Que dit l’OCDE de la France ?


"Laurence Boone : « En France, les salaires nominaux vont augmenter substantiellement »", Les Echos du 7 janvier 2022

Laurence Boone, cheffe économiste de l’OCDE,  porte un constat critique sur la France, insistant sur les axes d’évolution.

 

“La cheffe économiste de l’OCDE estime qu’Omicron ne fera « pas dérailler » la reprise dans les pays développés. Elle croit à une inflation qui s’installe durablement entre 2 et 3% par an, avec une hausse des salaires à la clé. « L’éducation est le premier défi de la France à moins de 100 jours de la présidentielle.”

⇒ les évolutions actuelles :

♦ La force du numérique, atout pour le télétravail pendant la crise sanitaire est aussi une cause de fragmentation, entre pays, personnes et activités. Et puis, les métaux et les minerais qui sont nécessaires au numérique sont concentrés en Asie et en Afrique, qui attire beaucoup d’investissements chinois. Cela crée des inquiétudes et de nouvelles dépendances.

 

♦ D’autres secteurs clés sont également touchés par la numérisation : l’éducation, mais aussi les paiements, avec l’explosion des « monnaies » dites virtuelles. Et tout autant la question environnementale, les secteurs profitant de la mobilité, comme le transport aérien ou le tourisme, vont connaître des mutations.

 

♦ Enfin, la question du pouvoir d’achat des salariés de « première ligne », ceux qui ne peuvent pas télétravailler et dont les revenus ont peu progressé depuis trente ans, va se poser. Tous les pays de l’OCDE le disent et cherchent les moyens de pousser les entreprises à augmenter les salaires et à améliorer les conditions de travail (horaires pénibles, éloignement des domiciles).

⇒ Que dire de l’inflation ?

la hausse des prix de l’énergie et alimentaires, ainsi que les tensions sur les chaînes de production, expliquent une grande partie du retour de la hausse des prix. Celle des prix de l’énergie peut être durable : elle est nécessaire pour que l’on déplace la demande des énergies carbonées vers les énergies non carbonées ; les travaux de maintenance de la production d’électricité ont également pâti des restrictions liées au Covid ; et les investissements dans la production pétrolière ont reculé avec la baisse des prix entre 2011 et 2014.

La hausse des prix alimentaires est incertaine. En revanche, les chaînes de production devraient s’adapter.

⇒ “A la question, quels sujets devraient être traités dans le débat présidentiel français selon vous ?”

“La question des finances publiques est essentielle si la France veut dégager les marges de manœuvre nécessaires pour traiter les faiblesses que sont l’éducation, le financement du système de santé, et l’égalité des chances.

 

♦ L’éducation est aujourd’hui le premier défi de la France. C’est un sujet fondamental sur le plan politique et économique : il s’agit du capital humain et donc de la productivité du pays, mais aussi de la formation des citoyens et donc de la démocratie. L’abandon des mathématiques va d’ailleurs à contre-courant des besoins de notre société qui fait face aux défis de la numérisation et de l’innovation.

 

♦ La France est aussi mauvais élève en Europe pour l’emploi des jeunes et des seniors.  : s’agissant des jeunes, l’absence de passerelles entre les cursus général et technique est un frein. Quant aux seniors, on part 5 ans plus tôt à la retraite que dans les autres pays de l’OCDE malgré une espérance de vie comparable.

 

Et la réindustrialisation ? Pendant longtemps, la France a souffert d’un manque de compétitivité prix. Aujourd’hui elle a surtout un problème d’emploi et de compétences, d’où l’importance de l’éducation. Elle pâtit aussi de réglementations contradictoires.

⇒ “L’enjeu est aujourd’hui de changer sa culture des finances publiques et de L’État”.

En fait, la France est le pays de l’OCDE où le taux de dépenses publiques et le niveau d’imposition sont les plus importants. C’est également un pays qui a un niveau de réglementation très élevé. A l’OCDE, personne ne la voit comme un pays particulièrement libéral. Tout l’enjeu pour elle est aujourd’hui de changer sa culture des finances publiques et de L’État.

 

“Dans tous les pays, deux éléments vont permettre de maîtriser la dette : la croissance et la priorisation des dépenses. Sur ce dernier point, il y a une vraie différence de culture entre l’Europe et les Etats-Unis. Aux Etats-Unis, on met en place des expérimentations, puis on les évalue ; et si elles ne marchent pas, on les arrête. Dans beaucoup de pays européens en revanche, on lance des dépenses et ensuite, on ajuste avec les impôts mais il est rare qu’on arrête un projet. Cette culture doit évoluer.”

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