« Il n’existe pas de définition unique des entreprises de forte croissance, ou « gazelles », la notion même de « forte croissance » étant subjective, ce qui rend délicat la définition de critères d’identification a priori. Selon les critères utilisés (relatifs ou absolus), les entreprises recensées comme étant de « forte croissance » peuvent en pratique représenter jusqu’à 5% d’entreprises les plus performantes, voire dans certains cas jusqu’à 10%. Un examen de la littérature sur les entreprises en forte croissance permet d’exhiber certains faits stylisés qui semblent robustes aux différentes définitions choisies :
– les entreprises pérennes affichant la plus forte croissance sont majoritairement de jeunes entreprises
– leur phase de croissance n’est généralement soutenue que sur quelques années et plus éphémère ensuite
– la forte croissance des entreprises repose souvent sur l’innovation.
L’endettement à court terme joue un rôle qui dépend de la taille des entreprises en croissance
Avant la période de croissance, le poids de leur besoin de fonds de roulement est légèrement supérieur pour les PME-ETI en croissance ; leur BFR est plus élevé que celui des autres entreprises. L’écart est particulièrement marqué sur l’année 2010, qui est celle d’un rebond ; toutefois sur la fin de la période, le poids du BFR tend à reculer.
L’endettement à court terme est un facteur de croissance des petites entreprises en croissance (cet effet s’observe pour les entreprises en croissance de moins de 10 salariés ainsi que pour les entreprises en croissance de 20 à 49 salariés) : pour ces entreprises, le financement de leur besoin en fonds de roulement par la dette court terme semble favoriser leur croissance.
L’endettement de long terme a un effet positif sur la croissance des entreprises en finançant des investissements productifs qui vont permettre à l’entreprise de gagner en compétitivité et d’accroitre ses parts de marché. L’étude constate que les entreprises qui croissent ont levé de la dette soit pendant leur période de forte croissance, soit juste avant. Rapportant le niveau d’endettement à la valeur ajoutée, le taux d’endettement des entreprises en croissance suit en effet une phase ascendante jusqu’en 2010. Les entreprises en croissance ont donc des bilans plus déséquilibrés en faveur de la dette. Le plus fort endettement s’explique en partie par leurs taux de marges plus élevés, permettant de faire face à des frais financiers et à des échéances de remboursements de dette plus importants et donc de lever davantage de la dette ; mais leur capacité d’endettement était plus faible que celles des autres entreprises juste avant leur période de plus forte croissante ; ainsi, non seulement les entreprises en croissance bénéficient de davantage de capacité à s’endetter, mais en plus, elles utilisent davantage cette capacité au début de leur période de croissance.
Elles ont fait plus souvent des augmentations de capital avant et pendant leur période de croissance : elles ont aussi une propension plus importante à l’ouverture de capital, aussi bien avant leur phase de croissance (2004-2009) qu’après (2012-2013).
Pour les entreprises de moins de 20 salariés, une part de capitaux propres plus élevée dans le bilan est un facteur de croissance ; En revanche, c’est un facteur de décroissance pour les entreprises plus grandes, comme si le financement par la dette devenait plus important que le financement par fonds propres.
Les enjeux spécifiques du financement des PME et ETI en croissance
1. Des freins culturels à l’ouverture de capital, en particulier dans les entreprises familiales, alors qu’elles ont davantage besoin de renforcer leurs fonds propres.
Pour analyser ces freins, le rapport s’appuie sur une étude récemment réalisée par KPMG, intitulée « Financement des entreprises familiales de taille intermédiaire, les investisseurs privés, clé de leur croissance » (2014) : le maintien du contrôle de l’entreprise par la famille fait partie des principaux objectifs, pour 67% l’ouverture de capital serait synonyme de perte d’indépendance et pour 48% la perte des valeurs familiales ; pour 48% encore les exigences trop fortes en termes de reporting ; le financement traditionnel, financement bancaire (73%), le réinvestissement des bénéfices (62%), mais aussi des investissements obligataires (24%) et 15% des titres d’investissement au capital par des membres de la famille permettent un certain maintien du contrôle ; certains recherchent cependant le capital-risque (48%), ou le recours à des investisseurs privés (22%).
2 Tout en souhaitant contrôler le capital, les entreprises familiales sont cependant de plus en plus ouvertes à une ouverture partielle de celui-ci, pour accueillir des membres indépendants dans les conseils d’administration ; la plupart reconnaissent le besoin d’une expertise venant de l’extérieur (58%) et l’amélioration de la gouvernance (22%).
3 Pour répondre à l’objectif prioritaire de conservation de la majorité des parts de l’entreprise, les investisseurs privés peuvent constituer une belle opportunité, leurs profils correspondant assez bien aux attentes des entreprises familiales (investissement à plis long terme, exigence plus faible de reporting, négociations plus faciles, approche similaire du risque, relations plus personnelles…).
« Selon une étude de FBN International (2008), les entreprises familiales correspondent à 83% de l’ensemble des entreprises et 49% de l’emploi total en France. Selon Pons et Sebban (2010), 40% des ETI contrôlées par des capitaux français seraient familiales (capital contrôlé à plus de 50% par la famille, qui participe également à la gestion de l’entreprise), celles-ci étant généralement de plus petite taille ; le poids des entreprises familiales au sein des plus grandes entreprises se serait même renforcé de 1982 à 1998, pour se situer aujourd’hui, à un niveau parmi les plus élevés dans les pays développés. »
L’entreprise familiale offre une incidence positive sur la profitabilité de l’entreprise et sur la concordance entre stratégie du dirigeant et attente des actionnaires ; la longévité de la dynastie familiale conférerait aux dirigeants familiaux un avantage en termes de réputation et faciliterait la mise en place de contrats implicites entre l’entreprise et les salariés, et peut impliquer une diminution du coût d’agence qui résulte de la séparation du pouvoir managérial et du pouvoir actionnarial.
Mais on constate une sous-performance plus marquée des dirigeants familiaux dans les secteurs à forte croissance, à forte volatilité ou à niveau de formation élevé des salariés c’est-à-dire dans des environnements économiques où les compétences managériales jouent vraisemblablement un rôle plus importants ; les dirigeants familiaux possèdent en effet moins d’expérience en tant que manager, et un niveau de formation plus faible.
Par ailleurs le capital-investissement est un outil de renforcement des fonds propres, utile aux PME et ETI en croissance : 1 650 entreprises ont fait l’objet d’un financement par les membres de l’AFIC (Association Française des Investisseurs pour la Croissance) en 2014, ce qui place la France au 2éme rang mondial en termes de nombre d’entreprises financées (5000 aux Etats-Unis, 1300 en Allemagne, 900 en Royaume-Uni, 200 en Italie et en Espagne) ; le marché du capital-investissement français a vu sa taille décupler depuis le milieu des années 1990, passant de 876 M€ investis en 1996 à 8,7 Md€ en 2014 (chiffres AFIC). Toujours selon l’AFIC, en 2013, 36 097 nouveaux emplois ont été créés (alors que le secteur marchand en perdait 68 100) et la croissance du chiffre d’affaires de ces entreprises s’est élevée à 1,4% ; la plus forte progression des effectifs (+6,4 %) et du chiffre d’affaires (+18,4 %) provient du capital-innovation.
Depuis 2000, plus de 105 Md€ ont été investis dans le capital investissement au bénéfice de 5 800 entreprises dont 89% ont leur siège social en France (un encours de l’ordre de 60 Md€). En 2012, environ 0,9% des entreprises françaises de plus de 10 salariés ont été financées par les acteurs du capital-investissement français (0,6% aux États-Unis, 0,4% au Royaume-Uni, et 0,3% en Allemagne).
Après plusieurs années difficiles, le marché du capital-investissement a désormais retrouvé des niveaux de collecte proches de ceux d’avant-crise (10,1 Md€ en 2014 après 8,2 Md€ en 2013) après une année 2012 (5 Md€) en repli par rapport à 2011 (6,5 Md€) ; ce dynamisme s’explique à la fois par le retour d’investisseurs étrangers, notamment sur le segment du capital-transmission, et à la fois par la montée en puissance du soutien public depuis plusieurs années, sur les segments du capital-innovation et développement. En 2014, Le rebond profite surtout au capital-développement (+27% sur un an) et transmission (+39% sur un an).
C’est un marché majoritairement composé de tickets de petites tailles (taille des fonds reçus par les entreprises financées) : en 2014, 56% des entreprises financées ont reçu moins d’1M€ (52% en moyenne sur la période 2009-2014) et 80% moins de 3M€ ; l’investissement moyen aux USA est de l’ordre de 5,5 M€/an sur les segments risque et développement. Certains dirigeants de PME de croissance préfèreraient le rachat et l’adossement à un grand groupe plutôt que la croissance autonome ; d’autres seraient au contraire réticents à se laisser accompagner par le capital-investissement, qui peut engendrer un risque de perte du contrôle de l’entreprise par les dirigeants historiques ; cela pourrait également provenir de la capacité globale d’investissement relativement réduite des fonds nationaux, qui limite leur participation à ces opérations d’envergure.
Le placement privé auprès d’investisseurs institutionnels est un outil en développement rapide qui convient particulièrement bien aux ETI en croissance (11Md€ mobilisés depuis son démarrage en 2012) en proposant des financements aux maturités plus longues que le financement bancaire, avec remboursement le plus souvent in fine: depuis 2009, ce mouvement de désintermédiation du financement en dette s’observe en France, comme dans le reste de l’Europe : la part de la dette bancaire diminue ainsi au profit de la dette obligataire.
Les entreprises en croissance sont particulièrement exportatrices ; elles ont donc besoin de moyens adéquats pour financer cette entrée rapide sur le marché international