Quelques données pour situer la réforme en cours (nombre de bénéficiaires, coût des formations financées, dérives…).
⇒ Quelques caractéristiques du marché de la formation en 2021
98% des organismes de formation relèvent du secteur privé, qu’ils soient à but lucratif (46%) ou non (14%) ou qu’il s’agisse de formateurs individuels (38%). Alors qu’ils ne représentent que 2% des organismes de formation, les organismes publics et parapublics réalisent 20% du chiffre d’affaires global.
14% des organismes de formation ont recours à la sous-traitance qui est particulièrement présente parmi les organismes publics et parapublics : près de 30% y ont recours. 60% des formateurs individuels jouent le rôle de sous-traitant pour un autre organisme.
60% des entrées en formation étaient le fait de salariés en 2021.
D’après les bilans pédagogiques et financiers des organismes de formation transmis aux services de l’État, 78 600 organismes de formation ont produit en 2021 un chiffre d’affaires total de 23,5 Md€, en hausse de 31,7% par rapport à 2020 (année atypique en raison de la crise sanitaire).
Les dépenses de formation des salariés du secteur privé ont représenté 17,5 Md€ en 2020 en France métropolitaine. 40% des salariés ont eu accès à une formation (20% seulement dans les entreprises de moins de 50 salariés). Ces dépenses comprennent les dépenses directement exposées par les entreprises (11,9 Md€) et les dépenses dites « intermédiées » (6,5 Md€), dont il faut retrancher 0,9 Md€ de remboursements et aides perçues par les entreprises. Les dépenses intermédiées correspondent à des dépenses financées par un système de mutualisation des contributions légales et conventionnelles versées par les entreprises au titre de la formation professionnelle des salariés et à des versements volontaires complémentaires.
Dans le champ de la formation professionnelle des salariés, la réforme de 2018 a profondément modifié ces dispositifs et, au-delà, le paysage même de la formation professionnelle, avec la suppression des organismes gestionnaires existants et la création d’un établissement public, France compétences, de 11 opérateurs de compétences et de 18 commissions paritaires interprofessionnelles régionales devenues depuis associations Transitions Pro. Elle a aussi transféré le financement du CPF à la Caisse des dépôts et consignations, et la collecte des contributions des entreprises rendues légalement obligatoires aux Urssaf et à la mutualité sociale agricole (MSA).
⇒ Le CPF
La « démocratisation » du recours au CPF constituait l’un des objectifs majeurs de la réforme. Elle résulte à la fois de la transformation de droits annuels ouverts au profit des actifs en un montant disponible en euros, et, depuis novembre 2019, de la possibilité d’acheter une formation sur une plateforme en ligne inspirée des sites d’achat sur internet.
Le nombre de comptes CPF activés par leur titulaire est depuis lors en forte progression puisque fin mars 2023, 21 millions de comptes avaient été activés par leurs titulaires alors qu’ils n’étaient que 8,7 millions avec l’ancienne version du CPF. Le nombre d’utilisateurs potentiels serait proche de la population active du secteur privé, soit 24,7 millions selon l’Insee. Environ 3,7 millions de comptes resteraient donc à activer.
La réforme a permis d’améliorer l’accès à la formation à l’initiative des individus eux-mêmes, mais aussi de quelques catégories de titulaires au CPF en particulier. S’agissant des salariés, la place des moins de 25 ans est passée de 3,5% en 2019 à 9% en 2021 ; la part des salariés en préqualification qui était de 7,1% avant l’ouverture de la plateforme Mon Compte Formation est passée à 16% en 2021 ; celle des titulaires d’un CAP ou BEP de 17,7% à 22%.
L’offre de formation proposée dans le cadre du CPF est très abondante et pose un problème de lisibilité pour les titulaires d’un compte. Au 30 septembre 2022, 732 901 sessions de formations étaient ouvertes à la vente conduisant à 3 427 diplômes. La Caisse des dépôts et consignations a progressivement mis en place des outils pour guider l’usager : tutoriels, hotline téléphonique ou par courriel ; mais le recours au conseil en évaluation professionnelle est insuffisant en particulier par les salariés.
Dès octobre 2020, la Caisse des dépôts et consignations relevait que 17 organismes de formation avaient été identifiés pour leur nombre de sessions de formation très supérieur à la moyenne, parfois jusqu’à 150 000 offres. Des actions ont été menées pour mettre fin à ces pratiques.
Les formations visant une certification enregistrée au RNCP concernent 12,3% des dossiers financés en 2022, alors que ces mêmes certifications représentent les 3/4 des certifications offertes sur la plateforme Mon Compte Formation.
⇒ Les coûts
Alors que le coût moyen d’une formation conduisant à une certification enregistrée au RNCP est en moyenne de 4 602€, le solde moyen des comptes CPF est de 1 821€ pour un plafond de 5 000€ (et 8 000€ pour les travailleurs peu qualifiés), avec une disparité élevée, certains titulaires disposant de droits ouverts au titre de dispositifs antérieurs.
Le CPF a été conçu dès l’origine comme un dispositif ouvert aux cofinancements afin de financer des formations d’un coût plus élevé. Une étude de la CDC sur des dossiers de septembre 2020 à mai 2021 montrait ainsi que, pour les salariés, le coût moyen d’une formation financée par le seul titulaire s’élevait à 1 292€ en moyenne alors qu’il atteignait 3 941€ lorsqu’elle bénéficiait d’un cofinancement.
En 2021, Pôle emploi était le principal cofinanceur (8,1% du financement total), loin devant les régions (1,6%), les entreprises (0,3%), les Opco (0,1%), les contributions personnelles des usagers étant de 4,2%.
Le bilan du recours à cette procédure d’abondement est mitigé et, s’agissant des financements régionaux, il concerne principalement les demandeurs d’emploi. 4 Opco (Ocapiat, Atlas, Uniformation, Opco Santé) ont également utilisé le dispositif, pour le compte de 5 branches professionnelles, pour un budget total peu élevé (12,1 M€). L’utilisation par les entreprises de la possibilité d’abonder les comptes de leurs collaborateurs est, quant à elle, en-deçà des attentes (en 2020 et 2021, 54 M€ au total), les abondements effectués par les entreprises chiffrant 221 M€ au 31 décembre 2022.
⇒ Les dérives du CPF
La facilité d’utilisation du CPF et l’important marché qu’il représente ont conduit à des dérives importantes, comme le démarchage abusif notamment téléphonique et la fraude. Les premières dérives massives sont apparues au 1er semestre 2021.
Le détournement massif des formations destinées à la création et à la reprise d’entreprise : le non-renouvellement par France compétences de nombreuses certifications inscrites au répertoire spécifique a conduit des organismes de formation qui ne pouvaient plus proposer de formations visant ces certifications à concevoir des formations proches sous la forme d’actions d’accompagnement à la création et à la reprise d’entreprise, ces dernières ne nécessitant aucune inscription au répertoire spécifique. Le nombre d’organismes de formation proposant ces formations est ainsi passé de 2 493 en mars 2021 à 4 188 en mars 2022. Celles-ci sont devenues au1er trimestre 2022 la première dépense sur le CPF avec un coût de 171 M€ sur 650 M€ (26% du total), alors qu’elles ne représentaient que 40 M€ (7% du total) au cours du premier trimestre 2021.
Le Gouvernement a dû prendre un décret précisant l’objet des actions de formation dispensées aux créateurs ou repreneurs d’entreprises. Une importante campagne de contrôle de la conformité de l’offre a été réalisée au deuxième trimestre 2022 par la Caisse des dépôts et consignations conduisant à adresser 3 828 lettres d’ouverture d’une phase contradictoire et à déréférencer 2 127 organismes de formation à titre temporaire. Cette action a porté ses fruits puisque cette pratique de contournement a, pour l’essentiel, cessé au second semestre 2022.
En même temps que se développait la fraude, le coût du dispositif a progressé au-delà des prévisions, l’essor du dispositif n’étant entravé par aucune limite de financement. En 2021, le coût du CPF pour France compétences s’est élevé à 2,6 Md€ alors que seulement 1,4 Md€ avait été inscrit à son budget initial
⇒ L’avenir
La réforme de 2018 a eu pour effet positif de simplifier la liste des certifications proposées dans le cadre du CPF en établissant un lien direct avec les deux répertoires tenus par France compétences, ce qui constitue une avancée reconnue par tous.
En revanche, le CPF rénové est très en-deçà des attentes au regard de l’objectif de développement des compétences des actifs. Selon une enquête sur les usages du CPF conduite par France compétences et la Dares publiée en février 2023, 8 formations sur 10 visent au moins un objectif professionnel, mais beaucoup d’utilisateurs déclarent poursuivre à la fois des objectifs professionnels et personnels. Mais, au final, 1/3 seulement des parcours de formation financés par le CPF débouche sur l’obtention d’une certification.
De nombreuses recommandations sont formulées dans ce rapport.
Pour en savoir davantage : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-formation-professionnelle-des-salaries