« Le précédent rapport concluait, malgré la dégradation de leurs marges, à la bonne tenue de leur situation financière, notamment en termes de fonds propres, mais s’interrogeait sur la dynamique de l’investissement. Pour le présent rapport, l’Observatoire a décidé de s’intéresser à la période écoulée depuis 2000, afin de replacer les évolutions intervenues, y compris l’impact de la crise financière, dans une perspective plus longue. »
La dégradation des performances économiques des PME que l’on observe depuis le début des années 2000 s’est accentué à partir de 2008.
En 2012, le taux de marge des sociétés non financières atteint son plus bas niveau depuis le milieu des années 80. Si celui-ci a légèrement augmenté entre 2000 et 2007 dans les PME (+0,9 point au total sur 7 ans) et les ETI (+0,4 point) et a baissé dans les grandes entreprises (0,6 point), entre 2008 et 2010, le taux de marge a baissé de 2,2 points au sein des PME, 3,1 points dans les ETI et 0,5 point dans les grandes entreprise ; il a à nouveau baissé les deux années suivantes de près de 1 point dans les PME et les ETI, et de 5 points dans les grandes entreprises.
Mais ces évolutions recouvrent des réalités sectorielles contrastées : il a constamment baissé dans l’industrie entre 2000 et 2007 (-3 points), et augmenté dans le secteur de la construction (+8 points).
Comparée aux autres pays, la France se distingue par sa situation d’avant crise où son taux de marge est demeuré relativement peu dynamique (+1,0 point entre 2000 et 2007) alors qu’il était en forte augmentation en Allemagne (+7,3 points), et dans une moindre mesure aux Etats-Unis (+4,9 points) et au Royaume-Uni (+1,5 point).
A partir de la crise, la baisse en France (-3,4 points entre 2007 et 2012) se retrouve également dans les autres pays, tels l’Italie (-4,5 points), l’Allemagne (-4,6 points), moins au Royaume-Uni (-2,9 points) ; on constate une hausse aux Etats-Unis (+2,7 points).
Le tassement du taux de marge des PME traduit une évolution des charges de personnel, notamment des salaires (rôle déterminant), plus dynamique que la valeur ajoutée ; le taux de marge a baissé de 2,3 points entre 2000 et 2012, avec une progression de 5,1 points de la valeur ajoutée, mais un hausse de 8,1 points des salaires), alors que les cotisations employeurs ont baissé de 0,7 point (montée en charge des allégements généraux de cotisations sociales sur les bas salaires).
Le taux de marge des PME les plus efficaces (1/4 des PME) a peu bougé (31,4% en 2012, 34,2% en 2011, 32,6% en 2000, soit une baisse de 1,2 point sur la période), alors que le taux de marge médian a baissé de 2,7 points et celui des PME en situation plus difficile (¼ des PME) a baissé de 3,2 points.
Conséquence, le taux d’épargne des PME a reculé de près de 3 points depuis 2000, plus que dans les entreprises européennes ; en revanche, la résilience des fonds propres des PME qui ont résisté à la crise leur a permis de maintenir une situation financière solide ; on en peut nier toutefois l’aggravation de la fragilité de certaines PME depuis 2008.
Alors que l’endettement a plutôt augmenté, la baisse des taux d’intérêt a permis une baisse des intérêts versés qui a contribué à accroître le taux d’épargne des PME (+0,7 point entre 2000 et 2012), mais la hausse des dividendes (+3,1 points) et la contrepartie du développement des participations croisées (structuration en groupe et développement de marché de capitaux internes aux groupes) ont accentué la dégradation de l’épargne ; ainsi, la part des « autres prêts » (notamment les comptes courants d’associés et les comptes entre sociétés d’un même groupe) dans l’endettement financier des PME a crû de 7,6% entre 2002 et 2012.
La dette financière des PME, composée d‘emprunts bancaires, d’émission de titres de créance (obligations, billets de trésorerie, etc.) et des autres financements spécifiques (avances conditionnées, emprunts participatifs, apports des groupes et associés), a crû à partir du milieu des années 2000 dans un contexte où l’investissement est resté relativement dynamique et où le taux d’autofinancement (épargne sur investissement) s’est contracté ; de ces faits, la croissance du volume de dette a été plus rapide à partir de 2004, en particulier au cours de la crise (+10 % par an en moyenne sur la période 2004-2011 contre +1,5% auparavant) ; l’endettement continue de croître de 2,7% en 2012.
La charge du crédit interentreprises est stable pour les PME : les crédits fournisseurs constituent une source de financement de court terme et sont la contrepartie de créances clients. L’Observatoire des délais de paiement estime que, depuis 2000, le raccourcissement du délai de paiement des fournisseurs (53,1 jours en 2011 -13,6% entre 2000 et 2011) a été pour les PME plus marqué que le raccourcissement des délais de paiements clients (43,7 jours en 2011, -10,2% entre 2000 et 2011)). Au total, la charge financière supportée par ces PME s’alourdit légèrement.
En parallèle à cette augmentation de la dette financière, les PME ont procédé à un renforcement de leurs fonds propres (mise en réserve des résultats passés), moins pour épargner en vue d’un investissement, que de faire face à d’éventuels chocs négatifs. Si les fonds propres continuent de progresser en volume depuis la crise, le rythme est de moins en moins dynamique (+4,8% en 2012 contre +11,4% en 2007 (+2,9% en moyenne en 2012 contre +9,9% en 2007 pour l’ensemble des entreprises).
Mais on constate une hétérogénéité croissante parmi des PME ; le ratio médian de fonds propres est ainsi passé de 40,8% en 2007 à 38,6% en 2011, mais pour le quartile inférieur il est passé de 21,7% à 18,3% ; 7 % des entreprises affichent des capitaux propres négatifs en 2012.
La solvabilité des PME est meilleure que celle des autres catégories d’entreprises ; le niveau des fonds propres a crû sur la décennie 2000 et a mieux résisté pendant la crise.
Le taux d’investissement des PME, plus faible que celui des ETI et des grandes entreprises, est resté stable autour de 19% ; l’évolution des modalités de financement (réduction de l’autofinancement au profit du financement par endettement) ne semble pas avoir affecté le niveau de l’investissement. Toutefois, l’effort d’investissement a concerné largement des investissements défensifs (renouvellement, mise aux normes), notamment la croissance de l’investissement immobilier, alors que l’investissement d’extension de capacité et d’introduction de nouveaux produits est resté limité.
L’année 2011 a permis de compenser les deux précédentes années de baisse de l’investissement (+20% en variation annuelle après -8% et -3% en 2009 et 2010) ; 2012 s’est avérée en revanche peu porteuse en termes d’investissement chez les PME (-9%). l’investissement des entreprises baisserait en 2013.
Rapporté à la valeur ajoutée, le taux d’investissement des PME est structurellement plus faible que celui des ETI et des grandes entreprises ; de plus, les PME investissent de manière beaucoup plus irrégulière dans le temps et une bonne partie d’entre elles investissent peu ; le taux d’investissement ne dépasse 12% que pour le quart des PME, contre 20% pour les ETI et 21% pour les grandes entreprises, et pour la moitié des PME, il n’excède pas 4%.
L’investissement des PME a crû en moyenne de 2,6% par an sur la période 2000-2012, comme la valeur ajoutée (+2,8%).
La bonne tenue du taux d’investissement a été en partie permise par des conditions de financement en termes de taux de plus en plus favorables depuis vingt ans, qui ont contribué, surtout sur la période 2004-2007 à ce que de nombreux projets soient financés ; par ailleurs, les modalités de financement de l’investissement des PME ont évolué : forte baisse de l’autofinancement (baisse de 13 points entre 2000 et 2012 passant de 82% à 65%).
Depuis les années 2000, la France est le seul pays dans lequel le taux d’investissement n’a pas baissé (du fait des grandes entreprises et pas des PME) : il est resté proche de 19% alors que cette baisse est comprise entre 2 points et 7 points en Allemagne, Italie, Royaume-Uni et Espagne.