Une analyse fine de la cession et de la reprise au sein des PME (de 10 à 249 salariés)


BPCE, « quand les PME changent de mains : microscopie et enjeux de la cession-transmission », journées de la transmission d’entreprise le 21 juin 2012

 12 315 opérations de transmission ont été dénombrées : 7 469 sont le fait de cession (dont 1 000 via une holding), 3 211 le fait de changement d’actionnaire principal ou de dirigeant, 1 635 des transmissions familiales.

 

58% des opérations interviennent avec des cédants de moins de 55 ans.

 

Les PME transmises sont pour la moitié indépendantes, et pour l’autre moitié appartiennent à un groupe (dont 38% à un petit groupe et 16% à un grand groupe) ; l’appartenance à un groupe monte en puissance avec la taille de l’entreprise :

 

Ensemble

10-19 sal

20-49 sal

50-99 sal

100-249 sal

Entreprise indépendante

48

62

41

22

12

Appartient à un petit groupe

38

32

44

45

34

Appartient à un grand groupe

16

5

15

33

54

On constate de profondes disparités territoriales qui ne tiennent pas seulement à des facteurs structurels (âge, secteur ou taille) et de fortes disparités sectorielles (Les IAA, le commerce de gros ou les activités immobilières se renouvellent davantage par la cession, la construction disparaît plus fréquemment).

 

Les reprises l’ont été majoritairement par des entreprises existantes (entreprises micro et PME surtout), voire par des sociétés créées ad hoc ; les structures repreneurs différent selon la taille :

 

10-19 sal

20-49 sal

50-99 sal

100-199 sal

200-249 sal

Société créée pour la reprise

38

22

16

9,5

10

Micro-entreprise existante

24

19,5

17

19

23

PME

21

27

26

20,5

20

ETI et grande entreprise

5

11

15

18

20

Holding

5

10

13,5

20

14

Plusieurs repreneurs

6,5

10

11

12

13

Quant au prix de cession, deux groupes se dessinent ; selon la base infolégale (2 900 prix connus sur 6 000 opérations), la médiane est à 200 000€ (60% en deçà de 250 000€, 20% entre 250 et 500 000€) ; 20% ont un prix supérieur (5%, 1, million€ en moyenne).

Le foncier (locaux et terrains) y joue un rôle non négligeable : 1/3 estiment le foncier plus important que l’activité, et 13% qu’il y a égalité entre le foncier et l’activité ; ces estimations différent selon la taille de l’entreprise cédée, la valeur de l’activité montant en importance avec la taille :

 

Ensemble

10-19 sal

20-49 sal

50-99 sal

100-249 sal

L’activité est plus importante

48

45

48

60

64

Le foncier est plus important

33

37

32

22

18

Foncier et activité sont à égalité

13

12

15

15

7

Ne sait pas

5

6

5

1

8

Par ailleurs, 64% des dirigeants détiennent du foncier sous la forme de SCI, le plus souvent à titre personnel. Ceci conduit nombre d’entre eux à dissocier le foncier et l’activité elle-même dans la vente et ¼ à conserver le foncier.

 

Par ailleurs selon l’activité exercée, la nature de ce qui est cédé diffère :

Cession

Ensemble

Industrie

Commerce

Construction

Services

Activité seule

39

29

36

50

50

Activité et foncier ensemble

36

49

39

27

27

Séparée de l’activité et du foncier

20

15

18

16

16

Pas de réponse

5

6

7

6

6

 

Quid des cédants et de l’organisation de la cession ?

Les intentions de céder, observées dans une enquête quantitative ad hoc montre un net clivage entre les plus de 55 ans (69 à 79% pensent le faire dans les 5 ans) et les moins de 55 ans (22 à 39% pensent le faire dans les 5 ans) ; en moyenne, ils sont 44% à l’envisager dans les 5 ans et 30% à plus de 10 ans :

Cession envisagée

Ensemble

Moins de 40 ans

De 40 à 44 ans

De 45 à 49 ans

De 50 à 54 ans

De 55 à 59 ans

60 ans et plus

Dans 1 à 2 ans

24

13

13

17

18

36

49

Dans 3 à 5 ans

20

9

12

15

21

33

30

Dans 6 à 10 ans

20

13

19

21

35

18

6

Dans plus de 10 ans

16

27

24

28

16

4

9

Le plus tard possible

14

32

26

11

4

6

Ne sait pas

6

6

6

8

6

3

6

Noter que 12 600 entreprises, soit 780 000 emplois, ont des dirigeants âgés de 66 ans et plus

Toutefois, constat est fait d’un décalage entre les intentions de céder et les cessions effectives, essentiellement parmi les plus de 55 ans : 18% d’intention de céder pour les 55-59 ans et 8% de cession effective et 24% pour les 60 ans et plus avec 11% de cession effective. Ce décalage est lié en partie à un manque d’anticipation et au caractère anxiogène de l’opération.

 

Les freins sont bien connus et concernent dans des proportions proches à la fois ceux qui envisagent de céder très rapidement et ceux qui le feraient dans plus de 10 ans :

-Crainte de perte de confidentialité et les conséquences qui en découlent pour l’entreprise (41 et 39%)

-Difficulté d’identifier les bons conseils et interlocuteurs (37 et 34%)

– Manque de temps (35%)

– Prix élevés des consultants en cession (31 et 29%)

– Difficultés dues à la réglementation ou à la méconnaissance de ce qu’il faut savoir pour céder (27 et 26%)

– Appréhension de passer d’une vie active à la cession d’activité (19 et 20%)

– Perspective de perdre le lien avec son entreprise (14 et 20%)

 

Les dirigeants avouent une préparation insuffisante : 37% de ceux qui envisagent de céder sous moins de 2 ans disent être tout à fait prêts (40% pour les dirigeants qui auraient une proposition de reprise, 33% pour les dirigeants de plus de 55 ans et seulement de 7 à 16% pour ceux qui céderaient au-delà de 3 ans). De fait la reprise est davantage subie que revendiquée.

 

Deux catégories de cédants, issus de deux logiques différentes :

D’une part des quadragénaires attachés à l’esprit d’entreprise

– Davantage managers et repreneurs

– Plus flexibles, ils privilégient des structures plus complexes

– Leurs motivations : valoriser leur patrimoine mais aussi monter une autre activité ou relancer l’entreprise

 

D’autre part, des sexagénaires attachés à l’entreprise

– Plus souvent créateurs et techniciens

– Plutôt fidèles et soucieux de la pérennité de leur “Å“uvre”

– Leurs motivations : partir à la retraite d’abord, valoriser leur patrimoine et relancer l’entreprise ensuite

 

Une analyse confortée par les motivations de cession au regard de l’âge : les plus de 55 ans sont plutôt motivés par leur départ en retraite, alors que les moins de 55 ans le sont davantage d’une part pour rebondir dans de nouvelles opportunités, d’autre part pour faciliter un nouveau cap à l’entreprise cédée (notamment en y associant les salariés) :

Motivations en direction

Du cédant

De l’entreprise

Retraite

Valorisation de l’investissement

Opportunité de nouvelle activité

Nouveau cap pour l’entreprise

Associer les salariés

Trouver de nouveaux partenaires

Moins de 55 ans

43

47

47

45

35

29

Plus de 55 ans

78

46

17

32

28

26

 

Les objectifs prioritaires des dirigeants de PME de 55 ans et plus, dans le cadre de la cession de leur entreprise, sont la pérennité, la qualité du repreneur, la préservation de l’emploi avant le prix d’achat le plus élevé ou l’optimisation fiscale ; l’industrie et la construction sont les activités qui priorisent le plus la poursuite de l’entreprise, contrairement au commerce :

 

Pérennité de l’activité

Qualité du repreneur

Préservation de l’emploi

Prix d’achat le plus élevé

Optimisation fiscale

Ensemble

57

49

40

32

12

Industrie

65

55

40

24

8

Construction

60

46

48

34

7

Commerce

58

41

34

34

20

Services

51

55

41

31

11

Les objectifs prioritaires sont proches en ce qui concerne les moins de 55 ans, avec toutefois une demande plus forte pour obtenir le prix d’achat le plus élevé (entre 40 et 48% contre 24 à 34 pour les plus de 55 ans).

 

Le pari pérennité semble réussi puisque le taux de défaillance est très inférieur pour les entreprises cédées :

 

Ensemble

De 10 à 19 sala

De 20 à 49 sal

De 50 à 249 sal

De 250 à 499 sal

Entreprises

Cédées

Non cédées

Cédées

Non cédées

Cédées

Non cédées

Cédées

Non cédées

Cédées

Non cédées

Taux défaillance

3,1

11,4

1,7

12,7

4,4

10,7

4,7

8,2

3,5

5,9

Dont risque élevé

1,9

8,2

1,1

7,7

2,6

5,1

2,4

5,1

3,5

4,0

 

Le repreneur idéal est plutôt le concurrent, une personne physique ou une société ; la cession envisagée à 1 ou 2 ans privilégie la personne physique, alors que celle à plus longue échéance, notamment pour les PME les plus importantes, priorisent davantage les enfants ou le conjoint :

Cession

Concurrent

Personne physique

Société

Salariés de l’entreprise

Enfants, conjoint

Fonds d’investissement

Famille autre que conjoint, enfants

à 1 ou 2 ans

47

47

37

28

25

19

9

à moins de 10 ans

47

41

37

30

34

16

7

De PME 50-249 sal, dirigeant de plus de 50 ans

41

35

41

26

44

24

9

 

La quête du repreneur idéal… La famille, pourquoi non ?

– Dans la moitié des cas, mais plus souvent pour les petites entités, il y a absence de repreneurs potentiels dans la famille

– Il y a aussi la question du financement, notamment pour les jeunes dirigeants ou les petites entreprises

– Une proportion importante (30 %) cite également les difficultés d’une transmission équitable ou la complexité d’un pacte d’actionnaires

– Sans oublier la réticence à promouvoir auprès des enfants une qualité de vie jugée dégradée (une image beaucoup moins véhiculée par les dirigeants d’entreprises moyennes)

– Et la forte valorisation sociale d’un cursus d’études longues des enfants qui conduit à d’autres choix.

 

Le prix, une question secondaire ?

La recherche d’un prix “acceptable” à régler entre experts : une valeur que le cédant dit bien connaître mais sur laquelle il est prêt à transiger dans 63 % des cas, notamment s’il est âgé. Si la transaction n’est pas placée sur le terrain purement financier, un compromis est souvent trouvé

•En contrepartie d’une assurance donnée sur la pérennité de l’entreprise (les emplois et/ou les valeurs de celle-ci…)

•Le cédant acceptera de consentir une réduction du prix pour accroître les chances de succès du repreneur jugé le plus apte. L’échange extra-économique est souvent étendu à la transmission d’un capital informel plus large (savoir-faire, réseau relationnel, confiance des parties prenantes…)

Ainsi, la plupart des cessions se révèlent être aussi des transmissions

 

Prés de 70% des plus de 50 ans envisagent une décote sur le prix de cession de leur entreprise (entre 42 et 55% jusqu’à 20% ; peu au-delà). Les dirigeants des plus petites entreprises envisagent plus souvent une décote sur le prix de cession, quelque soit l’âge du dirigeant ; par contre les moins de 50 ans des entreprises de 20 salariés et plus, envisagent moins souvent une décote (mais cette attitude changera pour les plus de 50 ans de ce groupe) :

Décote envisageable

sur le prix de cession

Moins de 50 ans

Plus de 50 ans

10 à 19 sal

20 à 49 sal

50 à 249 sal

10 à 19 sal

20 à 49 sal

50 à 249 sal

Aucune

26

36

44

28

33

30

Moins de 10%

34

30

30

27

29

27

Entre 10 et moins de 20%

25

18

16

28

17

15

Entre 20 et moins de 30%

4

2

2

1

2

3

30% ou plus

4

1

2

4

2

4

NSP

7

12

7

11

17

20

 

Les dirigeants en passe de céder prochainement et les repreneurs en recherche de cédants disent faire face à plusieurs questions essentielles. Si celles-ci sont assez proches pour le cédant comme pour le repreneur ; ce dernier s’inscrit davantage dans la continuité de l’entreprise à assurer (motivation du personnel, portefeuille client), alors que le cédant s’inscrit plus dans l’accompagnement de son repreneur et la recherche du cadre fiscal et juridique le plus approprié)

 

Le cédant

Le repreneur

Trouver le repreneur ou le cédant de confiance

49

52

Assurer ou recevoir un accompagnement

39

23

Conserver la motivation du personnel

39

44

Maintenir le portefeuille client

27

33

Bien évaluer la valeur de l’entreprise

22

21

Trouver le cadre juridique fiscal le plus avantageux

19

12

 

Une altération du potentiel de croissance : les PME de moins de 50 salariés ou qui ont atteint une taille critique sur leur marché, privilégient en général la viabilité à la croissance ; de plus, au-delà de 55 ans, les dirigeants de PME ont tendance à amplifier ce comportement. Ils voient alors leur rentabilité économique et financière se dégrader parallèlement à un moindre recours aux dettes financières. De fait, 70 % des cédants à court terme préfèrent “stabiliser et consolider l’entreprise” plutôt “qu’engager des investissements pour développer” :

 

Cessions envisagées

Repreneurs récents

Le plus tard possible

Dans plus de 10 ans

Entre 6 et 10 ans

D’ici 3 à 5ans

D’ici 1 à 2 ans

Stabilisation et consolidation financière de l’entreprise

50

55

51

61

70

49

Investissements pour le développement

48

45

46

38

26

49

Ne sait pas

2

1

3

1

4

1

A partir de 45 ans, et bien plus à partir de 55 ans les dirigeants privilégient l’accroissement du patrimoine personnel (résidence secondaire, immeuble de rapport), alors que les revenus du foyer augmentent peu.

 

Les repreneurs, pour leur part, font choix d’investir pour développer :

 

Taux d’investissement

(Investissement/VA)

Taux d’endettement

(endettement financier brut/total bilan)

 

Taux élevé

Taux médian

Taux bas

Taux élevé

Taux médian

Taux bas

Avant la cession (2004)

39

26

35

31

32

37

Après la cession (2007)

50

19

31

48

25

27

En conclusion, et au-delà des idées reçues :

– Des cessions plus nombreuses (12 315 en 2010) et plus multiformes que communément admis

– L’âge n’est pas le critère central de la cession-transmission

Une forte montée des intentions de cession, supérieures aux réalisations (24% des dirigeants veulent céder d’ici à 2 ans et 49 % des 60 ans et plus)

Une recherche du « repreneur idéal » mal anticipée et qui se prolonge, d’où un vieillissement accentué des dirigeants de PME

– Les PME dont le dirigeant est très âgé ne disparaissent pas, mais elles ont de moindres performances économiques