Les titres professionnels, une modalité de formation propre au milieu professionnel.


"Que nous apprennent les pratiques d'évaluation des professionnels d'entreprise ?" Cereq Bref N° 394, septembre 2020

Méthodologie : les titres professionnels sont marqués sont élaborés dans le cadre de commissions professionnelles consultatives (CPC), et enregistrés de droit au Répertoire national de la certification professionnelle (RNCP); les titres sont définis par des référentiels d’emploi et de compétences.

Les formateurs sont recrutés sur la base d’une expérience professionnelle reconnue, et les jurys pour l’obtention du titre sont également des professionnels, souvent responsables ou anciens responsables de stage.

Les candidats quant à eux sont plutôt jeunes (près de 50% ont moins de 30 ans) et près de 60% sont en recherche d’emploi.

Réalisée entre 2015 et 2017, l’enquête a porté sur les sessions d’évaluation de 5 titres professionnels des spécialités de la maintenance industrielle et de l’électricité, de vendeur conseil en magasin, classés aux niveaux V et IV.  Le travail d’observation effectué a concerné 17 sessions d’évaluation et a conduit à plus d’une trentaine de journées d’observations.

 

Les professionnels membre de jury pour délivrer des titres professionnels (notamment du ministère du travail) fonctionnent avec certaines particularités différentes de la délivrance d’autres formes de diplôme.

 

On pourrait s’attendre à ce que, au sein de ces jurys, les professionnels jugent les candidats en référence à des situations de travail concrètes, ou qu’ils soient particulièrement attentifs aux résultats ou encore à l’efficacité du travail réalisé. Or, la réalité est plus nuancée :

 

♦ ils tiennent largement compte de la singularité de la situation d’épreuve, laquelle n’est pas, pour eux, assimilable à la situation de travail; Il s’agit en effet pour le concepteur de l’évaluation de reconstituer une situation professionnelle typique à laquelle soumettre le candidat. Les situations auxquelles sont confrontés les candidats sont  stylisées, dans le sens où elles n’intègrent qu’une partie des ingrédients de la situation de travail.

Les professionnels introduisent également souvent certains éléments du travail absents de la situation d’épreuve, par le biais de jeux de rôle, d’alertes ou de conseils.

 

♦ Les professionnels considèrent qu’ils évaluent des candidats en fin d’apprentissage; ils ne peuvent donc exiger d’eux une professionnalité qu’ils acquerront par la suite. L’évaluation est à rapporter à une conception de l’activité professionnelle comme combinaison de « théorie » et de « pratique », sans que l’une ait vraiment la primauté sur l’autre.

 

♦ Par théorie, les professionnels désignent un ensemble de savoirs utiles à l’exercice du métier. Ils s’accordent pour reconnaître la théorie comme nécessaire à l’exercice de l’activité et la formation comme un lieu propice pour l’acquérir. La théorie est envisagée comme une « base » sur laquelle pourra se développer ultérieurement une pratique professionnelle. Ainsi elle est privilégiée dans l’interrogation des candidats ou lors de mises en situation.

 

♦ Ils s’attachent à ce que les candidats ont acquis en formation et accordent de l’importance aux raisonnements et aux savoirs sur lesquels ces derniers s’étayent. En contexte de travail, il y a une exigence de résultat ; elle est fortement relativisée dans la situation d’évaluation. Ils s’assurent que les candidats comprennent ce qu’ils font et sont capables de l’expliquer; la verbalisation permet d’accéder aux raisonnements et aux savoirs mobilisés par les candidats.

 

♦ Alors que pour les concepteurs des référentiels, évaluer c’est vérifier que les performances des candidats sont conformes à celles attendues, pour les professionnels la performance n’est pas forcément signe de compétence et les outils d’évaluation proposés leur sont de peu d’utilité. 

 

♦ Pour eux, l’acquisition des bases du métier (savoirs, normes et valeurs) prime sur la référence à un niveau de formation.

Les professionnels emploient très rarement le terme de compétent ou de compétence quand ils jugent les candidats, évoquant plutôt celui de professionnel ou d’homme de métier, manifestant les bonnes manières de faire en situation de travail.
Le  métier fait référence à une communauté d’activités caractérisée par ses savoirs, ses règles de conduite et ses valeurs. Entrer dans le métier c’est pouvoir expliquer ce qu’on a réalisé et l’exprimer avec le vocabulaire technique adéquat dont la maîtrise constitue un signe d’appartenance. Ainsi la prépondérance accordée au métier se fait au détriment du niveau de formation.

 

Pour en savoir davantage : https://www.cereq.fr/que-nous-apprennent-les-pratiques-devaluation-des-professionnels-dentreprise