Une évaluation des mesures anti covid prises par les Pouvoirs Publics par France stratégie


"Comité de suivi et d’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de Covid-19 - Rapport d'étape", France Stratégie, juillet 2021

Les entreprises bénéficiaires ont été nombreuses ; les aides ont profité à celles qui en avaient réellement besoin, peu aux entreprises qui se portaient bien et peu à celles qui étaient en difficulté avant la crise sanitaire.

⇒ La situation des entreprises au 1er trimestre 2021

Au 1er trimestre 2021, 67% font état d’une activité au moins égale à la période d’avant-crise et 27% une activité supérieure à celle d’avant-crise ; de ce fait, 56% considèrent que la situation de leur entreprise ne s’est pas dégradée.

⇒ Quelles sont les mesures prises ?

♦ À fin mars 2021, 3,5 millions d’entreprises avaient bénéficié d’au moins une des quatre mesures de soutien financier d’urgence mises en place par les autorités, pour un montant global de près de 201Md€ dont 53Md€ de subventions et 148Md€ de prêts.

 

-Le fonds de solidarité et le report de cotisations sociales sont les mesures ayant bénéficié au plus grand nombre d’entreprises (respectivement 1,95 million et 1,7 million, majoritairement des entreprises sans salariés),

 

-L’activité partielle a été mobilisée par un peu plus d’un million d’entreprises, Les salariés bénéficiant de l’activité partielle :
La part des cadres, initialement de l’ordre de 10% durant le premier confinement, atteint 20% durant l’été 2020, avant de revenir dès octobre à 10%,

La part des jeunes de moins de 25 ans atteint 15% sur la 2éme vague, alors qu’elle était de 10% durant la 1ére vague, alors qu’ils représentent 11% des salariés du privé.

Les hommes représentent 54% des bénéficiaires durant la 2éme vague (contre 58% durant la 1ére), alors qu’ils constituent 55% des salariés du secteur privé.

 

-Enfin, 650 000 entreprises ont recouru au PGE.

 

♦ La fréquence des recours

 

-La grande majorité de ces entreprises avaient déjà recouru à au moins une aide dès la 1ére vague. Les nouvelles entreprises bénéficiaires lors de la deuxième vague s’élèvent à 239 000 pour le fonds de solidarité, 46 000 pour l’activité partielle et 75 000 pour le PGE. 

 

-Les dispositifs ont continué d’être mobilisés plus intensivement par les petites entreprises durant la 2éme vague : les TPE (18% de l’emploi marchand), concentrent 63% du montant total du fonds de solidarité (99% pour la 1ére vague), 33% de l’activité partielle (27% durant la 1ére vague), 49% du reste à recouvrer des reports de cotisations sociales et 29% du volume des PGE (inchangé).

En revanche, les entreprises faisant partie d’un groupe (52% des salariés), concentrent 65% des PGE, 50% des montants d’activité partielle (contre 60% durant la 1ére vague), 40% des reports de cotisations et 15% du fonds de solidarité (contre 1% durant la première vague).

 

♦ Le recours à un ou plusieurs dispositifs : quel dispositif et quelle taille d’entreprises ?

 

Parmi les entreprises ayant eu recours à au moins un dispositif, une part substantielle n’a eu recours qu’à un seul dispositif durant la 2éme vague, tout comme durant la 1ére.
-Dans les entreprises de 5 à 10 salariés, 40% des entreprises recourantes ont eu recours à un seul dispositif : 18% ont à fin mars 2021 encore des reports de cotisations, 14% un PGE en cours, 7% ont demandé de l’activité partielle et moins de 1% le fonds de solidarité,
-Dans les entreprises de 10 à 250 salariés, cette proportion de « mono-recourantes » est de 43% : 15% ont à fin mars encore des reports de cotisations, 16% un PGE en cours et 12% de l’activité partielle,
-Dans les entreprises de plus de 250 salariés, elles sont 52% : 18% des reports de cotisations, 3% un PGE en cours, 31% de l’activité partielle.

 

L’intensité du recours en 2éme vague varie selon les secteurs : dans l’agriculture, 84% des entreprises recourantes n’ont eu recours qu’à un seul dispositif, 74% dans les activités immobilières, 70% dans l’informatique et communication vs 29% pour les HCR (contre 39% durant la 1ére vague) ; cette proportion est supérieure à 50% dans tous les autres secteurs.

 

La part des entreprises ayant cumulé au moins 3 aides décroît fortement avec la taille : 31% pour les entreprises de 5 à 10 salariés, 25% pour les entreprises de 10 à 250 salariés, et 12% pour les entreprises de plus de 250 salariés.

 

Dans les HCR qui ont eu recours à au moins un dispositif, la part de celles ayant cumulé au moins 3 aides est nettement plus élevée que dans l’ensemble des secteurs : durant la 2éme vague, cette part est égale à 71% pour les entreprises de 5 à 10 salariés (dont 28% ayant cumulé 4 dispositifs), de 73% pour les entreprises de 10 à 250 salariés (dont 31% ayant cumulé 4 dispositifs,) et de 58% pour les entreprises de plus de 250 salariés (dont 21% ayant cumulé 4 dispositifs) ; pour ces derniéres, l’appel à l’extension du fonds de solidarité a été forte (45% de bénéficiaires, contre 0% en 1ére vague).

⇒ Recours aux aides selon la santé préalable des entreprises

Le recours aux dispositifs est maximal pour les entreprises dont la santé financière avant la crise était médiane, et plus faible pour celles dont la santé était mauvaise ou excellente.

Ce constat se retrouve, quel que soit le dispositif analysé et quel que soit l’indicateur de santé financière retenu (cotation Banque de France, rentabilité, liquidité, poids des charges financières, niveau du fonds de roulement), pour la 1ére comme la 2éme vague.

 

Les entreprises en meilleure santé financière recourent moins aux dispositifs, le moindre recours des entreprises les plus fragiles est plus surprenant. Enfin, les entreprises identifiées comme « zombies » avant la crise (définies par l’OCDE comme les entreprises matures ne dégageant pas assez d’excédent brut d’exploitation pour couvrir leurs frais financiers durant 3 années de suite) n’ont pas mobilisé les dispositifs au-delà de leur part dans l’économie, dans la 2éme comme dans la 1ére vague.

 

♦ Qui sont les bénéficiaires de subvention ?

Les mesures de subvention ont été principalement ciblées sur les entreprises les plus affectées par la crise, particulièrement durant la 2éme vague.

 

– Les entreprises déclarant une baisse de leur chiffre d’affaires supérieure à 40% (2éme trimestre 2020 par rapport au 2éme trimestre 2019) représentent 25% de l’emploi : elles ont reçu 48% des subventions versées à fin septembre. alors que les entreprises déclarant une hausse de leur chiffre d’affaires représentent 27% de l’emploi : elles ont reçu 14% des subventions versées à fin septembre.

 

Les entreprises déclarant une baisse de leur chiffre d’affaires supérieure à 40% (4éme trimestre 2020 par rapport au 4éme trimestre 2019)) représentent 11% de l’emploi ; elles ont reçu 67% des subventions versées à fin septembre, alors que les entreprises déclarant une hausse de leur chiffre d’affaires représentent 47% de l’emploi et 10% des subventions reçues d’octobre 2020 à mars 2021.  

 

-59% des entreprises auraient connu une baisse de leur EBE en 2020. 20% des entreprises auraient subi une baisse de l’EBE supérieure à 25 points de valeur ajoutée avant crise, contre 33% en l’absence de dispositifs, soit une réduction de 13 points.

Quel que soit le secteur, les 20% des entreprises les plus touchées apparaissent comme celles ayant le plus bénéficié des dispositifs de soutien.

 

Le non-recours aux dispositifs semble majoritairement le fait d’entreprises sans salarié, n’ayant pas été affectées par la crise, ou en très bonne santé économique ou financière.

 

-Le non-recours entre mars 2020 et mars 2021 est de 46% pour les entreprises sans salarié et vs 11% pour les entreprises entre 10 et 250 salariés. Il est inversement proportionnel à l’intensité du choc économique. 

 

-On peut supposer que le non-recours est « volontaire » pour les entreprises les plus rentables, alors qu’il est « subi » pour les entreprises les moins rentables, mais le non-recours « volontaire » semble dominer. Les entreprises ayant connu une augmentation de leur chiffre d’affaires au 2éme trimestre 2020, ou figurant avant la crise dans le quart des  entreprises ayant la meilleure rentabilité ou la meilleure situation de liquidité, représentent un peu plus des 2/3 du non-recours, alors que les entreprises défaillantes ou repérées comme « zombies » ne représentent respectivement que 2 et 3%, le reste étant inexpliqué par les variables disponibles.

 

Le secteur des HCR se distingue, avec seulement la moitié du non-recours pouvant être identifié comme « volontaire », alors que les entreprises « zombies » et défaillantes représentent 9 et 8% du non-recours.

 

Pour 54% le non recours s’explique par le fait que l’activité de leur entreprise a été peu ou pas affectée par la crise et 11% car elles ne souhaitaient pas être dépendantes des aides de l’État. 

⇒ Les entreprises interrogées jugent les dispositifs utiles et confirment que le non-recours est majoritairement volontaire.

81% des 600 entreprises interrogées ont bénéficié d’au moins une aide (90% des PME), l’enquête excluant les entreprises sans salariés. Le PGE et le fonds de solidarité, le report de cotisation sociale et le report de charges fiscales ont été utilisés par respectivement 37, 27, 25 et 27% des entreprises interrogées.

 

-Les aides ont joué un rôle clé pour faire face à la crise : utiles pour 84% dont très utiles pour 31%. Ce dispositif a été un élément clé pour faire face à la crise pour 52% des entreprises bénéficiaires de l’activité partielle, 52% des bénéficiaires du fonds de solidarité et 50% des bénéficiaires du PGE.

 

-Les dirigeants d’entreprise jugent que les démarches ont été relativement fluides et le montant des aides suffisant : 67% des bénéficiaires estiment que la mobilisation des dispositifs était facile, 77% les montants suffisants pour couvrir leurs besoins et 84% les délais de paiement raisonnables.

 

-Les entreprises en non-recours, considérées comme « non volontaire » (1/3 des non-recours) sont 13% à déclarer qu’elles ne réunissaient pas les conditions pour y avoir recours, 11% que les dispositifs leur ont été refusés pour des raisons qui lui paraissent injustes  et 8% parce que les démarches étaient trop complexes.

⇒ Quel impact sur les défaillances et sur la fragilité financiére des entreprises ?

♦ Les mesures d’urgence ont permis de réduire fortement le nombre d’entreprises insolvables ou défaillantes. Ensuite, la différence d’ampleur entre les pertes d’emploi et la perte d’activité en 2020 va bien au-delà des mécanismes habituels de rétention d’emploi, et l’évolution de l’emploi au premier trimestre 2021 a encore surpris à la hausse.

 

♦ Enfin, alors que la situation financière nette des entreprises fin 2020 restait largement inconnue, une 1ére étude de la Banque de France a analysé environ 200 000 bilans et comptes de résultat arrêtés entre le 30 juin 2020 et début 2021 pour apporter un 1er éclairage sur la situation financière des entreprises de plus de 750 000€ de chiffre d’affaires.

 

14% des entreprises étudiées ont vu à la fois leur endettement augmenter et leur trésorerie diminuer. En retranchant de cette dernière catégorie les entreprises les mieux cotées et les plus mal cotées avant la crise sanitaire, la Banque de France estime que 6 à 7% des entreprises cotées devront faire l’objet d’un suivi attentif. La singularité de ces entreprises est d’avoir été fragilisées par la crise sanitaire tout en étant économiquement viables.

 

♦ 2 études d’évaluation sur les mesures, celle de la DG Trésor (publiée en avril) et celle issue du partenariat Insee-Banque de France (publiée en juillet) ont été conduites.

 

-La 1ére estime que les mesures de soutien ont permis de limiter l’augmentation de la part des entreprises insolvables à +3 points (contre +8 points en l’absence des dispositifs). L’effet serait particulièrement fort dans les HCR où la part des entreprises insolvables s’établirait à 30% sans dispositifs et à 12% avec dispositifs.

 

-La seconde étude estime que les mesures de soutien (hors PGE) permettent de ramener la proportion d’entreprises subissant un choc de trésorerie négatif à celle d’une année normale (47% en 2020 contre 50% en 2018). Par ailleurs, si les mesures de soutien viennent atténuer l’impact du choc de trésorerie, elles ne gomment pas les différences entre secteurs. 

⇒ Une comparaison avec les pays de l’UE

En 2020, le PIB a décru de 7,9% en France, contre 6,1% en moyenne dans l’UE-27 et 6,5% dans la zone euro ; il a reculé de 8,9% en Italie, de 9,8% au Royaume-Uni et de 10,8% en Espagne vs 4,8% en Allemagne ; l’écart entre la France et l’Allemagne provient essentiellement du 2éme trimestre 2020, ce qu’on peut imputer, au moins en partie, au confinement moins strict outre-Rhin.

 

♦ De nombreuses similitudes ont pu être observées dans les différents pays :

 

-La consommation a chuté alors que le revenu des ménages a résisté, ce qui s’est traduit par une augmentation importante de l’épargne des ménages. En France, le taux d’épargne est passé de 15,1% à 21,4% du revenu disponible brut.

 

-L’investissement des entreprises a relativement bien résisté, chutant dans la même  proportion que le PIB.

 

-L’emploi salarié a encore mieux résisté, baissant de manière nettement plus modérée que l’activité. C’est une caractéristique européenne : les États-Unis ont fait le choix d’un soutien direct aux ménages en laissant l’emploi s’ajuster, si bien que l’emploi salarié non agricole fin 2020 était 6,2 % plus faible qu’avant la crise. Le miroir de cette résilience de l’emploi est une nette baisse de la productivité du travail en 2020.

 

-Le taux de marge s’est replié courant 2020, mais s’est ensuite redressé pour retrouver plus ou moins ses niveaux d’avant-crise. Au 1er trimestre 2021, le taux de marge en France est de 1,5 point au-dessus de son niveau de 2019.

 

-Dans tous les grands pays européens, la combinaison des prêts garantis par l’État (PGE), de la baisse des investissements et des dividendes s’est traduite par une hausse concomitante de l’endettement brut et de la trésorerie. En France, les sommes mises en jeu par le PGE sont plus élevées qu’ailleurs. Rappelons toutefois que la France se distinguait fin 2019 par un endettement beaucoup plus élevé des sociétés non financières (73% du PIB, contre 63% en Italie, 57% au Royaume-Uni, et 41% en Allemagne).

 

-Dans l’ensemble des pays étudiés, en 2020 les défaillances d’entreprises ont diminué, mais de manière plus marquée en France (- 39% en moyenne sur l’année).

 

-Les créations d’entreprise ont aussi baissé en 2020 dans les grands pays européens, sauf en France, où elles ont progressé, portées par les microentrepreneurs.

 

-Les études disponibles suggèrent que certaines catégories de ménages (notamment les jeunes, les indépendants et les ménages les plus modestes) sortent de la crise avec une situation financière plus fragile, sans toutefois que la France se singularise par rapport aux autres pays de l’OCDE.

 

♦ Une comparaison quant aux types de mesures :

La France apparaît en position médiane au sein des grands pays européens en termes de mobilisation des mesures d’urgence début juin 2021 :

-S’agissant de l’activité partielle, avec 1,4% du PIB, elle est proche de l’Espagne et de l’Italie, très en-deçà du Royaume-Uni (3%) et nettement au-dessus de l’Allemagne (0,8%).

 

-S’agissant des subventions hors activité partielle (ce qui correspond en France au fonds de solidarité), avec 1,2% du PIB, la France apparaît proche de l’Allemagne (1,3%), au-dessus de l’Italie (0,8%) et de l’Espagne (0,4%), mais en deçà du Royaume-Uni (1,6%).

 

-Enfin, s’agissant des prêts garantis, la France, avec 5,8% du PIB, est au-dessus du Royaume-Uni (3,4%) et de l’Allemagne (1,6%), mais en dessous de l’Italie et de l’Espagne (8%).

 

Pour en savoir davantage : Comité de suivi et d’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de covid-19 – Rapport final | France Stratégie (strategie.gouv.fr)