La loi du 1er décembre 2008 a créé le RSA avec l’ambition, selon les termes de son exposé des motifs, de faire des revenus du travail« le principal rempart contre la pauvreté ». Dans son volet d’allocation, la nouveauté du RSA a consisté à ce qu’en cas d’activité professionnelle, la personne voit son allocation diminuer non plus du total de ses revenus du travail, mais seulement d’une partie (RSA-activité), qui venait s’ajouter au RSA dit « socle ». En 2016, ce RSA-activité a été intégré dans la prime d’activité, laquelle a cependant un spectre plus large puisqu’elle bénéficie aussi aux « travailleurs pauvres » rémunérés autour du SMIC.
Le volet d’accompagnement a lui aussi été transformé suivant une logique de « droits et devoirs » : le bénéficiaire doit s’engager à réaliser des démarches en vue de son insertion sociale et professionnelle (contrat signé par le bénéficiaire avec son organisme d’accompagnement).
La principale restriction légale concerne l’âge minimum, fixé à 25 ans.
Détourné de son objectif initial, le RSA a manqué son objectif d’insertion dans le monde du travail et a grande difficulté à accompagner ses bénéficiaires.
Entre 2008 et 2015, le nombre d’allocataires est passé de 1,3 à 1,9 million, puis 2,1 millions en novembre 2020. La dépense d’allocation atteint 12 Md€ en 2020 ; en ajoutant la prime d’activité, les dépenses d’accompagnement (2,3 Md€) et de gestion administrative, la dépense publique annuelle a représenté 15 Md€ en 2019.
⇒ Le RSA bénéficie-t-il effectivement aux personnes auxquelles il est destiné ? Permet-il de sortir de la pauvreté ?
65% des bénéficiaires vivent sous le seuil de pauvreté monétaire : pour une personne seule, le montant du RSA est de 565€ par mois (au 1er avril 2021), un niveau inférieur au seuil de pauvreté monétaire. Le RSA contribue le plus à la diminution de l’intensité de la pauvreté monétaire en assurant à lui seul entre 35 et 40% de la baisse, davantage que les autres prestations monétaires (allocations logement, prestations familiales, aides locales, etc).
Si la pauvreté monétaire au seuil de 50% touche presque tous les allocataires dont les revenus sont constitués en majorité du RSA, cette part tombe à 20% pour ceux dont l’allocation pèse pour moins de 10% dans les revenus.
⇒ Dans quelle mesure le RSA facilite-t-il l’accès à l’emploi ?
♦ Leur taux de retour à l’emploi, de 3,9% par mois en 2019, est non seulement très inférieur à la moyenne des demandeurs d’emploi (8,2%), mais il l’est aussi à celui de tous les autres publics bénéficiant de dispositifs spécifiques (demandeurs d’emploi de longue durée, résidents des quartiers prioritaires de la politique de la ville, personnes de plus de 50 ans, etc.).
♦ Les sorties en emploi des bénéficiaires du RSA sont de surcroît plus précaires. En cas de reprise d’emploi, les non bénéficiaires du RSA sont 68% à accéder à un emploi durable (c’est-à-dire de plus de six mois), alors que les bénéficiaires du RSA ne sont que 56%. Les 2/3 changent de situation en moyenne 3,8 fois, ce qui équivaut à 2 allers-retours entre emploi et non-emploi en 5 ans. 41% reviennent au RSA après en être sortis.
Au total, 7 ans après l’entrée au RSA d’une cohorte d’allocataires, seuls 34% en sont sortis et sont en emploi (dont 1/3 en emploi stable), 24% sont sortis du RSA sans emploi, et 42% sont encore au RSA.
♦ Interrogés, les bénéficiaires ne sont que 29% à estimer que le RSA leur permettra de trouver un CDD ou un emploi en intérim et 21% qu’il leur permettra de trouver un CDI. Pour autant, seuls 15% citent l’accès à l’emploi parmi les axes d’amélioration du RSA qu’ils appellent de leurs vœux.
Le RSA est d’abord, et de plus en plus, vu par ses bénéficiaires et par ceux qui les accompagnent comme un revenu minimum. Cette situation pose question d’un modèle où les revenus du travail sont supposés constituer le principal rempart contre la pauvreté.
⇒ L’orientation vers les organismes d’accompagnement :
-En 2019, 41% sont orientés vers Pôle emploi (une proportion qui varie de 0% en Corrèze et 4% dans la Marne et le Var, à 65% dans l’Allier). Par ailleurs, l’orientation vers un organisme d’accompagnement n’est pas réalisée pour 18% des allocataires,
-le délai d’orientation est très éloigné de l’objectif fixé par la loi (2 mois) ainsi que par la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté présentée en 2018 (un mois) : il atteint 95 jours en moyenne.
-La qualité de l’orientation est difficile à apprécier, mais des incohérences importantes se font jour. Les parts respectives de l’accompagnement professionnel, réalisé par Pôle emploi, ou de l’accompagnement social réalisé par le Département et ses délégataires, varient d’un territoire à l’autre.
⇒ Les dysfonctionnements
♦ 70% est le taux d’atteinte de la population cible. Par ailleurs, la fraude n’a que peu d’impact sur le nombre de bénéficiaires légitimes, mais chiffre tout de même 190M€ (70% des cas de fraude relèvent d’omissions ou d’erreurs de déclarations).
♦ Par ailleurs, 60% des bénéficiaires soumis aux « droits et devoirs » ne disposent pas de contrat d’accompagnement.
♦ Si la signature initiale intervient en 53 jours en moyenne, le contrat est ensuite peu suivi.
♦ L’analyse du contenu des contrats révèle un défaut de substance : le nombre d’actions proposées est très faible (souvent moins de 2 actions par contrat), celles-ci sont souvent peu tangibles et peuvent se rapporter à de simples préceptes comportementaux.
Enfin, 76% des contrats ne contiennent aucune action orientée vers la préparation à la recherche d’emploi.
♦ 35% des bénéficiaires attendent un meilleur suivi,
Noter que le nombre de personnes suivies par chaque travailleur social varie de 55 à 144 dans les départements étudiés, et le RSA n’est souvent qu’une priorité secondaire.
♦ Toutefois les premières étapes du parcours sont plus structurées chez Pôle emploi que dans les départements : diagnostic individuel dans un délai moyen de 21 jours après l’inscription, signature du projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE), tenant lieu de contrat d’accompagnement.
Mais les prestations et formations sont rares, même en accompagnement dit « renforcé », avec 0,6 prestation par an en moyenne. Paradoxalement, les bénéficiaires du RSA ont moins d’entretiens avec leur conseiller référent que les autres demandeurs d’emploi (-17 à -24%) ; les droits et devoirs attachés au RSA ne sont pas suivis, à la différence du contrôle de la recherche d’emploi lié à l’assurance chômage.
⇒ Au vu de ces constats, 17 recommandations procèdent de 3 orientations générales :
1 L’augmentation de la couverture de la population cible,
2 La pleine application des droits et devoirs réciproques,
3 . Une responsabilisation accrue des départements et une réforme du financement.
Pour en savoir davantage : Rapport thématique Le revenu de solidarité active (vie-publique.fr)