Le low cost : l’essentiel à bas prix, l’accessoire à coût élevé, le tout calé sur une approche approfondie du consommateur


« Le low cost, une révolution économique et démocratique » Fondapol, février 2014

 Loin de se réduire au “marché du pauvre”, le low cost est une rupture dans la manière de produire et de vendre ; il répond à de nouveaux comportements des clients, qui n’hésitent plus à consommer simultanément des produits low cost et du luxe accessible, refusant la surqualité, et en quête de liberté de choix.

 

Face à la complexification croissance de l’offre, le low cost revendique un dépouillement du produit, dans le sens d’un minimalisme poussé à l’extrême : le low costeur promet l’essentiel, en échange d’un prix plus faible et d’une optionalisation des fonctions secondaires.

 

Il suppose donc au préalable une analyse très pointue des besoins des clients et de leur capacité à payer : avant de simplifier ce qui existe, il est impératif de bien cerner dans leurs attentes ce qui relève de l’essentiel et de l’accessoire ; il se caractérise par un mouvement de dépouillement de l’offre, en direction de la seule fonctionnalité du produit ; ce recentrage sur le besoin essentiel conduit ainsi les entreprises low cost à standardiser le processus de production, et donc à une baisse des coûts, et une baisse des prix.

 

Le low cost est également un modèle innovant du côté des revenus, prenant appui sur deux leviers principaux : un effet volume et une politique d’options payantes, dont le coût marginal est faible par rapport au prix de vente et ne remet pas en cause la standardisation du processus de production.

Ces options sont dans certains cas « punitives » (exemple : pénalités en cas d’enregistrement à l’aéroport, pour obliger les clients à s’enregistrer en ligne), mais aussi des options positives (le droit de monter le premier dans l’avion, de mettre son bagage en soute, etc.). Ces revenus dits « auxiliaires » constituent une source essentielle de revenus et de profits.

 

En dépit d’une large diffusion, le low cost, à l’exception du transport aérien et de la téléphonie mobile ou du hard discount, reste d’abord un marché de niche.

 

Ce poids limité ne l’empêche pas, paradoxalement, d’exercer une forte influence sur l’ensemble des acteurs du marché, aussi bien consommateurs que producteurs. Pourquoi ?

– le low cost est surtout présent dans des secteurs de biens de consommation qui touchent à la vie quotidienne des ménages (alimentation, coiffure…), à de grandes décisions d’achat de biens durables (automobile…) ou à des dépenses contraintes (téléphonie mobile, assurance automobile…). Même s’ils ne l’utilisent pas, les consommateurs côtoient donc fréquemment une offre low cost lors de leur parcours d’achat ;

– dans un pays comme la France, l’irruption de ces nouveaux acteurs marque les esprits, d’autant que les nouveaux entrants s’appuient parfois sur une communication de rupture (critique des acteurs en place)

– le low cost dispose d’une forte visibilité médiatique et politique dans la mesure où il cristallise autour de lui nombre de débats sociétaux

– le low cost frappe l’attention des clients en affichant des prix de départ (« à partir de… »), qui s’inscrivent en rupture avec les tarifs pratiqués usuellement dans le secteur ; ce nouveau benchmark conduit les consommateurs à réviser leur perception du « juste prix », au point parfois de susciter leur défiance vis-à-vis des opérateurs traditionnels ; par la rupture tarifaire qu’il induit, il oblige souvent les opérateurs installés à réagir, notamment en baissant leurs prix ou en repositionnant leur offre.

– le low cost est utilisé par une majorité de clients mais au titre d’une consommation d’appoint (le cas du hard discount : sa part de marché stagne aujourd’hui à 13% mais le taux de fréquentation des français avoisine les 70%)

 

Il est révélateur de mutations profondes et structurelles qui touchent les consommateurs ; c’est d’abord une révolution de la consommation : si la crise économique et le déclin du pouvoir d’achat accélèrent le développement du low cost, ce dernier n’est en rien réductible à un comportement conjoncturel ; le consommateur ne raisonne pas en termes absolus mais en termes de rapport qualité/prix : lorsqu’il doit choisir entre deux biens, il compare les écarts de prix avec les écarts de qualité.

 

il est nécessaire de distinguer deux types de qualité : la qualité « nécessaire » et la qualité « accessoire ». La qualité nécessaire est celle qui ne peut faire l’objet d’un arbitrage avec le prix. Quant à la qualité accessoire, elle relève du « superflu » et peut faire l’objet d’un arbitrage avec le prix. Dans la démarche low cost, la simplification du produit à l’extrême et le recentrage sur la qualité nécessaire se traduisent par la mise en options de tout ce qui relève de la qualité accessoire.

 

Le recentrage sur la fonctionnalité du produit et la qualité nécessaire s’inscrit dans un mouvement de fond qui conduit chaque consommateur à polariser de plus en plus sa consommation entre deux types de biens et services : d’un côté, les « biens commodités » considérés pour leur seule valeur d’usage (le strict nécessaire et la fonctionnalité), de l’autre, les « biens identité », dans lesquels les consommateurs investissent une partie de leur affect et de leur statut social, où leur valeur perçue va bien au-delà de la seule valeur d’usage ; dans les deux cas, les produits affichent un excellent rapport qualité/ prix.

Le low cost propose un prix bas avec une qualité basse (mais centrée sur l’essentiel), tandis que les produits de luxe affichent un prix élevé en échange d’une forte qualité perçue. Les produits de milieu de gamme sont alors pris en étau et souffrent de ce dualisme des comportements : trop chers par rapport au low cost, mais pas suffisamment de bonne qualité par rapport aux « produits identité » ; le gain de pouvoir d’achat réalisé grâce aux achats low cost va permettre à certains consommateurs d’accéder à des produits à forte identité ou des produits de luxe accessible.

 

Comment les entreprises installées peuvent-elles réagir à l’entrée d’un opérateur low cost ou à la « lowcostisation » de leur marché ?

Une riposte possible consiste à réaffirmer aux yeux de ses clients la spécificité et la valeur ajoutée de son offre high cost, afin d’éviter l’effet de comparaison des prix (on ne vend pas la même chose, vous aurez beaucoup plus pour un peu plus cher…) ; cette stratégie peut s’accompagner d’une forme de mimétisme de produit consistant à reprendre certains principes du low cost – notamment celui des options payantes – afin de rendre la tarification des prestations plus transparente et visible pour le client.

Lorsque la demande est hétérogène et se caractérise par un large spectre de différenciation, une stratégie possible consiste à repositionner son offre en direction du haut de gamme.