Une évaluation des aides à l’innovation et à la R&D.


"PLAN D’ÉVALUATION DES AIDES À LA RECHERCHE, AU DÉVELOPPEMENT ET À L’INNOVATION", Gouvernement, octobre 2020

♦Le plan d’évaluation, validé par la Commission européenne, propose six projets d’évaluations des aides à la Recherche, au Développement et à l’Innovation (RDI) à mener afin de couvrir l’ensemble des dispositifs du régime : évaluation des aides à l’innovation de Bpifrance, évaluation des aides aux projets de R & D, évaluation du dispositif Jeunes entreprises innovantes (JEI), évaluation des Instituts de recherche technologique (IRT) et des Instituts pour la transition énergétique (ITE), évaluation des Convention industrielles de formation par la recherche (Cifre), évaluation transverse de l’ensemble des aides françaises à la RDI.

Ce plan d’évaluation s’inscrit dans le cadre de la réglementation européenne sur les aides d’État, qui impose, pour les régimes d’aide de grande ampleur, un tel exercice d’évaluation.

 

Les bénéficiaires différent selon qu’il s’agit des aides à l’innovation ou à la R&D. L’article détaille les aides selon les tailles d’entreprise, les secteurs d’activité et le type d’aide sollicité.

 

La RDI est aujourd’hui reconnue comme un facteur essentiel au développement économique. Pour cette raison, la RDI est l’une des priorités des pouvoirs publics, comme en témoigne l’objectif fixé par l’Union européenne de consacrer 3% du produit intérieur brut aux dépenses de R & D à l’horizon 2020.

⇒ Une vision globale

♦ Ces aides représentent un peu moins de 1,5 Md€ d’aide par an, pour environ 8 000 bénéficiaires (un peu moins de 200 k€ par bénéficiaire). Au total, ce sont plus de 5 Md€ d’aide qui ont été octroyés jusqu’en 2018 inclus, à plus de 18 000 entreprises. Si le RDI ne représente pas l’ensemble des aides directes à la R & D françaises (non compris le CIR), il en contient la majorité.

♦ Les aides plus détaillées font apparaitre 3 aides regroupant la majorité des bénéficiaires : les aides individuelles à l’innovation (Bpifrance), les jeunes entreprises innovantes et les cifre; les 2 premières concernent surtout des TPE/PME. Par contre en termes de montants, la dispersion est bien plus grande (le montant le plus important concerne toutefois les aides individuelles à l’innovation)

♦ Plus finement la répartition des aides par taille d’entreprise montre que les aides à l’innovation vont surtout aux TPE/PME, celles à la R&D aux ETI et aux grandes entreprises.

♦ En ce qui concerne les secteurs d’activité, les services l’emportent devant l’industrie (68% des bénéficiaires et 66% des montants), l’informatique- communication est au même niveau que les activités spécialisées, scientifiques et techniques (services aux entreprises) ; ces activités ont bien plus recours aux aides à l’innovation, alors que l’industrie fait bien plus appel aux aides à la R&D.

De fait, les aides à l’innovation vont plus largement à de petites entreprises jeunes, alors que celles à la R&D vont à des ETI et grandes entreprises dont l’ancienneté est importante. Les ratio valeur ajoutée, chiffre d’affaires, export, CIR et Dird sont conséquents à cette différence.

♦ Synthèse de l’évaluation sur la globalité des aides.

Le périmètre couvre à la fois la quasi-totalité des dispositifs du régime et des dispositifs hors régime comme le crédit d’impôt recherche (au total 25 dispositifs informés par 8 principaux opérateurs).

 

Dans le cas des aides du régime, la relation est en cloche tandis qu’elle est en U pour les aides hors régime.

L’effet moyen est toujours positif pour la population d’entreprises bénéficiaires des aides du régime, ce qui se traduit par un effet d’additionnalité systématique. En revanche, pour la population des entreprises qui bénéficient en même temps d’aides du régime et hors régime (97% des entreprises bénéficiaires d’aides du régime), cet effet d’additionnalité est moins présent.
Les résultats d’estimations par niveau technologique montrent que les effets d’additionnalité sont tirés par les entreprises des secteurs à haut et moyen-haut niveau technologique et de connaissance tandis que dans les secteurs à bas et moyen-bas niveau technologique et de connaissance, les effets sont plutôt neutres.

En utilisant les déclarations annuelles de données sociales (DADS), plus exhaustives que celles de l’enquête sur les moyens consacrés à la R & D, notamment sur les petites entreprises, il est clair que le régime affiche un effet positif sur la R & D (mesurée par les salaires des ingénieurs et techniciens de recherche).

⇒ Une évaluation individualisée pour quelques grandes aides

♦ Synthèse de l’évaluation de l’impact des aides individuelles à l’innovation distribuées par Bpifrance

 

Sur la période 2014-2018, ces aident correspondent à environ 600 M€ de soutien par an, pour environ 3 500 bénéficiaires distincts. Elles sont composées de sept dispositifs couvrant des besoins complémentaires.

89% des bénéficiaires des aides individuelles à l’innovation Bpifrance sont des PME (dont environ la moitié de moins de dix salariés).

 

Le recours aux aides individuelles Bpifrance permet aux TPE-PME de renforcer leurs investissements en RDI au cours des trois années qui suivent l’octroi de l’aide. Cette hausse des investissements en RDI se concrétise par un accroissement des dépenses de R & D (+ 250 k€ cumulés à l’horizon de trois ans). L’aide octroyée semble se substituer à court terme en partie à de la dépense privée, dans la mesure où l’effet cumulé de l’aide sur la dépense de R & D nette des aides publiques est significativement négatif l’année du soutien ainsi qu’un an après celui-ci ;  cependant, cet effet se dissipe au bout de deux ans. 1/3 des bénéficiaires pratiquaient déjà de la R & D; elles sont plus matures que l’ensemble des TPE-PME bénéficiaires d’aides individuelles Bpifrance.

 

L’impact sur l’emploi hautement qualifié (ingénieurs et techniciens) concerne la moitié de l’échantillon (+0,5 emplois d’ingénieurs et de techniciens à l’horizon de trois ans et + 0,4 emplois hautement qualifiés);  cet emploi qualifié de R&D est significatif dès la première année de l’aide. Les performances économiques des bénéficiaires s’améliorent au bout de trois ans, (+ 284 k€ de chiffre d’affaires total soit + 6% relativement à l’année précédant l’aide, + 99 k€ de valeur ajoutée et + 77 k€ de chiffre d’affaires à l’export).

 

Les investissements corporels sont également accrus (+ 138 k€ à l’horizon de trois ans) et s’accompagne d’un besoin accru de financements et une hausse du recours aux fonds privés (entre 95 k€ et 160 k€ à trois ans), et leur capital social augmente de 115 k€.

 

Ces aides directes à l’innovation sont plus prégnantes pour les entreprises de petite taille car ces dernières sont plus contraintes sur le plan de l’accès au financement.

 

♦   Synthèse de l’évaluation des JEI

 

En 2015, le dispositif JEI a octroyé près de 160M€ d’exonérations de cotisations sociales à 3 500 entreprises, dont près de 90% exercent leur activité dans le secteur de l’informatique et de la communication, ou dans les activités spécialisées, scientifiques et techniques. 80% emploie moins de 10 salariés dont la plupart sont affectés à la recherche et à l’innovation, depuis sa création ; 60% des entreprises bénéficiaires ont moins de deux ans à leur entrée dans le dispositif ; 55% l’utilisent jusqu’à l’âge maximum légal (pendant leurs huit premières années d’existence), souvent cumulé avec le CIR ou les aides Bpifrance (60% ont recours au moins une fois aux trois dispositifs).

 

La croissance de l’emploi salarié des bénéficiaires pourrait ne concerner qu’une faible proportion des JEI ; mais cela est difficile à appréhender (l’évaluation n’est faite qu’à partir de la 2éme année, sortie précoce du dispositif pour certaines, fréquence du recours concomitant à d’autres dispositifs).

 

♦ Synthèse de l’évaluation des Cifre

 

Les doctorants en Cifre ont une probabilité plus élevée de soutenir leur thèse, une probabilité plus grande d’être en emploi stable 3 ans après la soutenance de l’ordre de 17 points de pourcentage, et un gain de salaire de 7%. Les thèses réalisées semblent en moyenne moins fructueuses sur des critères purement universitaires (probabilité plus faible de publier dans une revue à comité de lecture au cours de leur thèse et une chance plus faible d’être qualifiés aux fonctions de maître de conférence par le Conseil national des universités à l’issue de leur thèse).

 

Concernant les entreprises participant au programme : une augmentation du nombre d’ingénieurs de R & D employés par l’entreprise, une augmentation générale de l’emploi d’ingénieurs et techniciens, montrant que l’accueil d’un doctorant Cifre fait généralement partie d’un mouvement plus large d’expansion des équipes de R & D et une hausse de la valeur ajoutée pour les entreprises bénéficiaires, qui semble néanmoins débuter avant le recrutement d’une Cifre. Ces résultats suggèrent plutôt une sélection d’entreprises plus dynamiques dans leurs activités de R & D.

 

♦ Synthèse de l’évaluation des aides aux projets de R & D

 

Les résultats montrent un effet significativement positif de la participation à un projet sur les dépenses de R & D : évolution positive des dépenses intérieures de R & D (Dird), sans augmentation significative des dépenses extérieures de R & D (Derd). L’effet sur la Dird correspond à la fois à des emplois consacrés à la R & D supplémentaires, à des investissements supplémentaires, mais aussi à une augmentation de la rémunération moyenne versée au personnel en charge de la R & D.

Pour financer cette augmentation des dépenses la R & D, les entreprises ont eu recours à un supplément de CIR en plus des aides directes reçues pour le projet ; on observe même un effet d’entrainement significatif sur la dépense privée.

Le financement des projets collaboratifs n’est pas non plus venu se substituer.

 

Par contre l’impact sur l’activité semble se limiter à l’emploi R & D et à l’investissement. Même cinq années après le début du projet, on ne mesure pas d’effet significatif sur le chiffre d’affaires, la valeur ajoutée ou le niveau moyen des salaires des emplois hautement qualifiés : on mesure toutefois un effet significatif sur le nombre de brevets déposés, mais la participation des organismes de recherche se traduit aussi par une baisse de leur part dans les mobilités d’emploi.

 

La participation des grandes entreprises aux projets ne semble pas affecter les PME et ETI partenaires.

 

En fonction du taux d’aide (ratio de l’aide obtenue sur les dépenses en emploi hautement qualifié de l’entreprise), un taux élevé engendre un effet supérieur sur la Dird, mais pas un effet significativement différent en termes de dépense privée de R & D. Enfin les effets sur les dépenses de R & D et l’activité sont globalement plus favorables pour les partenaires situés en dehors de l’Île-de-France.
 

♦ Synthèse de l’évaluation des Instituts de recherche technologique (IRT) et des Instituts pour la transition énergétique (ITE)

L’originalité commune de ces instituts repose sur la logique de multi-partenariats industriels de long terme et de créations d’actifs communs, y compris avec des académiques ; 723 entreprises ont été concernées.

 

Le budget de R & D des entreprises co-financeuses (essentiellement des PME et ETI), a cru plus fortement, reflètant un écart de croissance positif tant pour la Derd que pour la Dird. Les IRT et les ITE remplissent un rôle de producteurs de technologies de faible maturité, qui sont ensuite incorporées puis développées au sein des entreprises. L’actif net a augmenté plus fortement pour ces entreprises, tout comme les chiffres d’affaires (+4,7%) ; toutefois, ces technologies doivent encore être muries avant de se traduire en produits ou services mis sur le marché.

 

Dans les deux années après le premier cofinancement, la croissance des effectifs des entreprises cofinanceuses est plus élevée que celle des entreprises non-cofinanceuses (en moyenne + 5,3% sur deux années). Cependant, ce résultat n’est significatif que pour la première année et peut donc refléter des embauches à court terme.

Elles ont aussi ont accru plus fortement leurs dépenses externes de R & D (dont une partie seulement correspond aux dépenses liées à ces projets) et leurs dépenses internes.

 

Pour en savoir davantage : https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/en-pratique/etudes-et-statistiques/etudes/plan-evaluation-aides-recherche-developpement-innovation-syntheses.pdf