Une estimation des défaillances par une modélisation.


"Dynamique des défaillances d'entreprises en France et crise de la Covid-19" OFCE, policy brief 73, juin 2020

Méthodologie : l’ étude se fonde sur une micro-simulation des faillites à partir des données FARE sur un échantillon d’un million d’entreprises en France, observant les chocs de demande sectoriels à partir de l’estimation de l’OFCE pour estimer, par secteur, par taille d’entreprises et par territoire la dynamique des défaillances d’entreprises. 

 

Une analyse fine pour estimer l’importance des défaillances et l’impact des mesures actuelles suite au covid.

⇒ La situation financiére des entreprises avant le confinement

 D’une part les liquidités détenues par les entreprises (monnaie, dépôts et organisme de placement collectif, OPC) ont significativement augmenté depuis 2007; la somme des dépôts en espèces et des instruments financiers liquides a ainsi presque doublé sur la période 2008-2019, et s’élevait à plus de 700Md€ fin 2019.
D’autre part, l’endettement de court terme des entreprises a nettement augmenté, s’élevant à plus de 1 000Md€.

 

Ces données suggèrent que les entreprises sont entrées dans la crise actuelle avec plus de liquidités qu’il y a 13 ans, une situation commune à de nombreux pays. La singularité française (hausse simultanée de l’endettement et des liquidités) tient à la faiblesse des taux d’intérêt, à l’incertitude sur la demande, sur les opportunités d’investissement ou sur le rachat d’actifs.

Le financement bancaire a été sécurisé pendant la crise de la Covid-19 par le Prêt Garanti par l’État (PGE) pour un montant de 300Md€, permettant d’amortir l’effet du ralentissement économique après mars 2020.

 

Le présent exercice consiste à présenter une micro-simulation sur données d’entreprises du choc économique de la Covid-19 de mars 2020 à avril 2021, en intégrant plusieurs scénarii économiques.

 

La baisse drastique des revenus associée aux mesures de confinement pour contenir l’épidémie, la présence de frictions sur les marchés des facteurs de production et de coûts fixes qui ne s’adaptent pas au niveau de production pèsent sur les ressources liquides des entreprises. Alors que dans un scénario « Hors Covid-19 » une fraction des entreprises (environ 4% au début de 2021) connaîtrait des problèmes de liquidité, cette valeur grimpe à 7,5% en avril (deux semaines après le choc); elle monte à 12% après deux mois, puis dépasse légèrement les 14% au premier trimestre 2021.

 

Le dispositif d’activité partielle (AP) réduit considérablement le nombre d’entreprises illiquides (ces entreprises ont une liquidité négative, mais ne sont pas forcément en défaut de paiement car un financement de court terme est possible), le ramenant de 9,7 à 6,8% au 15 avril, et de 13,8% à moins de 10,1% au 1er janvier 2021.

Sans le dispositif d’activité partielle, la part des entreprises connaissant des problèmes de solvabilité ( lorsque les fonds propres sont négatifs, pouvant entraîner l’ouverture d’une procédure collective) atteindrait rapidement 0,7% au lendemain de la crise pour grimper rapidement à 3% dès la mi-mai, à 4% dès septembre, 4,4% en janvier 2021 et 4,6% un an après le confinement, une valeur deux fois plus importante que celle attendue sans la crise.

En mars 2021, et sur le million d’entreprises étudiées, l’étude évalue à presque 12 000 entreprises le nombre de firmes restées solvables grâce au dispositif d’activité partielle.

 

Rappelons que certaines entreprises présentent des difficultés sur leur viabilité économique, indépendantes de la pandémie (4% des entreprises).

 

Les simulations mettent en évidence une grande hétérogénéité entre secteurs, catégories d’entreprises et régions.

Les asymétries sectorielles : le nombre d’entreprises connaissant des problèmes de liquidité (au 1er janvier 2021) varie entre un minimum de 0,7% (commerce) à un maximum de 42% (hôtels et restaurants); les deux secteurs les plus affectés sont l’hébergement et la restauration d’une part et les services aux ménages d’autre part, ce dernier cas avec près de 26% des entreprises illiquides à la fin de l’année. 8 à 9% des entreprises des secteurs de la construction, de l’information et la communication présentent des problèmes de liquidité, tandis que pour les autres secteurs (y compris le secteur manufacturier), la part est inférieure à 5%.

 

Les défaillances par catégorie d’entreprises : on constate une polarisation des risques de défaillances sur les plus petites et les grandes entreprises : environ 11 et 13% des micro et des grandes entreprises seront confrontées à des problèmes de liquidité, vs 7% pour les PME. Une impression similaire se dégage pour la solvabilité : si environ 4% des micro et des grandes entreprises se montrent insolvables en fin d’année, seulement 2% d’ETI et 1% des PME se révèleront elles-mêmes insolvables. les entreprises micro sont les plus touchées (augmentation de 83%), tandis que les trois autres catégories connaissent toutes une augmentation d’environ
40%. Les petites entreprises peuvent entrer en détresse en raison de la rareté des liquidités, alors que les grandes le seraient en raison d’un endettement trop élevé.

 

Deux zones géographiques semblent particulièrement affectées. Traditionnellement caractérisé par un fort taux de natalité et de mortalité essentiellement dans les activités liées au tourisme, souvent saisonnières, le sud-est de la France est le plus affecté (perte de liquidité, emplois, illiquidité et insolvabilité). L’Île-de-France est également impactée en illiquidité et insolvabilité.

Dans une moindre mesure, les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin sont caractérisés par des pertes de liquidité et une réduction significative du niveau de l’emploi. Il ressort également des simulations que le quart nord-ouest de l’Hexagone sera épargné, essentiellement en termes de pertes d’emplois, et en termes de défaillances d’entreprises dans une moindre mesure.

Enfin, les entreprises situées dans le nord de l’Occitanie et l’est de la région Auvergne Rhône-Alpes résistent bien au Covid-19.

Cette hétérogénéité géographique est le résultat de la spécialisation sectorielle propre à chaque territoire

 

Pour en savoir davantage : https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/pbrief/2020/OFCEpbrief73.pdf?+/++How+to+spend+it:+A+proposal+for+a+European+Covid-19+recovery+programme+