commerce, le nombre d’entreprises en situation de choc négatif ne diminue que de 10 points après utilisation d’une partie de la trésorerie. 

 

L’Hébergement-restauration reste néanmoins le secteur le plus touché ; 9 entreprises sur 10 au sein des HCR voient leur dette nette augmenter avant les mesures de soutien, une part 2 fois plus élevée que dans les secteurs Information et communication ou Commerce. Plus des 2/3 font face à un besoin de financement opérationnel, contre moins d’1/3 dans les secteurs de la Santé et de l’Immobilier. 50% des HCR connaissent un besoin opérationnel supérieur à un mois de chiffre d’affaires, 5 fois plus que dans le secteur de la Santé par exemple.

Toutefois, la situation de ce secteur en forte dégradation est susceptible de s’améliorer plus rapidement que dans d’autres secteurs.

⇒ 3 autres remarques

♦ Les mesures de soutien viennent atténuer l’impact du choc de trésorerie mais ne gomment pas les différences entre secteurs. Ainsi 80% des HCR sont encore en situation de choc négatif de trésorerie et, parmi elles, les 3/4 subissent un choc fortement négatif ; toutefois, près de 20% affichent, post soutien, une diminution de leur dette nette, soit deux fois plus qu’avant le soutien. 

 

♦ Le choc de trésorerie apparait très corrélé avec le risque de crédit des entreprise. Les entreprises aux cotes Banque de France fort défavorables représentent 21% de l’emploi. D’ailleurs les plus mauvaises cotes ont moins bénéficié des dispositifs de soutien que les autres entreprises.

65% à 75% des entreprises les mieux cotées n’ont pas de besoins opérationnels contre 10% à 60% pour les moins bien cotées.

Le besoin opérationnel est ainsi compris entre 14 et 73 jours de chiffre d’affaires pour les moins bonnes cotes contre seulement 10 à 16 jours pour les meilleures.

 

♦ Noter aussi que les entreprises les plus fragiles avant crise ne bénéficient pas plus des mesures de soutien que les autres.

Mais les dispositifs de soutien public bénéficient plus aux TPE en grande difficulté ; le choc de trésorerie diminue de moitié pour les TPE, alors qu’il ne baisse que d’environ 40% pour les PME et d’1/4 pour les ETI, grandes entreprises.

 

Pour en savoir davantage : L’impact de la crise sanitaire sur la situation financière des entreprises en 2020 : une analyse sur données individuelles – Documents de travail – G2021-03 | Insee