Les organisations de l’ESS peuvent elles être lucratives ?


"La lucrativité limitée des entreprises de l’économie sociale et solidaire", Bulletin de veille et de capitalisation d’innovation sociétale – n°59 – Octobre 2023

Les investisseurs en fonds propres ne peuvent espérer une augmentation de la valeur de ces fonds.

 

L’ESS regroupe divers types d’entreprises telles que les coopératives, les mutuelles, les associations, les fondations, ainsi que les sociétés commerciales qui remplissent des critères spécifiques définis par la loi. L’objectif est de concilier activité économique et utilité sociale.

 

Selon l’observatoire national de l’ESS, ce secteur compte environ 165 000 entités légales employeuses, principalement des associations, avec 2,4 millions de salariés, représentant ainsi 10,5% de l’emploi salarié en France (et 14% dans le secteur privé), ainsi que 12 millions de bénévoles. Elle contribue à hauteur de 10% du PIB.

⇒ La lucrativité dans l’ESS

♦ Les trois principaux fondements partagés au sein de l’ESS sont la gouvernance participative ou démocratique, la poursuite d’un projet d’utilité sociale et une limitation voire une interdiction de la recherche excessive de profits.

 

♦ En quoi consiste précisément cette limitation des bénéfices ? 2 aspects : 

 

-D’une part, les bénéfices ou les surplus éventuels générés par une structure de l’ESS doivent être principalement réinvestis au sein de la structure elle-même (dédiés au maintien ou au développement de son activité) et/ou partagés avec les salariés. Les réserves obligatoires, qui ne peuvent être redistribuées, sont intégrées au capital.

En ce qui concerne les sociétés, la distribution de dividendes est, soit secondaire, soit prohibée. En cas de liquidation ou, le cas échéant, de dissolution, la totalité du “boni de liquidation” doit être réaffectée à une autre structure de l’économie sociale et solidaire.

 

-D’autre part, les investisseurs en fonds propres ne peuvent espérer une augmentation de la valeur de ces fonds. Ainsi, ils ne peuvent s’enrichir grâce à ces apports. 

 *Pour les mutuelles (qui sont des sociétés de personnes), l’apport se fait à travers des cotisations. Les mutuelles sont incessibles ; il est impossible de récupérer les fonds.

*Dans les coopératives, les banques et les assurances mutualistes ainsi que les sociétés commerciales, l’apport de fonds se fait en échange de parts sociales ou d’actions qui peuvent être revendues selon des modalités spécifiques et en général sans possibilité de générer des plus-values. 

Elles ne rétribuent pas le capital investi et ne garantissent pas le maintien de sa valeur : en effet, le rachat au nominal (c’est-à-dire au prix initial), lorsqu’il est possible, ne compense pas la perte due à l’inflation. Un calcul simple montre ainsi qu’a priori, l’apport en capital se fait à perte.

 

*Cependant, dans le cas des coopératives, les avantages liés à la qualité de coopérateur peuvent compenser, dans certains cas, ces pertes en capital. Cette contrainte a un aspect positif en ce sens qu’elle permet une certaine sécurisation et pérennité des structures de l’ESS, qui sont à l’abri des cessions et autres restructurations liées aux opérations “financières” visant principalement à dégager de la valeur pour les actionnaires ou les détenteurs de parts sociales.

 

*Cela signifie également que ces structures ne peuvent pas attirer massivement l’épargne des ménages. Elles ne rémunèrent ni le risque (qui existe néanmoins), ni la privation de l’usage de l’argent placé (et la préférence pour le présent de la plupart des épargnants), ni le coût d’opportunité (le gain lié aux alternatives disponibles).

Elles ne peuvent offrir que des rendements limités pour les membres sociétaires ou coopérateurs. Le développement ne bénéficiera pas aux investisseurs en fonds propres.

 

Les principes régissant le partage de la valeur dans l’ESS semblent privilégier d’une part la qualité d’utilisateur par rapport à celle d’investisseur (notamment avec la “double qualité” des membres sociétaires ou coopérateurs qui sont à la fois investisseurs et utilisateurs), et d’autre part la pérennité de la structure plutôt que l’enrichissement de l’investisseur. Ainsi, sur le plan financier, la logique de l’ESS est bien différente de celle des sociétés capitalistes. Cela n’est pas le cas pour le deuxième pilier (l’utilité sociale) que l’on peut trouver dans les entreprises à mission ou à impact positif. 

⇒ 7 modèles socio-économiques associatifs.

♦ Associations à financement par cotisations et à forte intensité d’usage du bénévolat (27% des associations) .
Il s’agit de petites associations dont le budget moyen est légèrement inférieur à 10 000€. L’intensité d’usage du volontariat y est la plus forte de tous les modèles, même si le nombre moyen d’heures bénévoles (395) est le plus faible.

Moins de 4% sont des structures employeuses et, pour un peu plus de neuf organisations sur dix, les adhérents sont uniquement des personnes physiques.

 

♦ Associations à ressources hybrides (25% des associations). Les associations de ce modèle connaissent la plus forte diversification des ressources monétaires ; mais l’intensité d’usage du bénévolat y est forte.

3/4 des associations bénéficient de mises à disposition de locaux ou de terrains.

92% n’ont comme adhérent que des personnes physiques. 

4% son( employeuses et ont un budget moyen modeste (14 000€).

 

♦ Un modèle atypique avec le plus fort degré de concentration des ressources (15% des associations) ; 2 types différents,  l’un constitué d’associations financées quasiment exclusivement par des recettes d’activité privées (49% des associations) et l’autre d’associations financées par des dons (43% des associations).
La part des associations bénéficiant de mises à disposition de locaux ou de terrains est la plus faible de tous les modèles. 

La part des associations employeuses est plus forte dans la composante qui tire ses ressources des recettes d’activité privées (15% contre 6% pour la composante financée par les dons).

 

♦ Associations marchandes (12% des associations), avec une forte concentration des ressources monétaires sur les seules recettes d’activité privées. Elles ont un faible indicateur d’intensité d’usage du bénévolat. Elles sont un peu plus de six sur dix à bénéficier de mises à disposition de locaux ou de terrains, et sont 14% à avoir au moins une personne morale parmi leurs adhérents,
Un peu moins d’une sur cinq est employeuse et un budget moyen (près de 110 000€).

 

♦ Associations à cotisations dominantes avec un apport de ressources d’origine publique (10% des associations), où les ressources publiques chiffrent un peu moins d’un tiers. 
Leur intensité d’usage du bénévolat est moindre tandis que la part de celles qui bénéficient de mises à disposition est nettement plus élevée (8 sur 10).

La part des structures employeuses est également plus importante (17%). Le budget est de 23 000€.

 

♦ Associations à ressources monétaires diversifiées (7,4% du nombre total d’associations). La moitié des associations y sont employeuses, un tiers d’entre elles ont au moins une personne morale parmi leurs adhérents et 60% bénéficient de mises à disposition de locaux ou de terrains. Le budget moyen annuel est de près de 250 000€.
S’agissant du bénévolat, si son intensité moyenne d’usage est très modérée, il est celui pour lequel le nombre annuel moyen d’heures bénévoles par association est le plus haut (2 083 contre 770 pour l’ensemble du secteur). 

 

♦ Associations employeuses à financement public (3,2% des associations). Les ressources d’origine publique représentent les 3/4 des recettes). Sur 10 associations de ce modèle, 9 sont employeuses et mobilisent près de la moitié des heures de travail salarié de l’ensemble du secteur associatif. La taille moyenne de leur budget s’approche de 1,2M€. L’intensité d’usage du bénévolat est la plus faible, même si le nombre moyen d’heures bénévoles par association y est plutôt élevé (1293 heures).

Plus d’une association sur deux a au moins une personne morale comme adhérent. 

 

 

Pour en savoir davantage : https://institut-isbl.fr/paysage-associatif-les-tendances-dune-epoque/

Lu dans le Bulletin de veille et de capitalisation d’innovation sociétale – n°59 – Octobre 2023