36 000 entreprises artisanales ont exporté entre 2 004 et 2 007 ; parmi ces entreprises, 63% l’ont fait occasionnellement, alors que 19% considéraient l’export comme le vecteur fort de leur développement.


« Les exportateurs de l’artisanat : portrait et trajectoires de développement sur les marchés internationaux »,ISM, février 2012

Deux sources de données ont été utilisées :

– la source fiscale permet d’estimer le nombre total des entreprises artisanales ayant réalisé une part de leur chiffre d’affaires à l’exportation, quel que soit le montant et la destination, intracommunautaire ou internationale.

– le fichier des douanes permet de repérer les entreprises ayant exporté hors Union Européenne et/ou ayant réalisé un chiffre d’affaires export supérieur à 150K€ à l’échelle intra-communautaire

L’enquête : le questionnaire a été testé auprès d’un échantillon d’artisans pour vérifier la bonne compréhension des questions, puis a été administré par téléphone, entre janvier et mars 2011, en utilisant le fichier 2009 fourni par les Douanes. 10% des 7 000 entreprises contactées ont répondu.

 

Selon les données fiscales, environ 36.000 entreprises artisanales ont déclaré un chiffre d’affaires à l’exportation entre 2004 et 2007 (4% des entreprises artisanales) ; en 2002, cette même source identifiait 40 000 entreprises artisanales. La moitié des entreprises artisanales 2004-2007 relève du secteur « production » (61% des exportations de l’artisanat).

 

26% affichent un chiffre d’au moins 30% de leur CA (10 000 entreprises artisanales), dont 19% au moins 50% de leur chiffre d’affaires à l’export :

CA export

en % du CA

Moins de 5%

De 5 à 15%

Sous-total

« occasionnel »

De 15 à 30%

De 30 à 50%

Plus de 50%

Total

 

46

17

63

11

7

19

100

Les fichiers des douanes 2009 et 2010 répertorient environ 18 000 entreprises artisanales, ce qui signifie qu’une moitié environ des artisans-exportateurs est présente sur des marchés hors Union Européenne et/ou atteint un CA export intracommunautaire supérieur à 150K€, alors que les autres exportent uniquement à l’échelle intra-communautaire, pour des montants inférieurs à 150K€. Une enquête réalisée sur le seul fichier des douanes 1996 concluait à la présence d’un nombre équivalent d’artisans-exportateurs « déclarés » (17 800).

 

Les caractéristiques des entreprises artisanales exportatrices :

 

40% des entreprises artisanales figurant au fichier des Douanes sont localisées dans deux régions (Ile-de- France : 23% ; Rhône-Alpes : 17%), une proportion bien supérieure à leurs poids dans l’artisanat français.

Deux explications : une forte présence, en Ile-de-France, d’entreprises actives sur les marchés de la décoration intérieure et de la mode et en région Rhône-Alpes, des TPE manufacturières, notamment du travail des métaux, de la plasturgie, à proximité du marché suisse. On constate également une surreprésentation d’entreprises artisanales exportatrices dans les régions frontières d’Alsace et de Franche-Comté.

 

Les lieux d’implantation des entreprises (milieu rural, urbain, périurbain) et les types de locaux (ateliers-boutiques en centre-ville, locaux attenants au domicile du dirigeant, localisation en zone d’activité….) sont très variables et semblent avoir peu d’influence sur l’activité d’exportation, même si les entretiens qualitatifs ont montré que la proximité d’aéroports et d’infrastructures routières et ferroviaires reste un facteur facilitateur pour l’exportation.

 

Les entreprises artisanales exportatrices ont majoritairement un effectif d’au moins 5 personnes (dirigeant compris) : 8,5% n’ont aucun salarié, 39% ont un effectif de 1 à 5, et 53% plus de 5 personnes.

 

Le chiffre d’affaires moyen des entreprises interrogées est proportionné à la taille de ces très petites entreprises : 20% des entreprises réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 250 000 euros, 21,5% de 250 à 500 000, 24% de 500 000 à 1 million et 34% plus de 1 million ; le chiffre d’affaires moyen est de 1,124 million.

 

Si la moitié des entreprises concernées ont été crées avant 1999, 29% l’ont été entre 1990 et 2001 et 17% plus récemment ; 43% sont de fait d’entreprises reprises (23% reprise familiale, 14% reprise externe et 6% reprise par un salarié) ; les reprises, notamment d’origine familiale ou externe sont aussi les entreprises aux effectif les plus importants.

Ces entreprises sont essentiellement en société (le 2/3 en SARL, 20% en SA ou SAS).

 

Pour 64%, la première exportation a été déclenchée par la sollicitation d’un client étranger.

77% des entreprises de l’échantillon travaillent principalement avec une clientèle d’entreprises ;

8 % le font en situation de sous-traitance ; ce sont les entreprises de taille les plus importantes.

 

66% des entreprises interrogées estiment ainsi que leur savoir-faire n’est maîtrisé que par quelques entreprises à l’échelle nationale ou mondiale. Cette caractéristique est transversale à l’ensemble des secteurs d’activité ; ainsi que l’a montré l’enquête exploratoire, ces entreprises sont souvent positionnées sur des marchés « haut de gamme », qui font appel à la créativité (design, choix des matières…) en même temps, souvent, qu’à un procédé de fabrication artisanal conduit dans les règles de l’art (fabrication à la main, qualité de finition, respect des normes les plus strictes, adaptation à des demandes complexes…) ; les deux tiers des entreprises de l’échantillon délivrent d’ailleurs des prestations sur mesure et occupent de ce fait souvent des niches commerciales.

 

Plus d’une entreprise sur trois a ainsi protégé des modèles ou brevets ; la moitié a déposé des marques. L’étude confirme, à l’échelle de l’artisanat, le lien entre innovation et exportation constaté dans de nombreuses études.

 

La certification ISO 9001 ne concerne que 8% des entreprises ; cette certification ne paraît donc pas une condition essentielle de l’accès aux marchés de l’exportation.

 

La principale difficulté, évoquée par près d’un artisan sur deux (48%), est la pression exercée sur les prix. Cette contrainte peut surprendre de la part d’entreprises qui détiennent souvent des savoir-faire rares à l’échelle nationale, mais elle doit s’analyser à l’aune du processus de production et de la taille des entreprises ; les exigences techniques des clients sont citées par un tiers des entreprises ; la concurrence est jugée difficile par 29% des entreprises (un taux relativement faible) ; la volatilité et l’augmentation du coût des matières premières sont évoquées par un quart des entreprises ; enfin, la réglementation est perçue comme contraignante par 23% des entreprises.

 

Les entreprises de l’échantillon ont plutôt bien résisté à la crise : près de 40% des entreprises ont vécu une évolution positive ; 18% ont vu leur CA se maintenir et 19% ont subi une évolution en « dents de scie » ; un peu moins d’1/4 ont connu une régression de leur chiffre d’affaires au cours des cinq dernières années.

 

Les entreprises artisanales exportatrices semblent donc, à l’instar des PME exportatrices être plus performantes que les autres. Les entretiens exploratoires conduits avec 28 entreprises confirment ce résultat : l’analyse des données comptables et financières a montré que la rentabilité des entreprises rencontrées était généralement assez bonne.

 

Le profil des dirigeants : 79% sont des hommes ; 70% ont entre 40 et 60 ans, proche en cela de l’ensemble de artisans ; en revanche, ils sont nettement plus diplômés de l’enseignement supérieur (57%), avec beaucoup plus de bac +5 chez les repreneurs externes, de bac+2 chez les repreneurs salariés. Ces dirigeants ne sont pas toujours des hommes « issus du métier » ; le niveau de formation élevé, le fait de reprendre témoignent de trajectoires non linéaires et d’incursions parfois tardives dans le monde de l’artisanat.

 

En revanche, la majorité des dirigeants (76%) n’a bénéficié d’aucune expérience internationale préalable qui pourrait expliquer le goût pour l’export. Seuls un quart d’entre eux avaient préalablement une expérience de vie ou de travail en lien avec l’étranger ; mais la plupart des dirigeants parle au moins une langue étrangère : l’anglais (65,5%), suivi de l’allemand et de l’espagnol (environ 11,5% chacun).

 

En matière d’objectifs stratégiques, les artisans-exportateurs sont ambitieux pour le développement de leur entreprise. 64% d’entre eux souhaitent développer l’activité en France et 46% ont comme objectif prioritaire la croissance du chiffre d’affaires à l’export. Dans l’ensemble, ces dirigeants présentent un profil « entrepreneur », particulièrement ouvert aux opportunités et sensibles à la dimension marketing, même s’ils ont peu de moyens de la structurer: ils exploitent toutes les opportunités plutôt qu’ils ne les suscitent par analyse de l’environnement ou prise de risque. Leur démarche est souvent intuitive et il est très fréquent que les marchés soient essentiellement la conclusion d’opportunités saisies sur des salons ou via le bouche à oreille. En matière d’action proactive, c’est la valorisation du savoir-faire qui est privilégiée, à travers des outils de communication. Ils exploitent ainsi leur principal facteur de différenciation.

 

La démarche et les modalités de l’export

 

62% ont exporté pour la première fois il y a plus de 10 ans ; ils l’ont fait majoritairement dans les 5 premières années de la création ou de la reprise. Depuis leur première exportation, 43% des artisans de l’échantillon ont vu leur part de CA à l’export augmenter ; pour 22% des entreprises, cette part stagne et pour 15% l’activité export est fluctuante ; pour 10%, l’activité d’export s’est arrêtée (majoritairement des « exportateurs one shot »).

Dans 72% des cas, aucune démarche n’a été entreprise pour sélectionner les pays vers lesquels exporter : les entreprises répondent à des sollicitations, plus qu’elles ne les suscitent ; toutefois 9% ont procédé à une étude de marché et 11% se sont déplacés dans le pays. Très peu d’entreprises (6%) ont un budget consacré à l’export. Lors des entretiens qualitatifs, les artisans exportateurs avaient d’ailleurs des difficultés à chiffrer, a posteriori, ce que l’export leur coûtait et leur rapportait.

 

3 phases sont habituellement constatées et amorcent une typologie : l’amorçage (attentisme, réponse aux opportunités, correspondant à des exportateurs occasionnels), la confirmation (missions de prospection, outils de communication, foires et salons correspondant à des exportateurs réguliers) et la phase structuration (l’exportation est central dans la démarche commerciale, avec programmation de la prospection et création de poste dédié, correspondant à des exportateurs spécialistes).

 

Les artisans interrogés exportent majoritairement dans les pays européens (pays frontaliers dont la Suisse, suivis des autres pays d’Europe Occidentale, 36 %).

 

Dans les deux tiers des cas, le dirigeant s’occupe lui-même de l’export (67%) du fait de la petite taille de l’entreprise, du faible chiffre à l’export qui ne permet pas d’embaucher un emploi dédié ; toutefois, dans un cas sur dix, les opérations sont pilotées par un responsable commercial également en charge du marché national.

 

La structuration de ce poste s’accroît avec la taille des entreprises (il existe dans 10% des entreprises de 2 à 5 salariés ; 13% des entreprises de 6 à 10 salariés et 17% des entreprises de plus de 10 salariés).

Ce sont les parts de CA à l’export les plus importantes (plus de 30 ou 40%) qui ont généré les emplois, d’abord dans la fonction commerciale, puis dans les postes de production. Au-delà d’un certain niveau d’engagement, l’export engendre également un besoin de compétences spécifiques en conception/adaptation de produits. La création d’un poste commercial intervient plus souvent au-delà d’un effectif de 6 salariés.

 

L’export semble enfin faire progresser les compétences de l’entreprise (dans près de 52% des cas), en particulier au niveau commercial, puis technique. Cette progression se fait surtout ressentir lorsque l’export représente plus de 25% du chiffre d’affaires ; il a donc des impacts positifs sur l’organisation et les compétences de l’entreprise.

 

La plupart des artisans (76%) exportent leurs produits sans intermédiaire ; les artisans exportateurs s’appuient fortement sur quelques outils structurants : site Internet (80%), plaquette (18%), échantillons… Parmi ceux qui ont un site internet, 39% l’ont uniquement en français, 30% ont un site en anglais, 11% des entreprises ont un site disponible en au moins 3 langues ; noter que 46% n’ont pas développé d’outil spécifique pour démarcher des clients étrangers.

Les artisans-exportateurs sont plus nombreux à avoir participé à des salons internationaux en France (43%), qu’à l’étranger (35%). 13% ont pris part à ces deux types de manifestations. 35% n’ont jamais participé à des salons.

 

Les artisans interrogés sont satisfaits ou très satisfaits de leur activité export (82%). Le degré de satisfaction ne varie pas en fonction de l’effectif ou de l’activité, mais est corrélé avec la part de chiffre d’affaires réalisée à l’export : les artisans très insatisfaits ou insatisfaits sont aussi ceux qui ont l’activité export la moins développée. Quant aux plus satisfaits, ce sont également les plus proactifs, Pour ces derniers, l’export vaut reconnaissance de leur savoir-faire. Il ouvre de nouveaux horizons, permet de faire de nouvelles rencontres et de partager son expérience dans un cadre nouveau. L’export est également souvent une source nouvelle d’inspiration.

 

Deux atouts principaux aux dires des artisans, le savoir-faire (24%) et la qualité du produit (24%), moins les prix (11%) ou le made in France (10%) ; toutefois, la présence sur les salons et la notoriété de l’entreprise semblent être de plus grande importance pour les entreprises qui réalisent un plus grosse part de leur chiffre d’affaires à l’export.

 

Plusieurs facteurs concourent à une activité d’exportation plus élevée :

– la présence d’une démarche d’innovation (la part de CA à l’export des artisans-exportateurs ayant protégé des brevets, modèles, marques est supérieure aux autres)

– la détention d’un savoir-faire rare (plus il y a d’entreprises détenant le même savoir-faire, à l’étranger, moins la part de CA à l’export est importante)

– le fait d’avoir exercé un travail dans les relations internationales favorise l’export (près de 33 % de CA à l’export contre 17% pour la moyenne)

– le niveau de structuration de la démarche : ceux qui sont proactifs à l’export réalisent une part de CA à l’export significativement supérieure. Il en va de même des entreprises qui disposent d’un budget spécifique pour l’export et qui ont mis en place des outils de communication. Ceux qui disposent d’une plaquette ou d’un site (au moins traduit en anglais) affichent un CA export supérieur (23% en moyenne pour les détenteurs d’un site traduit en anglais, 29% pour ceux possédant un site multilingue) ; en revanche, le fait d’avoir un site en français ne semble avoir aucune incidence positive sur l’exportation.

– le recours à une implantation / filiale de l’entreprise à l’étranger (30%), le recours à un agent commercial sur place 26, ou à un importateur ou un distributeur dans le pays 21% sont là encore des atouts.

 

Les freins

 

Parmi les 13 difficultés potentielles citées, 3 sont fréquentes, le manque de temps du dirigeant à consacrer à l’export (48%), la recherche de distributeurs (42,5%) et le manque de personnel qualifié (tant export que technique avec 40%).

7 autres difficultés sont habituelles (entre 31 et 37% de citations) : 5 sont de l’ordre de l’export (respect des normes étrangères, barrières douanières, différences culturelles, informations suffisantes sur les marchés, contrefaçon) et 2 de l’ordre d’une action de développement (le financier, faire face aux impayés).

Sont par contre jugés peu importantes (entre 17 et 25%), l’adaptation technique des produits, une capacité de production suffisante, et l’élaboration des contrats.

 

L’appui à l’export

 

La notoriété des réseaux d’accompagnement export est faible : les CCI sont bien plus citées que les organismes spécialisés (46% contre Coface 20%, Ubifrance 18,5) ; les CMA sont citées par 17%. 60% des artisans disent n’avoir reçu aucune aide dans le cadre de leur démarche à l’export (entre 7 et 9% ont fait appel aux réseaux cités, hors les CMA avec 3%). 54% jugent l’accompagnement adapté, d’autant mieux que les organismes ont été sollicités. L’accompagnement sur les salons est l’appui jugé le moins adapté.

 

Les artisans qui n’ont bénéficié d’aucune aide sont majoritairement les artisans qui exportent en direct depuis la France et qui n’ont pas participé à des salons ; Inversement, les artisans aidés sont pour la plupart présents sur des salons à l’étranger; Ils ont bénéficié en premier lieu des prestations des CCI (pour près d’un quart d’entre elles) ; quant aux prestations d’Ubifrance, elles sont plus fréquemment mobilisées par les entreprises de plus de 5 salariés, celles de la Coface par les entreprises de plus de 11 salariés.

 

La majeure partie des aides reçues, par près de 55% des entreprises, sont des aides financières (celles-ci comprennent également les aides aux salons). L’apport d’informations « marché » est surtout donné par les CCI.