Apports et impacts de la croissance des entreprises


"PME et ETI, repenser la croissance", BPCE L'Observatoire, mai 2016

Méthodologie: à partir des données de plus de 150 000 PME et ETI françaises suivies entre 2004 et 2014, BPCE L’Observatoire a constitué une base de données inédite, rassemblant un panel homogène de 48 000 PME et ETI françaises, ayant fourni les données sur leurs effectifs, et les principaux indicateurs de structure et de croissance chaque année, sur une période de dix ans.

2 enquêtes ont été conduites :

-une enquête quantitative réalisée par l’institut Audirep en janvier 2015 auprès de 902 dirigeants d’entreprises de 10 à 999 salariés (échantillon construit selon la méthode des quotas afin de disposer d’effectifs suffisants dans chaque strate de taille d’entreprise et chaque secteur d’activité, puis redressement).
– une étude qualitative réalisée par l’institut Sorgem en mai et juin 2015 à partir d’entretiens individuels d’une heure et demie menés auprès de 22 dirigeants d’entreprises de 10 à 999 salariés, répartis selon le nombre de salariés et la diversité des phases de développement (croissance, consolidation, repli…), centrés sur 4 secteurs d’activité (industrie, BTP, commerce de gros et services aux entreprises).

3 indicateurs ont été retenus : la valeur ajoutée, le nombre de salariés et l’EBITDA (croissance financière). En tenant compte de la distribution en nombre des PME et ETI, les niveaux des indicateurs (forte ou faible croissance, stabilité, repli modéré et fort) ont été affectés à des seuils fixes pour permettre la comparaison des niveaux de croissance entre plusieurs périodes.

 

 

La croissance garantit d’abord la survie, a minima réduit fortement les risques de disparition d’une entreprise. C’est la première étape du cycle de vie; le fait de croître fortement en effectifs ou en actifs sur une période nécessairement limitée dans le temps n’est pas un gage absolu de pérennité à long terme, mais selon les travaux de la BPCE, double les chances de survie de l’entreprise, jusqu’à six ans après la période de forte croissance.

La croissance ouvre ensuite la porte des économies d’échelle et permet l’atteinte de la taille optimale qui maximise les profits et minimise les coûts opérationnels.

Elle permet aussi d’asseoir et de sécuriser sa position et sa rente dans un marché concurrentiel: plus le marché est rentable (jeune, florissant et dynamique), plus il est primordial d’atteindre sa taille critique au plus vite. Cette recherche d’atteinte rapide de la taille optimale concerne notamment des entreprises en début de cycle de vie, soit jeunes, soit positionnées sur des marchés dynamiques.

 

Si la taille optimale de l’entreprise est atteinte et si les débouchés pour augmenter les parts de marché ou atteindre un marché plus vaste, sont jugés insuffisants ou trop incertains, le dirigeant hésitera à faire prendre un risque vital à son entreprise dans un contexte de faible valorisation; de plus, l’investissement en période d’instabilité et de fragilité économique induit un fort coût d’opportunité;  ces travaux montrent que la croissance en taille est corrélée positivement à la performance financière passée; la consolidation financière de l’entreprise devient un préalable à l’apport de capitaux ou de financements.

 

Les données statistiques agrégées des PME et ETI françaises montrent la façon dont celles-ci se sont collectivement comportées depuis une décennie au regard de ces différentes logiques.Selon les données issues de la base FIBEN, les PME ont connu une croissance moyenne de leur chiffre d’affaires de 5,9% (4,9% pour les ETI) entre 1998 et 2008, malgré 2 années de ralentissement à 2,5% l’an en 2002 et 2003,

La croissance moyenne selon les données BPCE est de 3,6% entre 2005 et 2008 et de 1,8 entre 2010 et 2013, les petites PME ayant connu une baisse plus sensible que les moyennes PME (de 3,5 à 1,7% contre 3,8 à 2,3%); noter que celle-ci est proche pour les ETI (de 3,5 à 2%).

Cette rupture s’est doublée d’une dégradation généralisée des taux de marge, malgré un léger redressement entre 2000 et 2008 (22,8%, contre 26,9 pour les ETI), décrochant de 1,5 point depuis 2009 (2,8 points pour les ETI); cette décroissance est le fait de la hausse des frais de personnel en 2011, des impôts en 2012, du fait du CICE, on constate un redressement; Cette rupture s’est doublée d’une dégradation généralisée des taux de marge; le taux d’investissement conjoncturellement corrélé à la rentabilité économique, est en repli, avec une baisse du taux d’endettement (34% contre 41 à 44 entre 2007 et 2012 pour les PME et 54% contre 60 à 68 pour les ETI).

Noter que la structure financière semble avoir été beaucoup plus protectrice pour les ETI et les ME que pour les PE; la crise de 2008 a été marquée par un accroissement considérable de la disparité des performances individuelles.

 

La modélisation économétrique des données de croissance de 48 000 PME et ETI françaises entre 2003 et 2013 montre que les jeunes entreprises croissent effectivement plus rapidement que leurs aînées, quelle que soit leur taille; la dynamique naturelle des premières années de l’entreprise est d’autant plus efficace, que celle-ci est de petite taille ; elle s’érode singulièrement à partir de 50 salariés.

Les freins au franchissement du seuil des 50 salariés, comme au passage au statut d’ETI, ne tiennent donc pas seulement au poids de la réglementation mais relèvent aussi de contraintes organisationnelles, financières et économiques (optimisation des moyens de production)

 

Parmi les entreprises de moins de 5 ans, la part des gazelles (entreprise de moins de 5 ans avec une croissance annuelle d’au moins 20% pendant 3ans) se réduit sur la période 2010-2013 (13,5% en 2013 vs 23 en 2007 et 21en 2010). Les girafes (idem les gazelles mais plus de 5 ans) passent de 22 à 13% entre 2007 et 2013. Toutefois ces dernières progressent de 10 à 15% des emplois alors que les gazelles ont un même effectif médian.

Les gazelles se différencient des autres PME par une productivité salariale et une rentabilité économique et financière plus élevées de 5 à 9 points de pourcentage; elles sont également moins endettées et optent pour un financement axé sur l’augmentation des capitaux propres plutôt que sur l’endettement financier (un taux de croissance de 26% des capitaux propres à comparer à 15% pour les autres PME).

 

Mais peut-on convertir les PME françaises au modèle des ETI allemandes ? Au-delà de celles qui s’inscrivent déjà dans un changement d’échelle, il semble plus réaliste de favoriser la restauration des comptes et la levée de l’inhibition à investir, en favorisant l’innovation, l’export et, transversalement, le travail en réseau. Le développement d’écosystèmes entrepreneuriaux ouvrirait le champ des possibles à l’ensemble des entreprises qui s’en sentent l’ambition mais qui manquent de moyens, notamment du fait d’une taille insuffisante en favorisant l’émergence de gains de compétitivité.