Quel impact du covid sur l’activité dans les zones d’emploi ?


"Vulnérabilité économique des zones d’emploi face à la crise" France Stratégie, juin 2020

Méthodologie : recours aux données par secteur d’activité produites au niveau national par l’Insee, la Dares, Pôle emploi et France Stratégie. À partir de ces données, sont calculées des indices d’exposition des emplois au sein des différentes zones d’emploi, pour la période du confinement, puis pour les premiers mois de déconfinement (mai-juin). Plusieurs géographies de vulnérabilité des territoires pour la fin d’année 2020 sont estimées à partir de différents scénarios de reprise économique. 

3 méthodes différentes sont utilisées : la 1ére est basée sur l’augmentation observée du chômage local, la 2éme sur une méthodologie propre à France Stratégie pour évaluer la vulnérabilité des métiers (un indicateur composite de vulnérabilité économique à partir des caractéristiques de l’activité locale), la 3éme sur la perte d’activité économique estimée. 

 

La crise ne semble pas redoubler les fractures identifiées entre zones denses et zones peu denses, entre zones à fort et faible taux de chômage ou encore entre zones riches et zones pauvres.

 

Du fait de leur spécialisation économique, toutes les zones d’emploi ne sont pas exposées de la même manière aux conséquences économiques de la crise sanitaire. Certains territoires ont été affectés plus fortement que d’autres par la mesure de confinement, en raison par exemple d’un poids élevé de l’économie présentielle (notamment le commerce, l’hébergement et la restauration) ou d’un poids faible d’activités considérées dans la crise comme prioritaires.

⇒ 3 méthodes pour observer et mesurer

♦ 1ére méthode : l’indice « Hausse du nombre de demandeurs d’emplois » entre avril 2019 et avril 2020

Presque 50% des zones d’emploi (150 zones d’emploi) ont subi une hausse de plus de 3 points de taux de demandeurs d’emploi de catégorie A entre avril 2019 et avril 2020; seules 12% ont connu une hausse inférieure à 2 points, alors que le taux de chômage national juste avant la crise était sur une tendance légèrement baissière.

42 zones d’emplois voient leur taux de demandeurs d’emploi augmenter de plus de 4 points dont 8 au-dessus de 6 points, toutes dans les Alpes (Tarentaise, Vallée de l’Arve), en Corse (Sartène-Propriano, Calvi, Porto-Vecchio) ou sur le littoral méditerranéen (Arles, Agde-Pézenas, Fréjus-Saint-Raphaël).

Les autres hausses les plus marquées se situent dans quelques zones très touristiques (Sarlat, Lourdes, Honfleur) ou industrielles (Saint-Nazaire, Châtellerault, Issoudun). Il ne s’agit donc pas forcément de zones d’emploi à fort taux de chômage.

 

♦ 2éme méthode : Indice composite de risque de perte d’emploi lié à la crise

La vulnérabilité de l’emploi local varie en fonction du poids des activités prioritaires définies lors du confinement dans l’activité locale, de l’exposition des emplois locaux au risque sanitaire (% d’emplois où l’emploi en télétravail est impossible), de la vulnérabilité des emplois (% de contrats à durée limitée et pourcentage d’indépendants) ou encore de l’inscription des secteurs dans la chaîne de production mondiale. 

Cette approche rend compte d‘une fragilité plus élevée des secteurs industriels du fait notamment des faibles possibilités de recours au télétravail ainsi que de leur dépendance aux chaînes de valeurs internationales. On observe une vulnérabilité forte des zones industrielles à l’Ouest et surtout à l’Est de la France, avec les zones d’emploi autour de Strasbourg (Sélestat, Molsheim, Saverne).

 

Cette méthode fait également beaucoup ressortir les territoires tournés vers un tourisme de montagne, tandis que les zones côtières apparaissent relativement moins touchées du fait d’une grande diversité sectorielle.

 

Le poids de secteurs tels que l’agriculture et l’industrie alimentaire, en lien avec les activités prioritaires, est un élément déterminant de résistance au choc du confinement : les zones très agricoles telles que la Lozère, la Corrèze ont un indice d’exposition faible. Au contraire, l’industrie automobile pénalise fortement les territoires où elle est concentrée, notamment dans le Grand Est et en Bourgogne-Franche-Comté. L’hébergement et la  restauration expliquent quant à eux plus de 20% de l’hétérogénéité de ce score.

 

♦ 3éme méthode : l’indice « Perte d’activité »

Plusieurs études ont mis en évidence l’exposition différenciée des secteurs d’activité pendant la période du confinement : écart entre le niveau d’activité au niveau d’activité habituelle, données administratives relatives au nombre de demandes d’autorisation préalable d’activité partielle et au nombre de demandes d’indemnisation, estimation du nombre de salariés en activité partielle en mars et avril, à partir de l’enquête Acemo-Covid.

⇒ A partir de ces données on mesure 4 indices d’exposition des zones d’emploi pour 88 secteurs.

♦ Les zones à l’indice de vulnérabilité le plus élevé sont les zones littorales (notamment la Côte d’Azur – Fréjus‐Saint‐Raphaël, la Corse – Bastia, Propriano, la Côte Atlantique et la Normandie – Honfleur), montagnardes (les Alpes : Mont Blanc, Tarentaise) et fortement industrielles (Alsace-Lorraine – Haguenau, Molsheim, Saverne – et Pays de la Loire – Saint‐Nazaire, Les Herbiers). Au-delà de celles-ci, certaines grandes métropoles – à l’exception de Lille, Rennes et Rouen, qui possèdent les plus fortes parts d’emploi public parmi les grandes métropoles, – ressortent également comme fortement exposées ainsi que le sillon rhodanien.

 

♦ La diagonale partant du Luxembourg jusqu’à l’Espagne (notamment Verdun, Châlons‐en‐ Champagne, Guéret, Cahors, Tulle, Aurillac, Mont‐de‐Marsan), moins densément peuplée et moins dynamique que le reste du territoire, mais avec un taux d’emploi public important) semble moins vulnérable.

♦ Quelle que soit l’approche utilisée, les résultats sont comparables : les écarts entre territoires sont expliqués d’abord par l’industrie, la construction, le commerce et l’hébergement, fortement affectés par la crise sanitaire, représentant un nombre important d’emplois ; ils  sont concentrés dans un nombre limité de zones d’emploi. À l’inverse, les secteurs d’activité qui comptent un nombre d’emplois peu important ne pèsent pas, même lorsqu’ils sont très fortement concentrés (c’est le cas des arts et spectacles).

Ces secteurs contribuent à eux seuls à 65% de l’hétérogénéité du score d’exposition (20% pour les HCR, 12% le commerce, 12% l’industrie, 10% la construction…).

 

La crise ne semble pas redoubler les fractures identifiées entre zones denses et zones peu denses, entre zones à fort et faible taux de chômage ou encore entre zones riches et zones pauvres.

Toutefois, les zones les plus riches sont plus exposées économiquement du fait d’un emploi public moins prépondérant. Les zones à fort taux de chômage semblent légèrement plus protégées des conséquences économiques du confinement.

 

♦ L’activité a redémarré dans de nombreux secteurs à partir du mois de mai, comme l’ont
observé l’Insee et la Banque de France dans leurs publications récentes. Comment ce redémarrage a-t-il bénéficié aux différents territoires ?

Parmi les zones d’emploi qui connaissent les rebonds les plus importants, on retrouve principalement des territoires qui étaient très fortement exposés. Ainsi, le Mont Blanc, la Tarentaise, la Vallée de l’Arve dans les Alpes font partie du top 4 des zones d’emploi aux rebonds les plus forts; les territoires très industriels, comme Haguenau, Les Herbiers ou encore la Vallée de la Bresle, connaissent eux aussi un rebond important et les zones côtières de la Méditerranée.

 

Mais des difficultés existent : l’industrie a accumulé ou continue d’accumuler des stocks importants, qu’il faudra écouler, alors que les aléas sur les échanges extérieurs restent élevés. Les services de proximité ou présentiels, restent assujettis à des contraintes règlementaires sur leur activité. Les freins à la mobilité internationale, réglementaires mais aussi psychologiques, impactent le secteur du tourisme.

⇒ Cinq familles sont distinguées dans l’estimation de la reprise :

♦ Le secteur agro-alimentaire (agriculture plus industrie alimentaire), la construction, l’industrie, les services présentiels (liés à une demande de proximité) et les services productifs (liés à une demande nationale ou internationale).
La reprise économique des zones d’emploi dépendra de façon marginale du secteur agro-alimentaire; le secteur de la construction pèsera un peu plus, mais de façon relativement
homogène  L’essentiel de la reprise dépendra des secteurs industriels, des services productifs et surtout des services présentiels.

 

♦ Dans une centaine de zones d’emploi, principalement situées dans la moitié Nord du pays, la reprise économique dépendra à plus de 20% du rebond des secteurs industriels. Une vingtaine de zones, principalement des agglomérations de moins de 50 000 habitants et leur couronne péri-urbaine, dépendront à plus de 35% du rebond de l’industrie (Oyonnax, Issoudun, Saint-Claude, Châtellerault, Issoire, Nogent le Rotrou).

 

♦ Les zones d’emploi des régions Bretagne, Occitanie, PACA et Nouvelle-Aquitaine dépendront en général peu de la reprise dans ce secteur, alors que le secteur présentiel y sera plus important qu’ailleurs. Les zones d’emploi des agglomérations les plus peuplées du pays dépendront plus que les autres de la reprise des services présentiels.

 

♦ Pour les zones littorales du Sud du pays, le rebond de l’activité dépendra bien évidemment également du tourisme lors de la période estivale, pendant laquelle le nombre d’emplois dans les services présentiels connaît une augmentation de l’ordre de 50 voire 100%.

 

♦  La reprise d’une part importante de grandes agglomérations (dont Paris, Lyon, Marseille, Lille, Strasbourg) dépendra pour plus d’un tiers du secteur présentiel et pour plus d’un tiers du secteur des services productifs.

 

Pour en savoir davantage : https://www.strategie.gouv.fr/point-de-vue/vulnerabilite-economique-zones-demploi-face-crise