Sur les 5 500 créations d’entreprises innovantes soutenues dans les deux premières années de leur vie par BPIFrance et le MESR entre 1998 et 2007, 8 % étaient initiées par une femme ; leurs créations sont plus modestes que celle des hommes.


« 10 ans de création d’entreprises innovantes en France : la création au féminin », BPI le Lab, mars 2014

Pour constituer une population d’entreprises homogènes du point de vue de l’innovation, Bpifrance a consolidé la liste de ses bénéficiaires d’une aide à l’innovation avec celle du MESR (Concours, incubateur, fonds d’amorçage, CIR, CIFRE, ANR, pôle de compétitivité, forum de capital-risque, organisme public de recherche) ; toutes ces entreprises sont fondées sur l’usage d’une technologie nouvelle ou l’utilisation nouvelle d’une technologie pré-existante.

Au final, 1 075 dossiers d’aide à l’innovation (sur 5 500 au total) ont été analysés par la Junior Entreprise d’HEC ; en janvier 2011, IPSOS a mené une enquête téléphonique auprès de 859 porteurs de projet encore présents dans la société créée (soit 24% des créations encore en vie à ce moment-là). Cette interrogation portait sur l’évolution du business model, les motivations au démarrage de l’activité et le jugement rétrospectif du créateur sur les conditions de création et de développement de l’entreprise.

 

 La dirigeante et le dirigeant

-À 39 ans et demi en moyenne, les femmes sont un peu plus jeunes que les hommes (41 ans) au moment de la création

-La formation ingénieur est la plus répandue quel que soit le genre (39% des créateurs et 34% des créatrices ; respectivement 22 % et 26 % pour les docteurs). Comparé aux poids des femmes dans les formations supérieures en 2008, elles représentent 44 % des personnes ayant décroché un doctorat, 38 % des docteurs en Sciences, 32 % des personnes habilitées à diriger des recherches, mais 27 % des diplômés des écoles d’ingénieurs

– Les biotechnologies, les matériaux, le génie des procédés et dans une moindre mesure la mécanique sont les domaines des créatrices ; logiciels, multimédia, électronique, traitement du signal sont plus le fait des créateurs

 

La répartition sectorielle des créations est, elle aussi, impactée par le genre : les femmes sont plus présentes dans les activités spécialisées, scientifiques et techniques (35% contre 29% pour les hommes), en particulier dans le secteur Recherche-développement en sciences physiques et naturelles (14% contre 9%) ; par contre, elles le sont moins les activités relatives à l’Information et la communication (24 % vs 33 %).

 

86% des femmes (et 91% des hommes)  ont déjà travaillé en entreprise ; 76% des hommes, mais 68% des femmes  y ont passé plus de 5 ans, avant de créer leur entreprise innovante.

15% des femmes y avaient occupé un poste de dirigeant contre 29% des hommes ; les femmes avaient davantage exercé des fonctions de commercialisation et de marketing  (26% vs 13%) ou de gestion/administration (13% vs 8%), alors que les hommes  occupaient plus souvent des fonctions de production (14% vs 8%).

Par ailleurs, 40% des hommes avaient déjà créé une entreprise par le passé contre 21% des femmes, même si  les femmes déclarent en plus grand nombre leur appartenance à un milieu entrepreneurial (44% contre 36).

Il en est de même au sein de la nouvelle entreprise innovante : hors les fonctions classiques de management, apanage de tout créateur d‘entreprise, les femmes se consacrent davantage à la gestion et à l’administration de l’entreprise (16% vs 5%) ou à la commercialisation et au marketing (11% vs 8%).  Au fil du temps toutefois, la répartition des rôles se modifie : de façon très schématique, la R&D est pour les hommes, les autres fonctions pour les femmes avec une orientation spécifique de la créatrice vers la gestion des ressources humaines et la production.

 

De plus, l’ouverture du capital d’une entreprise innovante créée par une femme est plus large que ne le pratique les hommes, qui cherchent davantage à conserver la majorité des parts ; cette ouverture conduit à une perte de pouvoir des créatrices. Ainsi, la probabilité de détenir 25 % à 50 % du capital plutôt que la majorité est-elle 2,2 fois plus élevée chez la femme que chez l’homme, chef de file initial. En neutralisant l’effet du domaine technologique, le taux moyen de détention du capital à fin 2010 est de 41 % pour les femmes et de 50 % pour les hommes. Un quart des porteurs de projet féminins est encore actionnaire majoritaire contre 44 % des créateurs.  

 

Les Motivations

Quel que soit le genre, le goût d’entreprendre et le challenge personnel constituent  et de loin le moteur principal, bien avant  l’indépendance professionnelle et l’impossibilité de développer le projet dans l’ancienne structure ; la première motivation est toutefois plus fréquente chez le créateur (79% vs 68%), alors que les deux autres sont plus souvent mentionnées par les créatrices (respectivement 49% vs 42% et 31% vs 27%).

Toutefois, Les femmes et les hommes n’ont pas les mêmes craintes face à leur création : si l’échec et la situation précaire du créateur sont les inquiétudes les plus fréquentes quel que soit le genre (3 porteurs de projet sur 10), les créatrices ont davantage peur d’échouer (36% contre 28%), de ne pas avoir suffisamment de compétences en matière d’innovation et de création d’entreprise (29% contre 16%).

 

Les difficultés et les leviers de croissance

Les principales difficultés rencontrées au cours de l’année de la création sont assez proches ; toutefois les créatrices seraient plus sensibles aux aspects administratifs (complexité et multiplicité des démarches de création, 36% contre 23% pour les hommes)  et aux aspects logistiques (17% contre 11, difficulté de trouver des locaux ou le matériel nécessaire).

 

Clients difficiles

à trouver

Boucler le plan

de financement

Complexité et multiplicité

des démarches administratives

Trouver les bonnes

compétences

Solitude

du créateur

Trouver  des

locaux, le matériel

Manque

D’adhésion du cercle familial

Femmes

45

38

36

32

22

17

2

Hommes

50

37

23

32

19

11

2

 Dans les années qui suivent, la nature des difficultés rencontrées est très similaire quel que soit le genre ; ajoutons pour les créatrices, le fait de trouver les compétences et les retenir (39% contre 27), et la maitrise du développement commercial (y compris à l’international), alors que les hommes disent avoir plus de difficulté pour financer le lancement commercial :  

 

Lourdeur charges sociales,

des démarches administratives

Financement pour le lancement commercial

Trouver les bonnes

compétences

Mobiliser les Investisseurs les banques Concurrence trop Forte ou innovation Peu demandée Maitriser le développement, L’innovation Développement à  l’international

Femmes

46 39 39 27 26 23 19

Hommes

39 40 27 34 28 17 14

 L’année de la création, les femmes sont plus nombreuses à avoir rencontré plusieurs difficultés jugées essentielles ; la probabilité d’avoir été confronté à deux ou trois obstacles essentiels plutôt qu’à un seul est 2 fois plus élevée chez la femme que chez l’homme. Post-création, cette situation disparaît.

 

Interrogées sur les leviers de croissance, les femmes citent plus que les hommes la solidité et la cohésion de l’équipe initiale du projet de création (55% contre 45) et la constitution d’un réseau relationnel pertinent (45% contre 33), alors que les hommes sont plus souvent préoccupés du financement (21% contre 16%) et de l’export (18% contre 14) ; ceci étant, l’activité continue de R&D, l’adéquation offre/demande sur le marché sont cités par femmes et hommes comme essentielles :

  Solidité et cohésion de l’équipe initiale Activité continue R&D, innovation Adéquation offre Demande sur le marché Constitution réseau relationnel pertinent Accès au Financement Export  

Femmes

55 54 51 46 16 14

Hommes

45 57 52 33 21 18

  Les entreprises créées

 

 Les hommes portent des plans de financement plus importants que les femmes : 508 k€, le plan de financement médian, 1,8 fois plus élevé que celui des femmes ; la probabilité d’avoir des besoins de financement de moins de 300 k€ est 2 fois plus élevée chez les femmes.

L’origine des ressources prévues pour financer le projet d’innovation sur les trois premières années confirme l’importance des fonds propres et de l’aide publique, en particulier pour les femmes (respectivement 49% vs 43% et 19% vs 13%), mais un même recours à l’emprunt (12 contre 11%) ; les hommes affichent une plus grande capacité d’autofinancement (32% contre 21).

Le taux de participation de la famille est corrélé au genre : si la probabilité d’avoir la famille comme actionnaire au démarrage de la création innovante est identique chez le créateur et la créatrice, son taux de participation moyen s’élève à 48% pour les créatrices contre 26% pour les créateurs.

 

Les femmes ont une prédilection pour les sociétés de type SARL-EURL (53% contre 39%), tandis que les hommes optent plus souvent pour la SAS-SASU (35% contre 29%) ou la SA (25% vs 16%) ; ce choix juridique est conditionné par la taille du capital social de démarrage, du programme d’innovation et du plan de financement.

 

Plus de 60% des créations par les femmes s’adressent à des marchés uniquement français, contre  40% pour les hommes ; la probabilité de développer du chiffre d’affaires en France plutôt qu’à l’international est 2 fois plus élevée chez les créatrices. Toutefois, lorsque le projet ne cible que les marchés internationaux, la différence de comportement s’atténue (29% des entreprises créées par les femmes contre 36%). Il y aurait donc deux types principaux de création au féminin, les nationales, majoritaires, et les internationales.

 

Le taux de pérennité est identique pour les femmes et les hommes : 85 % à 5 ans ; toutefois les femmes ont des taux de disparition à 3 ans plus élevés que les hommes

 

A fin 2010, la moitié des créations portées par des femmes est présente dans la catégorie des entreprises modérément développées (40% pour les hommes) ; 5 % sont dans un niveau intermédiaire de développement (contre 12%), alors que femmes et hommes ont connu un fort développement au même niveau (35% contre 38%) ; 4% des femmes et 5% des hommes n’ont pas ou très peu développé.