Faire du business avec des populations défavorisées, tout en leur apportant un développement économique est-il possible ?


« Quand les entreprises mettent l’inclusion au cœur de leur développement », Terra Nova, Rapport du groupe de travail sur le business inclusif, avril 2014

 L’objectif était d’organiser une grande consultation des principaux acteurs du « business inclusif » auxquels il a été demandé de témoigner de leur vision du sujet, de partager des exemples de réussite et de souligner les difficultés concrètes, très opérationnelles auxquelles font face les entrepreneurs ; le groupe de travail a essayé de mettre en perspective ces témoignages et de donner corps à des problématiques complexes et transversales afin de formuler des recommandations concrètes.

Une étude similaire a été poursuivie par Ashoka dans son rapport « Sortir de la pauvreté en inventant de nouveaux modèles à la croisée du social, du privé et du public »

 

« Le business inclusif a pour objectif d’intégrer les populations pauvres tout au long de la chaîne de valeur (de la création à la consommation des biens et services en passant par leur distribution).

C’est un phénomène récent qui cible des publics jusqu’alors exclus des modèles de business traditionnels. Il permet d’introduire de nouveaux savoir-faire et de nouvelles technologies tout en améliorant les qualifications des personnels et partenaires issus des populations pauvres. Il contribue ainsi à  l’amélioration des conditions nécessaires à l’accroissement de l’activité économique dans les pays émergents et en développement.

Il faut distinguer business inclusif et entrepreneuriat social par le fait que le premier a pour mission de créer des activités rentables ayant un impact social alors que le second a pour vocation première l’impact social en ne recherchant qu’une rentabilité limitée. »

 

Dans le monde, 4Md d’individus (70% en pays en développement) vivent avec un revenu annuel inférieur à 3 000 dollars, dans le cadre  d’une économie informelle et désorganisée ; le chiffrement de leurs besoins surtout primaires est estimé à 5 000Md$ ; c’est dans ce contexte qu’est apparu le concept de business inclusif avec la volonté de cibler ces populations comme consommateurs, fournisseurs, salariés ou partenaires potentiels, avec l’espoir de créer des activités rentables et à fort impact social.

 

Pour la France, cet enjeu ne concerne pas seulement ses exportations ; il touche aussi à la situation interne avec 8,7 millions de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté en 2011 (14,3% de la population française),  la moitié d’entre eux vivant avec moins de 790 euros par mois. Des produits spécifiques, à destination des populations pauvres, se développent en France .

Les projets inclusifs concernent un marché de niche ;  ces réalisations restent expérimentales et sont le fruit des efforts et de la persévérance d’entrepreneurs aguerris, convaincus qu’il faille les accompagner sur le long terme

 

Une première tentative de « guide méthodologique » a été produite en 2010 par le programme des Nations Unies pour le développement qui propose : identification des opportunités, développement d’un modèle inclusif spécifique (adapter le produit et la production aux besoins locaux, identifier les atouts des populations, investir dans la réduction des contraintes liées au marché, créer des synergies avec les autres organisations, engager un dialogue avec les institutions locales), mise en place d’un projet inclusif (recherche de partenariats et financements, planification, exécution opérationnelle) et évaluation de l’impact du projet

 

Exemple de L’Occitane (multinationale de la cosmétique) en Provence qui soutient 5 coopératives (15 000 membres) du Burkina Faso ; l’entreprise y achète les noix de karité tout en soutenant les communautés locales (en particulier les femmes qui récoltent les noix). Grâce à ces efforts, l’Occitane a amélioré le processus de production et propose aujourd’hui près de 100 produits cosmétiques ; les femmes qui produisent le beurre de karité récoltent directement les bénéfices de leur activité. En 2012, L’Occitane a acheté plus de 500 tonnes de beurre de karité au Burkina Faso et ont généré 1,2M$ de chiffre d’affaires pour les coopératives et leurs membres, dont une prime de commerce équitable de 2% investie dans des projets communautaires.

Depuis une quinzaine d’années, de nombreuses initiatives ont été lancées notamment par des entreprises françaises comme Danone, Lafarge ou Schneider Electric.

 

Sur ce type de marché en France, Christophe Sanchez, consultant au sein du cabinet BearingPoint, explicite plusieurs difficultés :

La méconnaissance des comportements de consommation des populations pauvres et vulnérables, face à un marketing de produits peu adapté, demandant une collaboration de cette population (notamment par des partenariats avec des acteurs associatifs)

– La vigilance sur la manière de faire la promotion d’offres différenciées, une offre qualifiée de  solidaire sera mal perçue par les clients bénéficiaires qui seraient de facto stigmatisés par une telle appellation.

– la détection des personnes vulnérables, d’où le développement de dispositifs de scoring capables de détecter les moments de difficulté des clients afin de les traiter de manière proactive, en anticipation des difficultés de paiement.