Le rapport 2018 étudie 13 plateformes d’innovation réparties dans 7 régions françaises; 33 interviews ont été réalisées combinant les fondateurs ou animateurs des plateformes, des startups incubées dans ces plateformes ou actives dans leurs communautés et, aussi, de grandes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) ayant mobilisé leurs services.
Le protocole de recherche est basé sur des entretiens semi-directifs et sur un codage systématique des données collectées. Des recherches documentaires (internet) permettent de compléter le travail. Les cinq dimensions étudiées en 2017 ont été à nouveau abordées de façon systématique lors des entretiens : les relations avec l’écosystème ; la gouvernance et le business model ; le choix de la localisation géographique ; les pratiques d’animation de la communauté ; ainsi que la logique spécifique de gestion du lieu, des ressources et des compétences. Deux dimensions supplémentaires ont été ajoutées par rapport à l’étude réalisée en 2017 : la relation aux collectivités locales et la relation aux PME et ETI.
Pour l’analyse des plateformes d’innovation localisées dans les métropoles régionales, six sections : les objectifs des plateformes ; leurs relations aux territoires et aux collectivités locales ; la variété de leurs impacts socioéconomiques (et les enjeux en terme de mesure de ces impacts) ; les dynamiques de communautés ; les offres de services construites par ces plateformes ; et, enfin, leurs business models et les modalités retenues pour leur gouvernance.
Pour les plateformes franciliennes, le rapport se focalise sur les évolutions du portefeuille de services, leurs stratégies d’expansion géographique, et les nouveaux enjeux liés à leurs business models.
“Les politiques locales qui soutiennent le développement des plateformes sont fortement axées sur la transformation numérique des entreprises, l’innovation urbaine et la création d’emplois (via principalement la création de startups)….
Pour aller à l’essentiel, les plateformes n’ont pas encore trouvé leur place et leur modèle en tant qu’outil d’action publique.
En Île-de-France, les collectivités locales sont très actives pour financer le développement des tiers-lieux : entre 2012 et 2015, près de 70 tiers-lieux ont été cofinancés par la Région île de France. La dynamique continue. Dans la même dynamique, les Métropole de Lille et de Lyon investissent massivement dans plus d’une quarantaine de tiers-lieux sur leurs territoires. La Métropole de Lille veut même promouvoir l’animation d‘un réseau des tiers lieux pour mailler entièrement son territoire. A l’inverse, ces démarches commencent à peine dans la région de Marseille, par exemple. Le fonctionnement des plateformes ouvre de nouvelles formes, assez originales, de collaboration entre acteurs publics et privés. Le phénomène se révèle riche d’enseignements pour réinventer la construction de l’action locale.”
“L’intervention publique existe sur tous les territoires, mais dans les régions françaises de cette étude, le rôle de l’acteur public est souvent perçu par les animateurs des plateformes eux-mêmes comme plus structurant qu’en Île-de-France. …Plus qu’en Ile de France, les métropoles régionales et les régions veulent structurer la stratégie de « leurs » plateformes ou, du moins, contribuer plus directement à leur construction et à leur maturation. En Île-de-France, à l’exception des plateformes d’innovation gérées par PARIS&CO, les collectivités locales sont rarement des partenaires actifs dans la construction de la stratégie des plateformes.”
Une autre différence entre la région francilienne et les autres régions concerne la volonté des plateformes d’innovation elles-mêmes de contribuer au développement territorial, de s’insérer dans le tissu local et de s’assurer de la complémentarité de la plateforme avec les dispositifs existants; cette préoccupation est souvent centrale pour les animateurs des plateformes en régions, mais quasi-inexistante à Paris.
En Île-de-France, on constate que les partenariats avec les grandes entreprises sont centraux pour que les plateformes construisent leurs stratégies de développement et d’expansion géographique. En région, le lien avec les grands groupes existe mais on voit davanatge émerger des ETI et PME en tant qu’acteurs stratégiques de la pérennisation des plateformes d’innovation.
L’intensité concurrentielle existe au niveau de chaque territoire ainsi qu’entre les territoires. . Le fait que le développement des plateformes n’en soit qu’à leurs débuts va sans doute conduire les plateformes à redoubler d’ingéniosité pour se différencier les unes des autres. L’émergence des méga-plateformes renforce encore ce phénomène et intensifie la concurrence interrégionale, voire internationale.
Les métropoles régionales font toutes valoir des avantages comparatifs sérieux, à commencer par le fait qu’elles disposent aussi d’une offre locale de mieux en mieux structurée et de plus en plus large dans le domaine du soutien à l’innovation. Ce constat vaut en particulier pour les régions situées sur de grands axes de communication.
Par rapport à l’Île-de-France, les métropoles régionales démontrent enfin des points très forts en matière de retour sur investissement au profit du territoire. Cela marque une différence notable, même si toutes les régions n’ont pas montré des préoccupations aussi fortes en la matière que les impulsions portées par les pouvoirs publics à Lille ou par des entrepreneurs à Brest et Bordeaux. Le rapport permet de souligner que les plateformes « régionales » de Lille, Lyon, Strasbourg et Marseille hébergent des start-ups issues d’un recrutement national, voire international. La marque « Paris » n’est pas la seule qui existe aux yeux des étrangers et le rôle des méga-plateformes régionales ne sera pas pour rien dans leur reconnaissance.
Ce rapport fait aussi émerger cinq enjeux nouveaux :
-LE RÔLE CLÉ DES ENTREPRENEURS ET DES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS LA CRÉATION ET LE DÉVELOPPEMENT DES PLATEFORMES
-LES PLATEFORMES DEVIENNENT LE BRAS ARMÉ DES POLITIQUES LOCALES : Le rapport identifie ici 5 modèles différents qui vont d’un portage exclusif de la plateforme par les collectivités locales à des initiatives portées principalement par les entrepreneurs, en passant par une variété de formes de coproduction de l’action locale basées sur la collaboration entre acteurs publics et privés.
-LA PLACE ET L’IMPACT DES MÉGA-PLATEFORMES : les relations entre plateformes reposent sur un mélange entre coexistence, concurrence et collaboration.
-LES ENTREPRISES SONT À LA FOIS UTILISATRICES ET PARTENAIRES DES PLATEFORMES : CETTE LOGIQUE EXISTE POUR TOUTES LES TAILLES D’ENTREPRISES.
-LE FOISONNEMENT DES PLATEFORMES ACCENTUE LE BESOIN DE TROUVER LES VOIES D’UN MODÈLE ÉCONOMIQUE STABLE : Cela explique pourquoi les plateformes cherchent à augmenter leur taille pour générer des économies d’échelles et saturer leurs taux d’occupation. Cela se matérialise dans la mise en place de stratégies d’expansion géographique pour les plateformes (franciliennes) les plus anciennes et pour la construction d’activités plus ou moins spécialisées en province. Le plus souvent, l’accroissement du portefeuille de services et l’expansion géographique visent seulement à couvrir les coûts fixes.
Elles sont organisées selon trois grands types de positionnements : les plateformes business oriented, les plateformes social business oriented, et enfin, les plateformes not for profit oriented.
La multiplication des méga-plateformes constitue une tendance récente en France.
Par méga-plateformes, on entend des plateformes qui conservent les trois éléments constitutifs de la définition initiale (à savoir l’existence d’un lieu, d’une communauté et de services). Toutefois, elles se différencient des autres plateformes par la taille de leur espace physique, des communautés qu’elles animent et des moyens financiers consacrés ; Le premier constat qui s’impose est que la plupart des grandes métropoles françaises, mais aussi certaines villes intermédiaires comme Mulhouse, sont caractérisées par le développement de ces méga-plateformes. De par leur taille, elles vont impacter non seulement l’écosystème local mais aussi potentiellement l’activité des autres plateformes d’innovation localisées sur le même territoire. Elles représentent en effet un attracteur aussi bien pour les entrepreneurs que les grandes entreprises.